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1. Recensement et identification des principaux risques à caractère juridique

1.3. Risques liés à la territorialité des lois

1.3.1. Territorialité et juridiction

Les lois et règlements sont par nature limités quant à leur juridiction aux frontières respectives des États qui les adoptent. L’arrivée des plateformes néomédiatiques remet en question l’efficacité des lois qui sont applicables à celles-ci. Ce n’est toutefois pas la première fois que l’arrivée de nouvelles technologies et d’innovations techniques se trouve à la source de questionnement et de risques pour les gens œuvrant dans les milieux où ces technologies ont fait leur apparition.

Au cours de son histoire, la Loi sur le droit d’auteur a suscité plusieurs problèmes d’applications à mesure que les plateformes de diffusion des œuvres ont évolué. Initialement destinée à la littérature, son application s’est étendue à la musique, à la photographie et au cinéma entre autres, dès qu’il a été possible d’en faire des reproductions.

La première invention qui a modifié le modèle d’affaires des auteurs et qui a engendré la mise en place de la première Loi sur le droit d’auteur se veut l’invention de Johannes Gutenberg : l’impression. L’ancêtre des lois actuelles sur le droit d’auteur185, le Statute

185 James DENARO, « Choice of Law Problems Posed by the Internet and by Satellite Broadcasting », 1-2,

no 1 Tulane Journal of Technology and Intellectual Property 1 (1999-2000), p. 1. Voir aussi : « "De 1710

au Cyberespace" : une célébration de 300 ans de droit d'auteur qui se tourne vers son avenir », (14 au 17 juin 2009) conférence de la British Literary and Artistic Copyright Association et l’Association littéraire

of Anne186 découle de l’introduction en Angleterre en 1476 de la presse à imprimer187. Le Statute of Anne reconnaissait à son auteur le droit exclusif de reproduire un livre de même qu’au libraire ou à l’imprimeur ayant dûment acquis les droits de reproduction sur ce livre pour une période de 21 ans après la date de première publication. Cette loi était applicable toutefois seulement sur le territoire régi par la Couronne anglaise.

Plusieurs pays ont par la suite emboîté le pas à l’Angleterre et adopté à leur tour des lois protégeant le droit d’auteur. Ces lois ont d’abord couvert les œuvres littéraires et musicales sous la forme imprimée188, puis ont englobé d’autres types d’œuvres au fil de l’évolution des technologies et des plateformes de diffusion et d’exploitation des œuvres.

Toutes ces lois sur le droit d’auteur ont beau avoir le même ancêtre, elles diffèrent les unes des autres. La principale raison derrière les distinctions constatées d’une loi à l’autre émane du principe que chaque État souverain est libre d’adopter les lois qu’il désire sur son territoire selon les valeurs qui sont les siennes :

« La souveraineté territoriale implique le droit exclusif d’exercer les activités étatiques. Ce droit a pour corollaire un devoir : l’obligation de protéger à l’intérieur de son territoire, les droits des autres États, en particulier leur droit à l’intégrité et à l’inviolabilité en temps de paix et en temps de guerre, ainsi que les droits que chaque État peut réclamer pour ses nationaux en territoire étranger. L’État ne peut pas remplir ce devoir s’il ne manifeste pas sa souveraineté territoriale d’une manière adéquate aux circonstances. La souveraineté territoriale ne peut se limiter à son aspect négatif, c’est-à-dire au fait d’exclure les activités des autres États; car c’est elle qui sert à répartir entre les nations l’espace sur lequel se déploient les activités

186Statute of Anne, 1710, Ch. C-19, 8 Anne, votée en Angleterre en 1709 et entrée en vigueur en le 10 avril

1710 sous le règne de la Reine Anne Stuart.

187 Thomas B. MORRIS Jr., « The Origins of the Statute of Anne », 12 Copyright Law Symposium

(ASCAP) 222 (1963), p. 22 et 223.

humaines, afin de leur assurer en tous lieux le minimum de protection que le droit international doit garantir. »189

L’État souverain doit exercer tous les aspects de sa souveraineté de manière efficace ainsi que la totalité de ses pouvoirs étatiques sur l’ensemble de son territoire. L’un des principaux pouvoirs découlant de sa souveraineté est le pouvoir législatif190. Toutes les lois et tous les règlements adoptés par un État s’appliquent, donc, uniquement sur le territoire de ce dernier. Ainsi, du pouvoir législatif émane le concept de territorialité d’une norme, soit « le principe selon lequel le champ d'application d'une règle est limité à un espace territorial »191.

De ce fait, les producteurs doivent s’assurer de respecter les lois et règlements applicables sur le territoire où ils exploitent une œuvre audiovisuelle. Avec les plateformes néomédiatiques et la possibilité de perte de territorialité des contenus diffusés sur Internet, il paraît plus complexe de respecter cette obligation de territorialité d’autant plus que la règle de l’établissement de la juridiction des lois et règlements sur Internet dans le cadre d’une violation du droit d’auteur n’est pas encore clairement établie sur Internet192.

D’un territoire à l’autre, le droit d’auteur connaît, donc, des développements afin d’adapter ce droit à l’ère des plateformes néomédiatiques. Nous verrons à la prochaine

189 Île de Palmas, (1928) C.I.J. Rec. 12, par. 79, extraits dans Claude EMANUELLI, Droit international

public, contribution à l’étude du droit international selon une perspective canadienne, Montréal, Wilson

Lafleur, 1998, no 444.

190 A.-J. ARNAUD (dir.), préc., note 52, p. 580.

191 « Définition de territorialité » dans Serge BRAUDO (dir.), Dictionnaire du droit privé de Serge Braudo,

France, en ligne : http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/territorialite.php (consulté le 1er

décembre 2011).

192 Au sujet des problèmes de choix de juridiction sur Internet, voir: J. DENARO, préc., note 185 ; T.

SOLLEY, préc., note 45 ; Andrew T. KENYON et Robin WRIGHT, « Television as something special? Content control technologies and free-to-air TV », 30, no 2 Melbourne University Law Review 338 (2006) ; C. B. VINCENT, préc., note 84 ; J. C. GINSBURG, préc. Note 47 ; Chris GOSNELL,« Jurisdiction on the Net: Defining Place in Cyberspace », 29 Can. Bus. L.J. 344 (1998).

section certains développements à l’échelle nationale et internationale qui ont une incidence sur le droit d’auteur et sur l’application qui en est faite sur le territoire canadien.

1.3.2. Territorialité et développements nationaux et internationaux : lois et