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2.2 Rhéologie des SMC

2.2.1 Techniques rhéométriques

Par rapport au nombre élevé d’études expérimentales consacrées à l’écoulement des SMC au cours du procédé de mise en forme par compression, les références concernant les propriétés rhéologiques des SMC sont longtemps restées assez rares [Silva-Nieto and Fisher, 1981; Lee et al., 1981; Michaeli et al., 1990b; Kim et al., 1992, 1997; Lin et al., 1997;Lin and Weng, 1999;Le Corre et al., 2002; Dumont et al., 2003b].

2.2.1.1 Difficultés rencontrées lors des expériences

– Les mèches de fibres de verre sont relativement longues. Ceci induit des effets de taille à ne pas négliger [Dumont et al., 2003a] et donc l’utilisation d’échantillons et de dispositifs expérimentaux de grandes dimensions. Ces dispositifs doivent de plus être capables d’enregistrer des efforts importants.

– Les SMC sont des matériaux thermo-réactifs. Ceci limite la gamme des tempéra-tures auxquelles la rhéologie des SMC peut être étudiée, «à microstructure de pâte constante».

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Figure 2.2: Photographies du front d’écoulement d’un empilement de cinq flans de SMC moulés par compression montrant l’écoulement préférentiel des flans supérieur et inférieur. Ceux-ci sont écrasés et éjectés («squished») hors de la préforme au cours de la compression [Odenberger et al., 2004]

– Le styrène est un produit très volatil dont la teneur influence très fortement la viscosité de la pâte. Des précautions doivent donc être prises pour prévenir son évaporation et contrôler sa teneur pour garantir une bonne reproductibilité des ex-périences.

Cellule de force (2 kN)

Lubrification + feuilles de Téflon

Plateaux de compression (diamètre = 400 mm)

Figure 2.3: Exemple d’un rhéomètre de compression simple utilisé au cours de la thèse

– Les feuilles de SMC présentent des défauts causés par les étapes d’élaboration et de mûrissement (cf. chapitre 1). Ceci induit une dispersion des résultats des essais rhéologiques qui doit être prise en compte pour l’interprétation de ces derniers.

2.2.1.2 Rhéomètres actuels

Si les rhéomètres classiques [Lee et al., 1981] peuvent être utilisés pour étudier la rhéologie de la pâte granulaire SMC, avec toutefois des précautions à prendre [Coussot, 2005], ils ne sont pas du tout adaptés pour étudier celle des SMC, essentiellement en raison de leurs dimensions. Afin d’obtenir des résultats représentatifs, les dimensions des échantillons testés doivent être choisies en fonction de la taille, et plus particulièrement de la longueur, des fibres ou des mèches formant le renfort fibreux. La taille importante des échantillons implique la conception de rhéomètres spécifiques de grandes dimensions pouvant être montés sur des presses ayant des capacités importantes. Plusieurs dispositifs d’essais ont ainsi été développés. Ils permettent de soumettre les échantillons à différentes cinématiques : compression cisaillante ou «squeeze flow» [Silva-Nieto and Fisher, 1981;

Lee et al., 1981; Kotsikos and Gibson, 1998], compression simple «lubrifiée» [Le Corre et al., 2002; Dumont et al., 2003b] (figure 2.3), compression en déformation plane ou compression en canal «lubrifiée» [Lin et al., 1997; Lin and Weng, 1999; Dumont et al., 2003b] (figure 2.4), cisaillement annulaire [Le Corre et al., 2002] et même écoulement dans un moule spirale [Rabinovich et al., 2008]. Des rhéomètres ayant des parois latérales ou des plateaux de compression transparents [Vassal, 2007] ont également été développés pour suivrein situ l’écoulement d’échantillons au cours d’essais rhéologiques. Ce type de spécificités techniques permet par exemple de vérifier, au cours d’essais élongationnels,

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l’hypothèse d’une cinématique d’écoulement incompressible.

Figure 2.4: Exemple d’un rhéomètre de compression en déformation plane utilisé par

Dumont et al. [2003b]. Ce dispositif permet de mesurer au cours de la compression l’effort axial ainsi que les efforts latéraux s’exerçant sur les parois du canal d’écoulement

- L’essai de compression cisaillante est un essai simple qui permet par exemple de scruter l’influence de la vitesse de déformation dans une gamme très large. Il consiste à compresser entre deux plateaux parallèles un échantillons de SMC de géométrie donnée. Au cours des essais, les efforts ou la vitesse de fermeture du moule peuvent être contrôlés. Les essais peuvent être réalisés à volume ou à rayon constant. Le contact entre l’échantillon et les plateaux du moule est par ailleurs supposé collant. Malgré sa simplicité, cet essai souffre d’un inconvénient majeur : la cinématique d’écoulement est hétérogène. L’état de contraintes déviatoriques et sphériques présentant des gradients spatiaux non négli-geables. Ceci induit que les paramètres rhéologiques des SMC ne peuvent pas être déduits directement à partir des données mesurées. Pour cela, une loi de comportement doit être présupposée pour le matériau caractérisé, et ses paramètres sont identifiés par une ana-lyse inverse. Ce genre d’approches peut conduire à des résultats erronés où les fonctions rhéologiques dépendent par exemple de la géométrie des échantillons testés [Silva-Nieto and Fisher, 1981]. En outre, la plupart des modèles considérés pour l’analyse inverse sont généralement basés sur des théories décrivant la rhéologie des fluides isotropes [ Silva-Nieto and Fisher, 1981; Castro and Tomlinson, 1990; Davis and Mcalea, 1990]. Cette hypothèse d’isotropie du comportement du fluide est incompatible avec l’anisotropie de la microstructure des SMC. Ces modèles ne peuvent donc pas prendre en considération les modifications de l’écoulement induites par cette anisotropie [Gibson and Toll, 1999]. Remarquons également que les difficultés d’interprétation soulevées par l’utilisation de l’essai de compression cisaillante doivent certainement se retrouver dans le cas d’essais d’écoulement dans un moule spirale [Rabinovich et al., 2008], où le dépouillement appa-raît encore plus délicat.

né-gligeables permettant des cinématiques d’écoulement contrôlées et homogènes, les essais de compression lubrifiée d’échantillons cylindriques ou parallélépipédiques sont, au contraire, intéressants car ils permettent une interprétation des données d’essais simple, avec un minimum d’a priori : certains paramètres rhéologiques peuvent être obtenus directement avec l’analyse des mesures de force ou de contrainte et de déformation. Dans le cas où les forces de frottement ne sont plus négligeables, ces essais sont bien plus délicats à inter-préter et nécessitent des modèles de frottements a priori dont les hypothèses peuvent être discutablesb.

Enfin, il est important de noter que le dépouillement des essais rhéologiques précités est souvent réalisé en supposant l’écoulement du SMC comme incompressiblec.

2.2.1.3 Courbes rhéologiques typiques

La figure 2.5 montre des courbes rhéologiques contrainte-déformation typiques obte-nues au cours d’essais réalisés sur un SMC d’origine industrielle. Ces courbes ont été obtenues parLe Corre et al.[2002] et Dumont et al. [2003b] en utilisant des essais lubri-fiés de compression simple et en déformation plane. Les contraintes axiales de compression obtenues au cours des essais de compression simple et en déformation plane présentent certaines caractéristiques typiques : dans les deux cas, la contrainte axiale augmente ra-pidement jusqu’à atteindre un seuil. Au cours de la première étape, l’air emprisonné dans le SMC peut être expulsé et les imperfections géométriques comme les vaguelettes à la surface des flans calandrés empilés peuvent être applaties. Les effets viscoélastiques liés à la pâte peuvent aussi être à l’origine d’un tel comportement. Lorsque le seuil de contrainte est atteint, une légère augmentation de la contrainte d’écoulement peut ensuite se pro-duire. Dans le cas des essais de compression simple où la lubrification n’est pas optimale, celle-ci peut être causée par une augmentation progressive des frottements, induite par la dégradation, la perte ou l’éjection de la couche lubrifiante disposée entre l’échantillon et les plateaux de compression. Dans le cas contraire, il peut aussi être induit par des modi-fications microstructurales, comme l’applatissement des mèches induisant à son tour des augmentations des surfaces de contacts mèches-mèches [Dumont et al., 2007b; Le et al., 2008]. Cette augmentation des surfaces de contact peut être causée par exemple par une augmentation des contraintes dans le SMC (cf.chapitre 11). Dans le cas des tests de com-pression en déformation plane, ce phénomène peut également être causé par l’évolution de l’orientation des mèches qui ont tendance à s’aligner dans la direction de l’écoulement selon l’axe du canal [Dumont et al., 2007b], rendant cet écoulement plus difficle. Ces résultats mettent en évidence les couplages forts qui existent entre l’écoulement et la microstructure des compounds SMC.

La figure 2.6 montre une courbe contrainte-déformation typique obtenue à partir d’es-sais de cisaillement annulaire. Cet essai a été réalisé en cisaillant un anneau de SMC de grandes dimensions (diamètre de l’anneau 380 mm, largeur 40 mm, épaisseur 2 mm) à l’aide d’un rhéomètre de cisaillement annulaire [Le Corre, 2001;Le Corre et al., 2002]. Une

b. Nous reviendrons plus particulièrement sur ce point lors de la mise en place d’un nouveau rhéomètre instrumenté au chapitre 10, tant d’un point de vue théorique qu’expérimental, avec pour objectif de s’affranchir de ces incertitudes.

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Figure 2.5: (a) Essais de compression simple lubrifiée : courbes contrainte-déformation typiques, obtenues pour un SMC industriel ayant une fraction volumique de mèches de fibres de verre de 14.7 %, à une vitesse de déformation axiale moyenne de 0.01 s−1 et une température de 23°C. (b) Essais de compression en déformation plane lubrifiée : courbes contrainte-déformation typiques obtenues pour un SMC industriel ayant une fraction volu-mique de mèches de fibres de verre de 10.8 %, à une vitesse de déformation axiale moyenne de 0.01 s−1 et une température de 23°C. Les photographies montrent que la déformation est assez homogène jusqu’à ce que de fortes déformations axiales soient atteintes [Dumont et al., 2003b]

Figure2.6: Essais de cisaillement annulaire : courbe contrainte-déformation typique obte-nue en testant un SMC industriel comportant une fraction volumique de mèches de fibres de verre de 18.8%, à une vitesse de cisaillement de 1 s−1 et à une température de 23°C [Le Corre et al., 2001]

augmentation rapide de la contrainte de cisaillement est tout d’abord observée jusqu’à ce qu’un pic de contrainte se situant autour d’une déformation de cisaillement de 1 soit at-teint. Jusqu’à cette limite, la déformation observée reste homogène. Ensuite, la contrainte décroît lentement, ce qui correspond à des phénomènes de localisation de la déformation [Le Corre et al., 2002]. La cinématique de l’essai devient alors hétérogène, et ce dernier difficilement exploitable.