• Aucun résultat trouvé

B/ Des tempêtes « cas d’écoles » par les météorologues

L’initiative de Le Verrier suite à la tempête du 14 novembre 1854 a fait progresser la météorologie et a permis d’annoncer les tempêtes plus tôt. Pourtant, le fonctionnement des tempêtes restait mal compris. Vingt ans plus tard, le norvégien H. Mohn publie son ouvrage Les phénomènes de l’atmosphère, traité illustré de météorologie pratique. Henrik Mohn (1835-1916) est un météorologiste et astronome norvégien. Il a été Professeur à la Royal Frederick University puis directeur du Norwegian Meteorological Institute de 1866 à 1913. Même s’il n’a pas été possible d’avoir accès à la première édition de cet ouvrage, la seconde, datée de 1884 propose à partir de deux tempêtes toute une série d’explications concernant l’évolution de la pression, la force et la direction du vent. L’auteur prend d’abord pour exemple la tempête du 25 janvier 1868 (figure 3.1).

148 Cette carte est l’occasion pour l’auteur du manuel d’illustrer la présence d’un minimum et d’un maximum de pression et d’exposer la notion de gradient barométrique. Cette notion n’est pas nouvelle. En revanche, l’analyse que Mohn fait des vents est plus innovante. Il souligne à partir de cette tempête exemplaire que les vents tournent autour du minimum barométrique dans le sens contraire des aiguilles d’une montre et se dirigent vers les régions de plus basses pressions, c’est-à-dire le minimum barométrique, au cœur de la dépression. C’est ainsi que Mohn écrit que « les trajectoires des particules de l’air ne sont ni des cercles, ni des courbes isobares mais des espèces de spirales qui, en même temps qu’elles tendent à se rapprocher du point de pression minimum, tournent autour de ce point en lui présentant leur partie concave73 ». Concernant la force du vent, Mohn souligne, en prenant appui sur la carte u 25 janvier 1868, que plus les isobares sont rapprochées, plus le vent est fort. La carte présentant une situation de tempête est idéale d’un point de vue pédagogique puisqu’elle permet de montrer une situation atmosphérique « extrême » s’agissant du gradient de pression et de la force des vents.

Mohn utilise ensuite une deuxième tempête (figure 3.2) pour confirmer les analyses faites à partir de celle du 25 janvier 1868 : « les vents soufflant dans la direction de son centre […] on reconnaît aisément le mouvement de tourbillon ».

73

H. Mohn, Les phénomènes de l’atmosphère, traité illustré de météorologie pratique, J. Rotschild editeur, 1884, p. 300, 487 p.

149 Figure 3.2. Carte du temps du 7 février 1868 au matin.

L’auteur propose ensuite de suivre le déplacement du minimum de pression en regardant les cartes des jours suivants. Sur la carte du 7 février 1868 au soir il dessine sar trajectoire du 6 février au soir au 10 février au matin, par une ligne faite de petites croix (figure 3.3).

150 Figure 3.3. Carte du temps du 7 février 1868 au soir.

Mohn analyse aussi l’évolution du niveau de pression du minimum barométrique, à mesure qu’il chemine vers l’est et remarque que la pression s’élève à partir du moment où le minimum passe au dessus du continent. Puis, il revient sur le « système de vents » qui caractérise le « tourbillon » pour en proposer un modèle (figure 3.4). Avec ce schéma, Mohn explique dans quelle direction le vent souffle en un lieu, en fonction de sa position par rapport au point C, le cœur de dépression. La flèche coupant le cercle en deux représente le sens de direction de déplacement de la tempête. Si bien que le vent, en un lieu donné, change de direction à mesure que la tempête se déplace.

151 Figure 3.4. Schéma de la direction des vents autour d’une dépression.

(source : Mohn, 1884)

Mohn vérifie ensuite ce modèle en prenant les observations concernant la direction du vent en « différents lieux situés sur le passage du tourbillon », du 7 février 1868 au soir au 10 février 1868 au matin (figure 3.5). On voit en effet le passage des vents du sud-sud-est au nord-nord-ouest au Phare de Villa par exemple. Son modèle de changement de direction du vent au fur et à mesure du déplacement d’une tempête vers l’est est ainsi confirmé.

A partir des observations de nébulosité et de température autour de cette tempête de février 1868, H. Mohn démontre aussi que « le tourbillon n’est pas une masse d’aire qui tourne74 ». Il constate en effet que les vents du sud sont plus chauds et plus humides que les vents du nord qui tournent autour du centre. Or, s’il s’agissait d’une masse d’air tournant sur elle-même, comment imaginer qu’un « vent du nord devenant du sud par suite d’une demi révolution du système se convertirait tout à coup en un vent plus chaud, plus humide, plus nuageux et plus pluvieux qu’auparavant ».

152 Figure 3.5. Observations de la direction du vent dans plusieurs stations traversées par le tourbillon

entre le 7 février 1868 au soir et le 10 février 1868 au matin

Enfin, H. Mohn en vient à envisager les dépressions tempétueuses dans leur dimension verticale, en s’appuyant toujours sur la même tempête ou « tourbillon » du 7-10 février 1868. Il explique que le mouvement ascendant de l’air est la cause qui entretient la raréfaction, c’est-à-dire la faible pression, au cœur du système. On voit là les travaux de recherche menés par l’école norvégienne qui va dans les années qui vont suivre donner naissance à la théorie des perturbations frontales, sous l’impulsion de Jacob Bjerknes dans les années 1920. Ce dernier était lui-même fils du géophysicien et météorologue Vilhelm Bjerknes, et petit-fils du géophysicien Carl Anton Bjerknes, élève de Mohn.

153