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Autres techniques de localisation de source par milieux petits fonds

3.2 Méthodes existantes de localisation de source en acoustique sous-marine

3.2.3 Autres techniques de localisation de source par milieux petits fonds

D’autres techniques d’estimation de la position de la source ont été proposées. Elles estiment la profondeur de source et la distance séparement et se basent sur le module ou la phase des signaux pour estimer respectivement la profondeur ou la distance. La loi suivie par le signal acoustique (cf.équation 1.30) fait apparaître une dépendance des fonctions modales ψm(Zs) vis-à-vis de la profondeur et du terme de phase krmR vis-à-vis de la distance. Ainsi le module des modes contient la valeur absolue des fonctions modales liées à Zs, la phase des modes contient les signes des fonctions modales liées à Zs et le terme de phase lié à R.

3.2.3.1 Formation de voies en distance et en profondeur

Yang et al. [Yan87] ont proposé une méthode simple permettant de découpler l’estimation de la profondeur et de la distance. Cette technique propose une "formation de voies" dans l’espace des distances et des profondeurs à partir des modes. Le principe de la formation de voies, similaire à celui utilisé en traitement d’antenne, consiste à compenser les amplitudes ou les phases des modes en faisant varier les paramètres de la compensation (ici la profondeur ou la distance) pour chaque mode puis à effectuer une sommation des modes compensés. Cependant, cette méthode est basée sur un signal monochromatique comportant un grand nombre de modes. Pour notre configuration composée d’un signal large bande avec un faible nombre de modes, elle n’est pas adaptée. En revanche, c’est l’une des premières méthodes proposant une estimation séparée de la distance et de la profondeur, idée que nous garderons suite aux limitations rencontrées lors de l’application du MMP (cf.section 3.4).

3.2.3.2 Estimation de la distance par compensation de phase

Une méthode d’estimation de la distance source-capteur se basant sur la phase des signaux a été proposée par Shanget al.[SCW85]. Nous détaillons ici cette méthode car nous proposerons par la suite une méthode d’estimation de la distance qui en reprend certains éléments.

Nous avons étudié la propagation des ondes acoustiques dans le chapitre 1 et nous avons établi la formulation d’un signal acoustique issu d’une source impulsionnelle (cf. équation 1.30). Ce signal se décompose en modes dont la phase contient plusieurs informations : les signes des fonctions modales (utiles pour l’évaluation de la profondeur de la source) et la distance source-capteur R. Son expression théorique pour le modem et à la fréquence ν suit l’expression :

φm(ν) = 2πνtdecsign(1),sign(ψm(Zs))(ν)π+δsign(1),sign(ψm(Zc))(ν)π+krm(ν)R+φsource(ν) +π/4(3.8)

où :

φsource(ν)est la phase du signal source à la fréquence ν

δdésigne le symbole de Kronecker. Ainsiδsign(1),sign(ψm(z))(ν)πreprésente le déphasage introduit par les signes des fonctions modales. Il est nul si la fonction modaleψm(z, ν)est positive et égale àπ si la fonction modale est négative.

krm(ν) est la composante horizontale du nombre d’onde pour le modem,

2πνtdec est un terme provenant de l’influence du décalage entre le temps d’enregistrement et le temps d’explosion de la source.

Parmi ces paramètres, deux sont inconnus : la phase de la source φsource(ν) et le paramètre dû au décalagetdec. Le temps de décalage est généralement égal àtdec =R/V1 si le signal est calé sur l’arrivée principale de l’énergie. Sa connaissance suppose donc celle de la distanceR qui est précisement le para-mètre à estimer. Par ailleurs, la mesure des phases s’effectue dans le domaine de Fourier et est modulo ce qui entraîne une ambiguïté sur sa connaissance. On a m(ν))mesure = (φm(ν)) où l’indice

désigne modulo2π.

Pour éliminer les paramètres inconnus, Shanget al.soustraient les phases de deux modesm1 etm2 :

La fonction ∆S(z, ν) = (δsign(ψm

1(z)),−sign(ψm2(z))(ν)), elle exprime l’influence de la différence de

signe entre les fonctions modales des deux modes : si les fonctions modales sont de même signe, on

a ∆S(z, ν) = (0)2π, dans le cas contraire, on a ∆S(z, ν) = (π)2π. ∆S(Zc, ν) est connu si la position du

capteur est connu.

Shang et al. déterminent directement la distance source-capteur à partir de la phase d’un signal monochromatique par une exploitation de la différence de phase entre deux modes. Pour se défaire du problème de la différence des signes de modes, ils travaillent sur la phase du signal quadratique par soustraction de la phase du signal reçu et de celle du signal simulé pour différentes distancesr. Si deux modes sont considérés, l’estimation présente des pics d’ambiguïté dûs à l’aspect modulo2π. Pour s’ex-traire de ce problème, Shang met en jeu un grand nombre de paires de modes, les pics d’ambiguïté qui dépendent de∆krm varient en effet d’une paire de modes à une autre et ce d’autant plus que les paires de modes sont éloignées l’une de l’autre.

Cette méthode a été proposée dans une configuration formée d’une antenne verticale en appliquant un filtrage modal tel qu’il a été décrit ci-dessus. Par ailleurs la méthode n’a été validée que sur des données simulées.

Discussion sur l’application de la méthode dans la configuration de l’étude

Cette méthode est potentiellement applicable dans la configuration d’étude puisqu’elle est basée sur les modes. L’application de cette méthode sur les données que nous possédons n’a cependant pas fourni de résultats satisfaisants du fait de la double source d’erreur :

– la méthode s’avère extrêmement sensible au bruit,

– dans notre cas, les erreurs d’ambiguïtés ne sont pas levées. Du fait de la configuration UBF nous n’avons accès qu’à un faible nombre de modes et pour une même fréquence, les distances où sont placées les pics d’ambiguïtés restent poches d’une paire de modes à une autre.

L’idée d’exploiter la différence de phase nous a cependant parue judicieuse et le faible nombre de modes que nous possédons peut être compensée par une exploitation de l’aspect large bande des signaux. En UBF en effet, la différence des nombres d’ondes ∆krm évolue substantiellement avec la fréquence ce qui peut permettre de limiter les ambiguïtés. Par ailleurs, l’aspect large bande permet également d’exploiter l’aspect statistique du bruit. Enfin, la phase donne également accès à la différence de signe des fonctions modales (appelée différence de signe des modes) ce qui apporte de l’information sur la profondeur de source Zs. Nous proposons dans la suite du chapitre (section 3.6) une méthode d’estimation de la distance et de la différence de signe des modes reposant sur la différence de phase entre deux modes.

3.2.3.3 Estimation de la distance par analyse de la dispersion modale

Des méthodes exploitant la dispersion des modes dans le plan temps-fréquence ont été proposées. Elles exploitent le tracé des courbes d’énergie des modes dans la plan temps-fréquence. Ces courbes traduisent la relation entre les temps et les fréquences d’arrivée (cf.section 1.2.3.6 du chapitre 1). Pour une source parfaitement impulsionnelle, les tracés des courbes dépendent de la distance source-capteurRet de la vitesse de groupevg(ν)qui dépend elle-même des paramètres de l’environnement (cf.

équation 1.58).

Lors de précédents travaux [LTNML04], nous nous sommes basés sur les courbes de dispersion dans le plan temps-fréquence pour estimer la distance source-capteur. Cette méthode se base sur un seul mode sur lequel elle détermine les temps d’arrivéet(ν)avec des RTF précises en localisation : spectrogramme réalloué ou méthode autorégressive. Les résultats n’ont pas été probants. Nous détaillerons cette méthode dans la section suivante en tentant de l’améliorer avec deux changements :

1. la prise en compte d’une meilleure modélisation de l’environnement,

2. l’utilisation de nouveaux outils temps-fréquence (filtrage modal et DWV adaptées aux ondes gui-dées) introduits dans le chapitre 2.

D’autres études récentes [PMLS00, PML03, Ger07] utilisent également le tracé des courbes de mode dans le plan temps-fréquence pour déterminer la distance et les paramètres géoacoustiques.

Potty et al. sélectionnent quelques points du plan temps-fréquence qui parraissent favorables à l’aide d’un scalogramme et en se basant sur une source dont la signature est connue. Ils utilisent une fonction de coût qui se base sur la comparaison entre les vitesses de groupe des signaux réels et simulés. Cette différence est reliée linéairement à une relation de perturbation qui donne la mesure des différences entre les paramètres réels et simulés. Les paramètres sont ensuite estimés à l’aide d’un algorithme géné-tique. Cependant la source utilisée est connue pour obtenir une estimation précise des temps d’arrivée. D’autre part, l’estimateur est essentiellement dédié à l’inversion géoacoustique (l’estimation de la dis-tance est réalisée en surplus) et fait intervenir un algorithme complexe. Nous n’appliquerons donc pas cette méthode. On peut cependant signaler que l’utilisation des méthodes de filtrage et de représentation que nous avons développé permetteraient certainement d’améliorer la précision des mesures des points temps-fréquence d’arrivée.

Gervaiseet al.se base sur la différence de temps d’arrivée entre deux modes pour une même fréquence. Cette technique permet de s’affranchir du problème de la connaissance de la source de la même manière qu’en soustrayant la phase de deux modes pour une même fréquence (cf.équation 3.9). Elle se base sur une combinaison de capteurs (qui ne forment pas nécessairement une antenne) pour estimer les distances source-capteur puis les temps d’explosion pour chaque fréquence et enfin les paramètres géoacoustiques. Nous discuterons des potentialités d’application de cette méthode pour la configuration de l’étude dans la section 3.3 après avoir détaillé la méthode que nous avons développée et ses résultats.

3.2.3.4 Estimation de la profondeur de source par comparaison des coefficients des modes

Nicolas et al.[NML06] ont proposé une méthode d’estimation de la profondeur originale utilisant le même principe que les MMP : comparer les caractéristiques des modes à l’aide d’une fonction d’estima-tion. Cette méthode a été validée sur les données Mer du Nord à l’aide d’un filtrage modal réalisé dans le plan fréquence-nombre d’ondeν−k. La transforméeν−ks’obtient par une double TF dans les domaines temporel et spatial (rendue possible dans une configuration composée d’une antenne horizontale). Dans le plan ν−k, la théorie prévoit la séparation des modes [JKPS94]. Le filtrage modal est réalisé par un masquage à partir des tracés théoriques (qui ne dépendent pas de la position de la source) et permet le calcul de la somme des modules des modes sur les fréquences appelée coefficient du modecreel

m (Zs). Ce coefficient ne dépend pas deR, la phase n’étant pas prise en compte.

Les coefficients des modes des données simulées csimum (zs) sont obtenus par le même type de filtrage modal que celui appliqué aux données réelles. Le logiciel de simulation choisi est basé sur les différences

finies. Les coefficients des modes sont normalisés pour chaque jeu de données (réelles et simulées). La fonction d’estimation se base sur la différence entre les creel

m (Zs) et les csimu m (zs) tel que : BCM(zs) = 10 log10 nbm P m(csimu m (zs)−creel m (Zs))2 (3.10) nbm est le nombre de modes extraits. La valeur estimée est celle qui maximise cette fonction qui est donc appelée fonction de contraste :

ˆ

Zs= arg max

zs BCM(zs) (3.11)

Cette méthode a été validée et testée sur les données Mer du Nord pour lesquelles l’enregistrement est réalisée sur une antenne horizontale. La profondeur estimée est Zˆs = 17m ce qui constitue un bon résultat puisqu’on sait que 10m≤Zs≤20m.

La méthode possède plusieurs limitations :

– Le spectre de la source doit être relativement plat (|S(ν)| ≈Cte). En UBF, les modes ne possèdent pas tous la même bande du fait de la présence des fréquences de coupure et les coefficients sont calculés sur toute la bande des modes et non uniquement sur les bandes partagées (qui sont trop étroites en UBF). Ainsi, si le spectre n’est pas plat, certains coefficients peuvent être anormalement représentés dans la bande de fréquence où ne se présente pas d’autre mode (par exemple la bande qui va de la fréquence de coupure du premier mode choisi à celle du second où seul le premier mode est présent). Dans le cas des signaux que nous possédons, cette condition de validité de la méthode est globalement respectée, les spectres des signaux sources étant relativement plats. – En se basant uniquement sur les modules des modes, on perd l’information sur le signe des

fonc-tions modales ψm(Zs) qui dépend également de la profondeur. Cette information est en effet contenue dans la phase du signal qui n’est pas prise en compte. De ce fait, des pics d’ambiguïté apparaissent, ils correspondent à des profondeurs pour lesquelles les coefficients respectifs des modes sont proches de ceux de la profondeur de source Zs, les signes des fonctions modales ne sont en revanche pas nécessairement les mêmes.

Discussion sur l’application de la méthode dans la configuration de l’étude

La méthode a été validée sur les données Mer du Nord sur lesquelles nous travaillons. Par ailleurs, nous avons développé une méthode de filtrage qui permet d’accéder aux modules des modes et constitue donc une alternative au filtrage modal fréquence-nombre d’onde nécessitant une antenne de capteurs. Nous allons adapter cette méthode dans la configuration mono-capteur puis la tester sur les données réelles.