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FARIDA Tayeb

III.2.1. Le territoire et la face

*Une distance :

- peu respectueuse vis-à-vis d'artistes non confirmés (l'humoriste oranais Slimane Harroudi).

- respectueuse vis-à-vis des célébrités ayant un certain âge ou un statut social (prolifération de particule "səjəd" "SI",Madame")

La relation de familiarité ne dénote aucun rapport de domination.

La notion de distance voulue par le ou les animateurs fait osciller leur place dans l'interaction entre :

- la position haute : avec les personnalités de petite envergure.

- la position basse : avec les célébrités (Bellemou, Massa Bouchafa, Bouaziz…) d'où l'usage intensif d"appréciatifs".

Cette fluctuation des positions des animateurs est confirmée par "les rites d'interaction "observés durant l'émission.

III.2. Le jeu des faces et la politesse linguistique

La politesse occupe une place prépondérante dans les interactions quotidiennes et la tâche première des chercheurs est de décrire les techniques mises en œuvre pour préserver la fluidité et l'harmonie des relations interlocutives .

III.2.1. Le territoire et la face

En analyse des interactions, la notion de face joue un rôle primordial. En effet, c'est sur elle que repose la théorie de la politesse linguistique.

Cette notion d'inspiration chinoise66 doit sa dénomination ; sans doute aux expressions tirées de la langue ordinaire « sauver la face »,« perdre la face», « faire bonne figure », «faire pâle figure » basées sur le sens de l'honneur et de la dignité. En langue arabe nous retrouvons l'idée de « la face » dans l'expression « il a préservé l'eau de sa face » c'est-à-dire qu'il a pu éviter de transpirer sous l'effet de la honte et échappé ainsi à une humiliation.

Goffman déclare que :

66

Hsien Chin Hu,1944,"The chinese Concept of "face " ,Américan anthropologist,n°6,pp.45-64.Martin C.Yang,a chinese village,(New York,Columbia Universty Press)

Interagir avec l’autre représente un double risque, celui de donner une image négative de soi et celui d’envoyer à l’autre une image négative de lui- même.Tout discours est construit en tenant compte de cette double contrainte et contient des techniques défensives (defensive practices) émises pour protéger ses propres projections et des techniques de protection (protective practices) émises pour sauvegarder la définition de la situation projetée par les autres." :67

Dans leur article68, publié en 1978, Brown P et Levinson S exploitent la notion de« la face» et du « territoire » de E. Goffman69 pour qui la vie sociale est assimilée à une représentation théâtrale.

"On peut définir le terme de face comme étant la valeur sociale positive qu'une personne revendique effectivement à travers la ligne d'action que les autres supposent qu'elle a adoptée au cours d'un contact particulier.C'est une image de soi selon certains attributs sociaux approuvés."

L'acteur –le locuteur dans l'interaction- cherche alors, dans ses rencontres, à donner une image valorisée de lui-même et à la faire respecter par autrui.Le locuteur module son image en fonction de la représentation qu’il croit que son auditoire se fait de lui et espère que la réaction de celui-ci répondra à son attente. C'est cela que Goffman désigne par "face want" ou ce que l'on désigne par l'expression "soigner son image", "préserver sa réputation".

67Goffman (E)1973 " la mise en scène de la vie quotidienne",Paris,Minuit.

68 P.Brown et S. Levinson1978 “Universals in Language Usage; Politeness Phenomena",in Goody (E.)cité par Kerbrat orecchioni © ,1990,les interactions verbales, ArmandColin/Masson ,Paris

70 Goffman (E) 1973 : les rites d'interaction ,Paris : Minuit ;p .9

Dans cette scène (la société), les individus en interaction pratiquent une forme de rituel, c'est-à-dire qu'ils conforment leurs attitudes à des règles dont l'élément clé est la face , laquelle peut-être définie comme la valeur sociale positive dont une personne peut donc se prévaloir dans l'interaction.

Le modèle développé par Brown P.et Levinson S. Se fonde, donc, sur les notions de territoire et de face auxquelles ils substituent :

- la face négative ou le territoire : sorte d'espace réservé qui correspond à la sphère privée, au jardin secret ou aux coulisses (au sens goffmanien) que chaque individu a besoin de défendre.

- la face positive (le narcissisme) " qui est l'image de soi actualisée et valorisée sur la scène ", c'est-à-dire le besoin d’être reconnu et apprécié par autrui.

Tout acte dans l’interaction sociale est intrinsèquement “menaçant”pour l'une des deux faces.

Les actes de langage se classent d’après les conventions qui traduisent l’opposition entre ce que l’on appelle

“la face positive de l’individu”

“la face négative”

a)-la face négative:

La face négative est constituée par l'ensemble des territoires qui appartiennent à toute personne (la dimension corporelle, spatiale et temporelle). Le rituel négatif accompagne toute offense contre le territoire non spatial de quelqu’un, c'est-à-dire contre les propriétés du moi et contre le droit à la tranquillité et consiste sur le plan linguistique en des échanges réparateurs, à savoir les justifications, les excuses et les prières.

L'importance du territoire varie d'une personne à une autre. “En général, plus le rang est élevé, plus les territoires du moi sont vastes .”70

Cette constatation sera exploitée par les linguistes lorsqu’ils analyseront le rapport de place qui s’établit dans toute interaction verbale et les manifestations de la politesse linguistique que nous évoquerons ultérieurement.

b)- la face positive :

C'est «la façade» de l'individu constituée par l'ensemble des images valorisantes que l'individu construit et essaye de projeter à travers l'interaction. Pour simplifier l'image on peut parler de réputation sociale en termes communs c'est-à-dire l'image que les gens sont censés avoir de la personne et que celle-ci doit impérativement préserver. On peut parler également d'image de marque, de" blason" qu'il faut constamment essayer de redorer. Kerbrat-Orecchioni définit la face positive comme ce «qui correspond en gros au narcissisme, et à l ‘ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs construisent et tentent d’imposer d’eux-mêmes dans l’interaction » 71

.

Chaque individu tente de préserver ces deux faces à tout prix. Il peut même tenter d'accroître son territoire (face négative) et sa face positive (image sociale).Les participants à l'interaction ont tous le désir de préserver « la face ». C'est le «face want» ou le « désir de face ».

Les faces sont les cibles permanentes d'offenses et de désir de préservation. On pourrait se demander comment les partenaires d'une interaction verbale arrivent-ils à gérer cette situation contradictoire.

Pour Brown et Levinson, il suffit de mettre en œuvre des stratégies de politesse destinées à adoucir les menaces qui pèsent sur la face.

Pour Brown et Levinson , la politesse est fondée essentiellement sur la notion de FTA (face threatening act). Les FTAs peuvent être considérés comme des actes menaçants pour la face.

c)- Les actes menaçants pour la face (FTA):

Dans l'interaction, les deux faces sont constamment mises en péril, soit par le locuteur lui-même, soit par l'interlocuteur. En effet, les participants à l'interaction peuvent produire des actes verbaux ou non verbaux susceptibles de constituer des menaces pour l'une ou l'autre face : les FTA (Face Threatenings Acts) que l'on pourrait traduire ainsi («actes menaçants pour les faces»).

Les actes menaçants constituent quatre catégories :

Ils peuvent porter atteinte à :

1) – la face négative de celui qui les accomplit :

Par exemple, si je fais une offre ou une promesse, cela risque de porter atteinte à mon territoire.

2) – la face positive de celui qui les accomplit Excuse, autocritique,aveu…

3) – la face négative d'un interlocuteur :

Agression visuelle, sonore, contact corporel, ordre, interdiction, questions indiscrètes… 4) – la face positive d'un interlocuteur :

Reproche, insulte, moquerie, injure, critique, réfutation…

On a reproché Brown et Levinson l'aspect paranoïaque de leur concept (FTAs) puisqu' ils semblent assimiler l'échange verbal à un conflit , une sorte de "guerre froide " où les partenaires de l'échange ,"les belligérants" en fait, passent leur temps à "se tirer à boulets rouges " et à négocier des trêves vouées à une brève existence.

Et c'est en réaction au pessimisme des FTAs que sont apparus les anti-FTAs ou FFAs (face flattering acts) qui réalisent une politesse.

- négative (par atténuation ou occultation du FTA), avec des procédés susbtitutifs, des procédés accompagnateurs, etc.

- positive avec des actes ou des comportements valorisants

d)- les actes gratifiants ou flatteurs ou «cajoleurs» (FFA –Face Flattering Acts)

Ce sont des actes valorisants qui peuvent prendre la forme de compliments, de remerciements, de souhaits.

Ce sont là les notions de base du système de la politesse. Elles permettent : a)-d’adoucir des FTA( produire des anti FTAs) . C'est la politesse négative b)-de produire des FFA. C'est la politesse positive.

III.2.2. La politesse linguistique: