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Techniques de reproduction in vitro de fractures en compression

CHAPITRE 1 REVUE DES CONNAISSANCES

1.2 Les blessures du rachis

1.2.8 Techniques de reproduction in vitro de fractures en compression

La plupart des modèles expérimentaux proposés dans la littérature pour reproduire des fractures du rachis en compression sont des modèles in vitro. L’échantillon utilisé est composé la plupart du temps de trois vertèbres et de deux disques intervertébraux et souvent extrait de la jonction thoracolombaire d’un spécimen humain ou de l’animal considéré. La jonction thoracolombaire est privilégiée pour des raisons de prévalence épidémiologique présentées plus tôt. Les spécimens animaux sont les plus souvent utilisés à cause de l’état de dégradation présenté par la plupart des spécimens humains donnés à la science comme expliqué auparavant.

Il existe différentes techniques utilisées dans la littérature pour essayer de reproduire des fractures avec des chargements en compression sur ces modèles.

La première, et la plus souvent utilisée, consiste en un lâcher de masse d’une hauteur variable sur un échantillon de colonne vertébrale (Brandolini, Kapur et Hall, 2014; Fredrickson et al., 1992; Jones et al., 2011; Oberkircher et al., 2016; Panjabi et al., 1995; Tsai, Chang et Lin, 1997; Verlaan et al., 2005; Wang et al., 2007b; Wilcox et al., 2004; Willen et al., 1984). Cette technique permet une contrainte brutale de type impact à haute énergie sur l’échantillon de colonne (voir Figure 1.17). Elle peut être utilisée avec une méthode dite directe qui consiste en un lâcher de masse unique, ou avec une méthode incrémentale qui consiste en plusieurs lâchers de masse successifs. Cette seconde méthode, qui permet une étude en plusieurs étapes de la formation de la blessure, a été évaluée comme donnant des résultats semblables à la méthode directe (Panjabi et al., 2000; Wang et al., 2007a). La limite principale de cette technique réside dans la hauteur permise par le plafond du laboratoire dans lequel se déroulent les essais. Or la hauteur de lâcher est le paramètre contrôlant la vitesse de l’impact créé. Cette vitesse a une grande influence sur l’énergie résultante.

Figure 1.17 Schéma de technique par lâcher de poids Adaptée de Wang (2007a)

La deuxième consiste à comprimer l’échantillon de colonne à l’aide d’un vérin de façon continue jusqu’à ce que la fracture apparaisse (Baranto et al., 2005; Boisclair et al., 2011; Langrana et al., 2002; Russell et al., 1992; Shirado et al., 1992; Turker et al., 2005). Cette technique permet un contrôle continu des paramètres de l’essai et notamment le déplacement et la force du chargement (voir Figure 1.18).

Figure 1.18 Technique par pression continue Tirée de Turker (2005)

La troisième consiste à impacter l’échantillon de colonne positionné horizontalement avec une masse positionnée au bout d’un pendule et lâchée depuis une position surélevée. Cette technique permet également un chargement de type impact à haute énergie sur l’échantillon de colonne vertébrale (Germaneau et al., 2014). Elle se différencie du lâcher de masse droit par la direction horizontale du chargement lors de l’impact (voir Figure 1.19).

Figure 1.19 Technique par pendule Tirée de Germaneau (2014)

D’autres techniques essayent de se rapprocher des conditions réelles d’apparition de fractures comminutives. Par exemple, certains utilisent un substitut de corps humain sur lequel ils vont fixer leur échantillon de colonne vertébrale (Ivancic, 2013). Le substitut est un mannequin de tests (voir Figure 1.19). Cette technique permet une représentation des muscles dans le modèle in vitro par l’intermédiaire de ressorts pré chargés.

Figure 1.20 Technique chute d’un substitut de tronc humain

Certaines équipes scientifiques font le choix de modifier les échantillons avant expérimentations en créant des défauts dans ceux –ci (voir Figure 1.21). Ces défauts peuvent être des coupes, des trous, des enlèvements de toutes sortes (ostéotomie, discectomie et corporectomie). Le but annoncé est de créer des fractures reproductibles (Cotterill, 1987; Kallemeier et al., 2008; Mermelstein, McLain et Yerby, 1998; Russell et al., 1992; Turker et al., 2005). Néanmoins, l’analyse de celles-ci perd de l’intérêt puisqu’il n’est pas certain que le mécanisme d’apparition des fractures soit représentatif des mécanismes vus chez les patients.

Figure 1.21 Photo d'un échantillon modifié, Tirée de Russel (1992)

La direction de chargement de l’échantillon est un paramètre variant d’une étude à l’autre et est souvent discutée. Parfois le chargement en compression pure est combiné à un chargement en flexion. En effet, certaines études ont conclu qu’un chargement alliant compression et flexion est idéal pour provoquer des fractures comminutives in vitro (Cotterill, 1987; Denis, 1983). Cependant, de nombreuses études utilisent un chargement en compression pure et certains trouvent même que ce type de chargement amène de meilleurs résultats (Boisclair et al., 2011). Les chargements comprenant de la flexion utilisent une direction déviant de la direction perpendiculaire au plan transverse de la vertèbre centrale de quelques degrés (entre 0 et 20°) alors que les chargements en compression pure utilisent un chargement dans l’axe de la vertèbre centrale (0°) (voir Figure 1.22).

Figure 1.22 Exemple de chargement en compression pure et flexion/compression

Adaptée de Boisclair (2011)

Les techniques proposant un impact à haute vitesse semblent être les plus efficaces pour réaliser des fractures en compression et particulièrement des fractures comminutives proches des fractures vues en clinique d’après les résultats présentés dans la littérature. En effet, la vitesse d’impact, directement liée au taux d’énergie, est une caractéristique très importante des chargements provoquant ce type de fractures (Lee et al., 2000; Ochia et Ching, 2002; Ochia, Tencer et Ching, 2003; Tran et al., 1995; Yingling, Callaghan et McGill, 1997). Néanmoins, les fractures recréent in vitro ne sont pas nécessairement aussi sévères que les fractures vues en clinique. En effet, l’occlusion du canal rachidien, dans le cas de fractures comminutives, est par exemple beaucoup plus faible lors des essais (Langrana et al., 2002). Cette technique a jusqu’alors permis des impacts entre 50 J et 500 J. Or, si l’on calcule l’énergie cinétique provoquée par une chute de 4,4 m de hauteur (moyenne de hauteur de chute des personnes présentant des fractures comminutives d’après Bensch et al. 2006) pour une personne de 70 kg, alors on obtient 3020 J. Les impacts créés à l’aide de cette technique ne sont donc peut-être pas assez violents pour représenter la réalité.