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Le temps de fluorescence techniques de mesures et applications biomédicales

La première mesure quantitative de fluorescence date de 1852 par George Stokes, qui nota alors le décalage entre la longueur d’onde du rayonnement absorbé et celle du rayonnement émis par fluorescence, phénomène dorénavant connu sous le nom de « décalage Stokes » [Stokes 1852]. Depuis lors, les techniques basées sur la mesure de la fluorescence [Cole 00] n’ont cessé de prendre de l’importance dans des domaines variés comme le stockage optique [Wang 00], la détection de polluants, la biologie [Das 97] ou la médecine [Richards-Kortum 96].

Dans la plupart des cas, le principe de la mesure est basé sur la détermination précise du temps de déclin de fluorescence des espèces étudiées : il s’agit d’exciter une molécule par illumination, puis de détecter sa fluorescence de façon résolue en temps. Plus précisément, cette technique présente l’avantage de pouvoir étudier un échantillon biologique composé de plusieurs molécules dont les spectres de fluorescence sont très proches (ce qui est délicat avec une simple mesure des longueurs d’onde de fluorescence, du fait des nombreux recouvrements spectraux rendant l’exploitation des données délicate). De plus, le temps de fluorescence τ est une fonction du temps de vie radiatif, intrinsèque à la molécule étudiée, et du temps de vie non-radiatif (dû à des phénomènes de type « quenching », relaxation croisée, transfert d’énergie par fluorescence…) qui lui est fortement dépendant de phénomènes extérieurs à la molécule comme le pH de la solution ou sa viscosité. Une mesure précise de τ permet donc à la fois d’identifier le fluorophore lui-même et son environnement.

Voyons maintenant quels sont les moyens disponibles pour mesurer ce temps de fluorescence.

Tout d’abord, une définition : le temps de fluorescence τ est défini comme le temps nécessaire pour que l’intensité de fluorescence décroisse jusqu’à 1/e de sa valeur initiale, soit

τ

t

ae t

I( )= −

Il faut noter que cette définition n’est exacte que pour une impulsion d’excitation infiniment brève (mathématiquement, une fonction de Dirac) ou du moins pouvant être considérée comme telle (∆timpulsion << τ). Si ce n’est pas le cas, il faut effectuer une convolution entre le signal d’excitation et la réponse percussionnelle (réponse à une excitation de type fonction de Dirac) pour obtenir I(t).

On peut définir deux classes de méthodes pour mesurer τ : les méthodes fréquentielles et les méthodes temporelles.

~ Les méthodes fréquentielles sont basées sur le principe suivant : une excitation sinusoïdale (ou plus généralement périodique) est envoyée sur l’échantillon à étudier, puis la mesure du déphasage et du taux de démodulation entre le rayonnement d’excitation et le rayonnement de fluorescence permet de remonter à τ. Des techniques de détection homodyne ou hétérodynes doivent alors être mises en place afin d’obtenir ces résultats. La mesure de τ par méthode fréquentielle présente l’avantage d’être relativement simple et peu coûteuse. On utilise généralement comme source excitatrice des lasers continus émettant dans le visible ou le proche ultraviolet (par exemple les lasers à argon ionisé) ; la modulation en amplitude est obtenue grâce à un modulateur acousto- ou electro-optique.

Cependant, le procédé devient plus compliqué dès lors qu’il s’agit d’étudier des combinaisons complexes de plusieurs molécules.

~ Les méthodes temporelles consistent à mesurer directement le profil de déclin de

fluorescence. Elles utilisent des lasers impulsionnels : une excitation brève induit une décroissance exponentielle de l’intensité de fluorescence émise par la molécule considérée, le but du jeu étant alors de mesurer directement ce déclin de fluorescence. Nous allons maintenant décrire quelques unes des méthodes temporelles les plus couramment utilisées.

1. Echantillonnage optique

Cette méthode a été portée sous le feu des projecteurs suite à l’attribution du prix Nobel de Chimie à Ahmed Zewail en 1999 « pour ses études des états de transition lors de réactions chimiques par spectroscopie femtoseconde » [Zewail 99]. Le principe est de type « pompe- sonde » : on excite un échantillon avec une impulsion de pompe, puis on envoie avec un retard variable et contrôlé une impulsion de sonde. Le signal de fluorescence dépendant de l’écart temporel entre les deux impulsions, on obtient τ en traçant le signal de fluorescence en fonction du délai entre la pompe et la sonde. Cette méthode permet d’obtenir des résolutions temporelles excellentes, limitée par la durée des impulsions utilisées : on peut ainsi atteindre des résolutions de l’ordre de la centaine de femtosecondes. Cependant, étant donné l’énergie élevée des impulsions utilisées et l’excitation répétée des fluorophores, des phénomènes dommageables tels que le photo-blanchiment sont à redouter (on peut même aller jusqu’à la destruction des molécules). De plus, le processus d’acquisition basé sur la variation mécanique (via une ligne à retard) de l’espacement temporel des impulsions pompe et sonde est intrinsèquement relativement lent : en pratique, cette technique est donc bien adaptée à l’étude de temps de fluorescence courts (picosecondes et moins).

2. Mesure par caméra à balayage de fente (« streak camera »)

Les caméras à balayage de fente sont des détecteurs permettant d’obtenir une résolution temporelle également excellente (jusqu’à 300 fs). Le principe de tels détecteurs est résumé succinctement par la figure suivante :

Le signal à mesurer est introduit dans la caméra via la fente d’entrée : sa rencontre avec

une photocathode permet de générer un faisceau d’électrons qui est accéléré vers l’anode. Le nombre de photoélectrons générés à un temps t donné est proportionnel à l’intensité instantanée incidente sur la photocathode. Une rampe de tension est ensuite appliquée afin d’infléchir la trajectoire des photoélectrons, de façon à ce que les électrons les plus précoces (donc provenant « du début » de l’impulsion) soient peu déviés (V faible), contrairement aux électrons correspondant à la fin de l’impulsion (V fort). On obtient finalement après amplification via une galette de micro-canaux (multi-channel plate, ou MCP, est le terme anglais généralement utilisé) et imagerie sur un écran phosphorescent (puis éventuellement une caméra CCD) une répartition spatiale du faisceau électronique proportionnelle à la distribution temporelle de l’intensité lumineuse de l’impulsion incidente.

Cette méthode de mesure est très sensible (on peut mesurer des photons uniques) et possède une résolution temporelle intéressante. Elle n’est cependant pas adaptée à la mesure de temps de fluorescence longs (plusieurs nanosecondes), puisque alors la résolution temporelle devient limitée par la résolution spatiale du détecteur. Enfin il faut signaler que le coût d’un tel appareillage est pour nombre de laboratoires assez prohibitif.

3. Comptage de photon résolu en temps

Cette méthode (plus connue sous l’appellation anglophone usuelle de time-correlated single-photon counting, ou TCSPC) est clairement la plus populaire pour mesurer des temps de fluorescence par méthode temporelle.

Figure A1.1 : Principe schématique d’une caméra à balayage de fente

temps I fente photocathode anode e- Galette de micro-canaux (MCP) V- V+ Ecran phosphorescent x luminosité