On trouve dans [HL78, Dau89] des preuves du fait que les syst`emes de r´e´ecriture
sont en fait Turing-complets. Cela signifie que r´epondre `a la question du probl`eme de
la terminaison des syst`emes de r´e´ecriture dans le cas g´en´eral est ind´ecidable car il se
r´eduit au probl`eme de la halte des machines de Turing. N´eanmoins, il existe des classes
de syst`emes de r´e´ecriture sur lesquels le probl`eme de la terminaison devient d´ecidable.
Nous allons ici pr´esenter dans les grandes lignes ces cas de figure et pr´esenter des
m´ethodes permettant de prouver la terminaison des syst`emes de r´e´ecriture quand
cela est possible.
Propri´et´e 1.6.1(Ind´ecidabilit´e du probl`eme de la terminaison). Le probl`eme suivant
est en g´en´eral ind´ecidable : ´Etant donn´e un syst`eme de r´e´ecritureR, est-ce que toutes
les r´eductions partant de tous les termes sont de longueur finie ?
Nous allons maintenant pr´esenter des propri´et´es qui impliquent la terminaison des
syst`emes de r´e´ecriture.
1.6.1 Les ordres de r´eduction
Comme discut´e dans la section concernant les syst`emes abstraits de r´eduction,
montrer que la relation de r´e´ecriture satisfait le principe d’induction bien fond´ee
suffit `a montrer que cette relation est terminante. Une premi`ere fa¸con de montrer
qu’un syst`eme de r´e´ecriture termine consiste `a trouver un ordre strict>sur T(Σ, X)
qui v´erifie le principe d’induction bien fond´ee.
Soit une relation de r´e´ecriture R, supposons qu’il existe un ordre strict > sur
T(Σ, X) qui satisfait le principe d’induction bien fond´ee, si pour toutt→
Rs on at >
s alors R termine. Cette premi`ere fa¸con de prouver la terminaison pr´esente l’´enorme
inconv´enient de requ´erir le test pour l’ensemble des couples t →
Rs, potentiellement
infini.
Heureusement, il existe d’autres fa¸cons de v´erifier que le syst`eme de r´e´ecriture R
termine, qui recqui`erent seulement la v´erification de la propri´et´e l
k> r
kpour tout
l
k→r
k∈ R. Une de ces fa¸cons consiste `a mettre en ´evidence l’existence d’un ordre
de r´e´ecriture.
D´efinition 1.6.1 (Ordre de r´e´ecriture). Soit Σ une signature et X un ensemble
d´enombrable de variables. Un ordre strict sur T(Σ, X) est un ordre de r´e´ecriture si
et seulement si cet ordre est :
– compatible avec les Σ-op´erations,
– clos par substitution.
D´efinition 1.6.2 (Ordre de r´eduction). Un ordre > de r´e´ecriture est un ordre de
r´eduction si et seulement s’il est terminant.
La recherche d’un ordre de r´eduction est motiv´ee par le r´esultat suivant,
Th´eor`eme 1.6.1. Un syst`eme de r´e´ecritureR termine si et seulement si il existe un
ordre de r´eduction > satisfaisant l > r pour toute r`egle l →r ∈R.
1.6.2 M´ethode d’interpr´etation
Les m´ethodes d’interpr´etation sont classiquement utilis´ees pour montrer la
termi-naison de syst`eme de r´e´ecriture. `A la place de construire un ordre v´erifiant le principe
d’induction bien fond´ee sur l’ensemble des termes T(Σ, X), ces m´ethodes ´etudient le
comportement de l’image de ces termes par une famille de fonctions ´evaluant les
termes vers un ensemble o`u il existe un ordre bien fond´e.
D´efinition 1.6.3. Soit A une Σ-alg`ebre non vide et soit > un ordre strict et bien
fond´e surA le support de A. Soit >
Ala relation binaire d´efinie par
s >
At ssiπ(s)> π(t)
pour tout homomorphisme π:T(Σ, X)→ A.
On a la stabilit´e par substitution car>
Aest d´efinie pour toute les valuation
pos-sibles des variables. Afin d’ˆetre conforme avec la notion de stabilit´e par Σ-op´erations,
il est n´ecessaire que toutes les interpr´etations des symboles de fonction v´erifient la
propri´et´e de monotonie suivante :
D´efinition 1.6.4 (Monotonie d’une fonction pour un ordre). Soit > un ordre strict
sur l’ensemble A. Une fonction F : A
n→ A est dite monotone pour l’ordre > si et
seulement si l’implication
a > b⇒F(a
1, . . . , a
i−1, a, a
i+1, . . . , a
n)> F(a
1, . . . , a
i−1, b, a
i+1, . . . , a
n)
est v´erifi´ee pour touti, 1≤i≤n et pour tout a, b, a
1, . . . , a
i−1, a
i+1, . . . , a
n∈A
n+1.
Th´eor`eme 1.6.2. Soit A et > satisfaisant les propri´et´e de la d´efinition 1.6.3. Si
l’interpr´etation f
Ade toute fonction f ∈ Σ est monotone pour l’ordre > alors >
Aest un ordre de r´eduction sur T(Σ, X).
Ce th´eor`eme permet de trouver des conditions permettant de construire des
in-terpr´etations telles que l’ordre induit par cette interpr´etation est un ordre
d’interpr´e-tation. Au rang des m´ethodes d’interpretations, on peut citer les m´ethodes
d’inter-pr´etations polynomiales.
D´efinition 1.6.5 (Interpr´etation polynomiale). Soit Σ une signature. Une
interpr´e-tation polynomiale de Σ est une Σ-alg`ebreA qui v´erifie les propri´et´es :
– Le support deA est inclus dans N− {0},
– Toute fonction f ∈ Σ
nd’arit´e n est associ´ee `a un polynˆome P
f(X
1, . . . , X
n) ∈
N[X
1, . . . , X
n]. L’interpr´etation polynomiale de f dans A est l’´evaluation de la
L’ordre > sur les entiers naturels, qui est bien fond´e, est habituellement utilis´e.
Comme le support A d’une Σ-alg`ebre A est clos sous Σ-op´erations alors le support
A d’une interpr´etation polynomiale est clos par l’´evaluation des polynˆomes P
f. En
d’autres termes pour tout f ∈Σ et a
1, . . . , a
n∈ A
non a P
f(a
1, . . . , a
n) ∈A. Il n’est
pas possible de d´efinir un ordre de simplification juste en associant `a chaque symbole
de fonctionf un polynˆomeP
fet en fixant un supportAd’entiers strictement positifs,
il faut ´egalement pouvoir garantir que l’´evaluation des polynˆomes est clos dans A.
Exemple 1.6.1 ([BN98]). Posons Σ = {⊕,⊙}, une signature compos´ee de deux
fonctions d’arit´e 2. Soit A=N− {0,1}. Si on pose
P
⊕:= 2X+Y + 1
P
⊙:= XY
et on associe P
⊕`a ⊕ etP
⊙`a⊙ alors l’interpr´etation polynomiale sur A satisfait
⊕
A(m, n) := 2m+n+ 1
⊙
A(m, n) := m×n
L’application associant les symboles de fonctions aux polynˆomes s’´etend de la
mani`ere suivante : Pour un t contenant n variables x
1, . . . , x
n, on va construire un
polynˆome P
t`a n variables X
1, . . . , X
n. Par exemple, l’interpr´etation polynomiale
pr´esent´ee ci-dessus associe le termet =x⊙(x⊕y) avec le polynˆome suivant :
P
t= P
⊙(X, P
⊕(X, Y))
= X(2X+Y + 1)
= 2X
2+XY +X.
Remarque 1.6.1. Dans le cas g´en´eral, les interpr´etations polynomiales ne sont pas
forc´ement monotones pour l’ordre strict>.
On va d´efinir des conditions sur les polynˆomes qui nous permettront de construire
des interpr´etations «polynomiales monotones», c’est-`a-dire une mani`ere d’associer
`a un terme une fonction polynomiale qui sera monotone. Cette d´emarche permet de
construire des ordres dits polynomiaux utilis´es pour effectuer la preuve de terminaison
de certains syst`emes de r´e´ecritures, tels que celui pr´esent´e dans l’exemple 1.6.1.
D´efinition 1.6.6 (Polynˆome monotone). Un polynˆome P ∈ N[X
1, . . . , X
n] est dit
monotone s’il existe au moins une occurrence –non nulle– de chaque variableX
idans
ce polynˆome avec X
iapparaissant `a un exposant sup´erieur ou ´egal `a 1.
D´efinition 1.6.7 (Interpr´etation polynomiale monotone). Une interpr´etation
poly-nomiale monotone est une interpr´etation polypoly-nomiale pour laquelle tous les symboles
de fonction sont des polynˆomes monotones.
Ces interpr´etation polynomiales ont une propri´et´e qui nous int´eresse
particuli`ere-ment :
Lemme 1.6.1. Toutes les fonctions f
Ad’une interpr´etation polynomiale monotone
sont monotone.
`
A partir de ce dernier lemme et du th´eor`eme 1.6.2 on montre que l’ordre>
Ainduit
par une interpr´etation polynomiale monotone est un ordre de r´eduction.
D´efinition 1.6.8 (Ordre polynomial). Un ordre polynˆomial est un ordre induit par
une interpr´etation polynomiale monotone.
Cet ordre permet bien entendu de comparer des termes. SoitP, Q∈N[X
1, . . . , X
n].
On note P >
AQ si P(a
1, . . . , a
n)> Q(a
1, . . . , a
n) pour tout vecteur a
1, . . . , a
n∈A
n.
Lemme 1.6.2. l >
Ar si et seulement si P
l>
AP
r.
Nous allons utiliser cet ordre de r´eduction dans le cadre d’une application pratique.
Exemple 1.6.2. Montrons que le syst`eme de r´e´ecriture
R :=
x⊙(y⊕z) → (x⊙y)⊕(x⊙z)
(x⊕y)⊕z → x⊕(y⊕z)
termine en utilisant l’interpr´etation polynomiale pr´esent´ee dans l’exemple 1.6.1.
Po-sonsP
l1le polynˆome associ´e au membre gauche de la premi`ere r`eglel
1:=x⊙(y⊕z)
etP
r1le polynˆome associ´e au membre droit de l
1. Calculons P
l1etP
r1,
P
l1= X(2Y +Z + 1) = 2XY +XZ+X
P
r1= 2XY +XZ + 1.
Rappelons que nous avions fix´e l’ensemble support A `a N−0,1 et que pour tout
(a
1, a
2)∈A
2nous avons P
l1(a
1, a
2)> P
r1(a
1, a
2), ce implique P
l1>
AP
l2.
De mˆeme, consid´eronsP
l2etP
r2les polynˆomes respectivement associ´es au membre
gauche et au membre droit de la r`egle de r´e´ecriturel
2:=x⊕(y⊕z). Le calcul de ces
deux polynˆomes
P
l2= 4X+ 2Y +Z+ 3
P
r2= 2X+ 2Y +Z+ 2,
montre bien que sur A on a bien P
l2>
AP
r2qui est v´erifi´ee. Les deux r´esultats
pr´ec´edents montrent quel
1>
Ar
1ainsi quel
2>
Ar
2. Cela est suffisant pour montrer
1.6.3 Les ordres de simplification
Une seconde m´ethode de preuve de terminaison consiste `a construire ce qu’on va
appeler des ordres de simplification. Parmi ceux-ci, certains sont utilis´es pour prouver
de fa¸con automatique la terminaison de syst`emes de r´e´ecriture, comme l’ordre«KBO,
pour Knuth-Bendix Order» et «RPO, pour Recursive Path Order».
D´efinition 1.6.9 (Ordre de simplification). Soit Σ une signature etX un ensemble
infini mais d´enombrable de variables. Un ordre strict > sur T(Σ, X) est un ordre de
simplification si > est d’une part un ordre de r´e´ecriture et d’autre part satisfait la
propri´et´e suivante :
Pour tout terme t∈T(Σ, X) et toute position p∈ Pos(t)− {ǫ}, on a t > t|
p.
On appelle cette derni`ere propri´et´e la «propri´et´e de sous-terme».
Lemme 1.6.3. Un ordre de r´e´ecriture est un ordre de simplification si pour tout
n ≥ 1, tout symbole de fonction f ∈ Σ
n, toutes variables x
1, . . . , x
n∈ X
net tout
i∈N on a f(x
1, . . . , x
i, . . . , x
n)> x
i.
Nous ne d´etaillerons pas d’avantage la description des ordres de simplification car
nous ne les avons pas utilis´e dans cette th`ese. N´eanmoins, on ne pouvait omettre de
les mentionner dans un travail d´edi´e `a l’´etude de la terminaison de certains syst`emes
de r´e´ecriture.
Dans le document
Terminaison en temps moyen fini de systèmes de règles probabilistes
(Page 32-37)