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a Techniques de prélèvement des eaux en lacs ou océans

Partie 4 Analyse des gaz rares dissous dans de l’eau : conception et validation d’un système

4.3 Techniques de prélèvement et d’échantillonnage

4.3.2 a Techniques de prélèvement des eaux en lacs ou océans

Dans cette partie, nous allons présenter les différentes techniques de prélèvement des eaux en lac ou océans.

Dans la suite de ce mémoire, nous tâcherons de distinguer les termes de prélèvement et d’échantillonnage. Nous réserverons en effet le terme de prélèvement à la description de l’action de récupération d’eau depuis un réservoir (quel qu’il soit), et le terme d’échantillonnage, à l’étape de récupération de tout ou d’une partie de l’eau prélevée dans un contenant à destination du laboratoire. Nous serons ainsi amenés à distinguer des techniques de prélèvement et des techniques d’échantillonnage. Nous verrons que dans certains cas, prélèvement et échantillonnage peuvent être confondus.

(i) Utilisation de bouteilles fermantes de type Niskin

Dans les lacs ou océans, l’eau peut être prélevée à l’aide de bouteilles fermantes de type

Niskin (fig. 4.3).

Une bouteille Niskin (ancienne appellation : « bouteille Nasen ») se présente sous la forme d’un tube cylindrique, fixé le long d’un câble et ouvert à ses deux extrémités dans un premier temps, pour laisser passer l’eau lors de la descente dans la colonne d’eau.

A la profondeur désirée, la bouteille peut être fermée à distance à l’aide d’un poids (le messager) largué depuis la surface. En venant heurter la bouteille (au niveau de son enclume), le messager déclenche sa fermeture et donc le prélèvement.

Photographie : document Internet

Figure 4.3 : Bouteille fermante de type Niskin pour le prélèvement d’eau en lac ou océan

L’étanchéité des fermetures d’une bouteille Niskin doit être assurée pour que l’eau profonde collectée ne soit pas contaminée par de l’eau moins profonde, lors de la remontée de la bouteille vers la surface.

Pour le transport jusqu’au laboratoire, l’eau prélevée doit ensuite être transférée en surface dans un contenant scellé (échantillonneur), et ce le plus rapidement possible afin de limiter les échanges entre l’échantillon et l’atmosphère ([3] Aeschbach-Hertig, Hofer et al., 1999). Ainsi, si les composés dissous étudiés sont en sursaturation dans l’eau, la méthode de prélèvement par bouteille Niskin n’est donc pas forcément la mieux adaptée pour limiter les éventuelles pertes en gaz faisant suite à un dégazage.

Pour la phase d’échantillonnage et pour minimiser les risques de pertes, il est nécessaire de conserver continuellement l’eau sous pression. L’eau doit être placée dans un échantillonneur scellé, tel qu’un tube en cuivre (identique au modèle qui a déjà été présenté pour l’échantillonnage des gaz, dans la partie précédente de ce mémoire).

L’utilisation d’un tube en cuivre permet de conserver l’échantillon sous pression, de limiter les phénomènes d’échanges avec l’atmosphère lors des phases de transport et surtout de stockage, mais aussi de récupérer assez facilement l’échantillon conservé. Le tube est en effet scellé

Stéphane Lafortune

Doctorat en Géochimie Fondamentale et Appliquée Institut de Physique du Globe de Paris

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uniquement par pincement mécanique et le cuivre est suffisamment malléable pour autoriser une réouverture du tube par desserrement de la zone pincée, sans qu’il ne soit nécessaire de couper ou de mener tout autre opération sur le tube qui risquerait d’entraîner des pertes d’échantillon. Muni des raccords nécessaires, un tube en cuivre peut de plus être relié directement et facilement à une ligne d’étude, pour analyse ([18] Beyerle, Aeschbach-Hertig et al., 2000) (fig. 4.4).

Nota bene : La connexion du tube en cuivre sur le système de détente et d’extraction est encerclée. L’appellation « clamp » désigne une mâchoire métallique.

Figure 4.4 : Exemple de tube en cuivre connecté à un volume d’extraction ([20] Brennwald, Hofer et al., 2003)

(ii) Utilisation d’un préleveur à seringue

En remplacement de l’utilisation d’une bouteille Niskin, des prélèvements à la seringue peuvent être réalisés.

Pour pouvoir prélever la colonne d’eau du lac Pavin, l’équipe de Géochimie des Eaux (LGE) de l’IPGP a développé et testé il y a plusieurs années, un premier prototype permettant de déclencher, à une profondeur donnée, le piston d’une seringue d’environ 60 millilitres. Ce dispositif, utilisé lors de nombreuses campagnes d’échantillonnage a désormais plus que fait ses preuves, et permet de collecter plusieurs échantillons à partir d’un même volume d’eau prélevé. Les principaux atouts d’un tel dispositif, comparé à l’utilisation d’une bouteille Niskin, sont (1) de limiter énormément les phénomènes d’intégration et (2) d’améliorer la précision des prélèvements.

Une bouteille Niskin prélève un volume d’eau d’une hauteur égale à celle de son volume interne (valant plusieurs dizaines de centimètres sur les modèles classiques) et intègre donc toutes les informations (gradients…) sur cette même hauteur, ou plus précisément sur cet

intervalle de profondeur. L’utilisation d’un préleveur à seringue permet de réduire cet intervalle, le

volume d’eau collecté étant aspiré dans la seringue depuis sa base lorsque le piston est déclenché. Ce type de préleveur semble donc bien plus pertinent à utiliser dans un lac, où la hauteur de la colonne d’eau est plutôt réduite par rapport à celles des océans !

Bien que la base de la seringue soit toujours ouverte, les essais réalisés par le LGE montrent que ce type de dispositif permet d’éviter l’apparition de bulles, témoins d’un dégazage. Les seringues utilisées étant destinées à l’origine aux prélèvements de gaz, tout risque de fuite au travers du piston et de la zone de coulissement peut être exclu.

Comme dans le cas de l’utilisation de bouteilles Niskin, le volume d’eau prélevé à l’aide d’un préleveur à seringue et destiné à l’analyse des gaz rares dissous, doit ensuite être transféré très soigneusement dans un contenant maintenant l’échantillon sous pression pendant les phases de transport et de stockage avant analyse. L’utilisation d’un tube en cuivre scellé mécaniquement semble être de nouveau un très bon compromis.

Stéphane Lafortune

Doctorat en Géochimie Fondamentale et Appliquée Institut de Physique du Globe de Paris

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Dans le cadre du projet ANR Metanox, le LGE a développé, sur l’exemple du prototype déjà existant, un nouveau préleveur de plus grand volume. Au cours des différentes missions où il a pu être utilisé, ce nouveau préleveur a permis de récolter des volumes d’eau d’un litre en plusieurs points de la colonne d’eau du lac, pour une précision en profondeur de l’ordre de la dizaine de centimètres.

(iii) Utilisation de systèmes ne nécessitant pas un transfert en surface

Afin d’améliorer les deux techniques précédentes, des méthodes de prélèvement utilisant directement des tubes en cuivre fermés en profondeur ont été développées ([111] Weiss, 1968; [60] Jean-Baptiste, Messias et al., 1994). Ces méthodes ont le très grand avantage de s’affranchir d’un transfert en surface de l’eau prélevée vers un échantillonneur, ce qui limite ainsi les risques de perte en gaz dissous ([114] Winckler, Kipfer et al., 2000).

Le principe de ces méthodes est de descendre non plus un préleveur intermédiaire, mais directement un tube en cuivre à la profondeur désirée, et de fermer temporairement ce tube au fond à l’aide de deux bouchons. Une fois en surface, le tube en cuivre est scellé par pincement et les bouchons ayant servi à isoler l’eau prélevée lors de la remontée peuvent être retirés et mis en place sur un autre tube pour une nouvelle procédure de prélèvement (et d’échantillonnage).

(iv) Quelques conseils utiles et pratiques de Ray F. Weiss

Tout au début de son article datant de 1968, Ray F. Weiss ([111] Weiss, 1968) précise les six principales caractéristiques auxquelles doivent impérativement répondre les techniques de prélèvement développées pour la récupération d’eau contenant des gaz dissous dans des lacs ou océans. Une grande majorité de ces remarques sont directement transposables au domaine de l’étude des eaux provenant de réservoirs géologiques.

Selon Ray F. Weiss, pour être efficace, une méthode d’échantillonnage doit permettre :

• d’isoler le prélèvement de son environnement liquide (lac, océan…) ou gazeux (atmosphère…) ;

• d’éviter les fractionnements (apparition d’un dégazage) pouvant être à l’origine de pertes ;

• de conserver dans de bonnes conditions l’échantillon jusqu’au laboratoire, au cas où les analyses ne puissent pas être directement réalisées sur le site d’échantillonnage ; • d’obtenir des résultats corrélables à ceux obtenus sur des échantillons obtenus par

d’autres méthodes (principe de validation par comparaison) ; mais doit aussi d’un point de vue pratique,

• être robuste, durable, et peu chère ;

• et nécessiter la mise à l’eau de peu de matériel (encombrement réduit aussi bien à l’eau que sur le bateau).