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Le mythe de Maïé, tel que relaté par Bohui Dali est la version poétisée du mythe originel de Maïé. De l=antagonisme dans le mythe originel qui a conduit à la guerre entre la société des femmes et celle des hommes, le poète tire une oeuvre nouvelle et modifie la nature des rivalités.

La collaboration dynamique dans l=oeuvre de Bohui Dali entre hommes et femmes détruit fondamentalement et radicalement les rapports de vaincus à vainqueurs que le mythe avait institués entre ces deux communautés. Dans le poème Maïéto Pour Zékia, il n=est plus question de guerre des sexes. Le conflit qui est célébré dans l=oeuvre oppose les forces de l=ombre aux forces de la lumière, l=affrontement entre les forces de progrès et les forces de regression. Au total, le véritable enjeu de l=oeuvre de Bohui Dali et que Gnaoulé Oupoh, ex-attaché de

Recherche du Groupe de Recherche sur la Tradition Orale (GRTO) résume de fort belle manière dans la revue de littérature orale Bissa6 en ces termes est celui-ci:

«La question des rapports entre l’homme et la femme dans la société bété qui est le centre d’intérêt de ce mythe est un aspect d’un débat plus large qui doit être ouvert sur la société ivoirienne prise dans sa globalité, autour de cette question fondamentale, combien de fois ressassée, mais encore très loin d’être tranchée: quelle est la place qui doit être faite à la femme dans la perspective de la renaissance des cultures africaines? »

6Gnaoulé Oupoh: Revue de littérature orale Bissa, Abidjan, Presse de l’université d’Abidjan, 1981 p. 3

Enfin, l=étude de Maïéto Pour Zékia va nous permettre de «pénétrer» dans ce langage symbolique de la poésie où les mots semblent être tissés et traversés par les différentes pulsions de l’être vivant. Le principe esthétique du symbolisme en poésie, selon Mallarmé, peut se définir de la manière suivante: «Le poème ne doit pas dire la réalité, mais en donner un symbole c’est-à-dire susciter, par les moyens de la poésie, une impression analogue à celle produite par la

réalité»7. Toujours dans le même sens, Tzvetan Todorov fait remarquer que: «Le Symbolisme linguistique se définit à travers ce débordement du signifiant par le signifié»8 . Todorov met l’accent sur le fonctionnement symbolique du langage dans la mesure où le sens exprimé peut bien aller au délà ou nier carrément le sens suggéré. En d’autres termes, «signifiant et signifié», selon Todorov ne sont pas toujours liés par une relation de causalité. Il arrive quelquefois que le premier «déborde le second» pour donner une interprétation symbolique de la réalité. La poésie de Césaire ne vise pas à traduire la réalité, mais elle vise plutôt la découverte de la face cachée de l’univers c’est-à-dire le sens caché derrière l’apparence. Observons par exemple ce texte d=Aimé Césaire tiré dans le Cahier d’un retour au pays natal:

«La mort est un oiseau blessé La mort décroît

La mort vacille

La mort expire dans une blanche-marre De silence»9

Etablir une identité entre «mort» et «oiseau blessé», c=est désintégrer le substantif mort du point de vue de sa valeur sémantique. En fait, cette rupture est une éviction pure et simple du sens de base du mot «mort». La mort qui est cessation de toute vie passe du concret à l=abstrait. Elle subit

7 Mallarmé cité par Vaillant in La poésie: Initiation aux méthodes d’analyse des textes poétiques, Paris, Éditions, Nathan, 1992 p. 46

une mutation. La valeur nouvelle et insolite qu=elle acquiert indique qu=elle exprime désormais la vie, même précaire alors qu=elle n=avait pour signification que d=exprimer la cessation de toute vie. C=est un phénomène de transmutation qui marque un signe de liberté absolue. Donc, la symbolisation est ce qui rend disponible à toutes sortes de liaisons les plus inattendues. Dès lors, on comprend pourquoi Geneviève Calame-Griaule, dans son ouvrage:

Ethnologie et langage: la parole chez les Dogonfait remarquer à juste titre:

«Dans le monde ainsi créé, tout est « signe » et rien n=est gratuit, c=est-à-dire que chaque parcelle de matière renferme un message destiné à l=homme. La créature humaine est en situation dans un univers à son image, dont tous les éléments sont en rapport avec une certaine vision qu=elle a d=elle même et de ses problèmes. L=homme cherche son reflet dans tous les miroirs d=un univers anthromorphique dont chaque brin d=herbe, chaque moucheron est porteur d=une «parole». C=est ce que les Dogon nomment «parole du monde », le symbole».10

Ces propos de Calame-Griaule signifient que la parole chez les Africains est «d’essence divine»

et son usage comme: «un livre que le lecteur déchiffre, décode le message» obéit à des règles précises et à des conditions bien déterminées. Par exemple, dans une assemblée africaine, ne prend la parole qui veut. Seuls, ceux qui ont la capacité de comprendre les différentes

implications du verbe, qui peuvent saisir le sens caché des choses c’est-à-dire «les non-dits» sont investis du pouvoir de parole. Le symbole, dont Calame-Griaule fait allusion dans son texte est celui que les «Dogon» nomment «parole du monde» c’est-à-dire la parole profonde qui n’est accessible qu’à ceux qui ont reçu une éducation et une formation adéquate pour la déchiffrer, l’interpréter, et la diffuser.

8 Tzvetan Todorov: Symbolisme et interprétation, Paris, Seuil, 1978 p. 38

9 Aimé Césaire: Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, 1956 p. 11

10 Calame Griaule: Ethnologie et langage: la parole chez les Dogon, Paris, Gallimard, 1965 p. 27