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3.2 Recherches

3.2.1 Techniques de jeu

Le volet de recherche portant sur les techniques de jeu s’est réalisé en trois étapes principales.

Premièrement, j’ai fait de la collecte d’informations sur différents sujets liés aux cordes, puis de nombreuses lectures et écoutes. Notamment, ces recherches m’ont fait découvrir le contrebassiste et compositeur norvégien Håkon Thelin, dont j’ai consulté les documents de recherches [Thelin, 2011b, 2011c], les partitions pour contrebasse seule [Thelin, s.d.] et le disque [Thelin, 2011a]. J’ai également pu questionner Thelin directement par courriel.

Deuxièmement, ce travail m’a permis de préparer et de tenir une série de rencontres avec les musiciens. Ces rencontres individuelles, d’une durée approximative de deux heures chacune, se sont étalées de mars 2012 à février 2013, pour un total d’environ vingt-cinq heures. Les rencontres ont permis la collecte et l’analyse de données. Les documents de recherche sur les techniques de jeu (cf. annexe) présentent ces données compilées selon trois grandes familles :

• Articulation (pizzicato, legato, détaché, sautillé, etc.);

• Harmonique (positions nodales et inter-nodales de la main gauche et de la main droite sur la corde);

• Son bruité.

La famille « Son bruité » y est déclinée en quatre catégories :

• Souffle (glissements d’archet sur toutes les parties de l’instrument et sur les cordes étouffées);

• Archet-pression (arco-grain, grincements, etc.); • Préparé (objets insérés, collés, attachés, etc.); • Son multiple.

Ce travail, fastidieux, se compare à celui d’un chercheur d’or, qui espère trouver davantage que l’or des fous, ou sa propre folie. Durant ces expérimentations avec les musiciens, une question me taraudait : ces objets allaient-ils me confiner à l’anecdote sonore, c’est-à-dire à énumérer le contenu d’un cabinet de curiosités; ou, pire, à transformer mon œuvre-concert en « freak show » exhibant de tristes créatures sonores victimes de mutations et de mutilations? En guise de réponse, je me disais, d’abord, que je n’étais pas tenu d’utiliser chaque objet trouvé; ensuite, que je passerais toute cette boue au tamis; finalement, que les meilleures pépites permettraient sûrement de bons alliages et, avec de la chance, la confection de bijoux.

Voici un exemple du détail que j’ai tenté d’obtenir lors d’une rencontre, en testant différentes positions d’archet et de morceau de liège inséré entre les cordes (fig. 3.1).

Figure 3.1 – Extrait d’un document de travail personnel.

En vérité, ce plan était déjà en lui-même utopique et n’a été suivi qu’en partie. En effet, la Figure 3.2, ci-dessous, montre la façon dont j’ai simplifié les résultats à un certain point du processus.

Figure 3.2 – Tablature des sons de liège.

La portée réfère à la position de l’archet sur la touche, comme l’indique la clé représentant la touche de l’instrument. Un descriptif est ajouté pour indiquer au musicien le résultat sonore qui devrait être obtenu à cette position en conjonction avec la nuance et la pression d’archet, le cas échéant.

En dernier lieu, voici comment la technique est décrite à l’intention du musicien dans les pages liminaires de la partition (cf. fichiers complémentaires) : « Insérer le liège entre les cordes indiquées. Produit un son multiple semblable à celui d’un instrument à vent. La hauteur et le timbre du son demeurent imprévisibles. » Qu’est-ce à dire? Probablement qu’une œuvre d’une heure peut être écrite uniquement avec ces sons; alors, le plan « utopique » évoqué plus haut devient possible, par une longue et étroite collaboration entre le compositeur et les musiciens. Pour les besoins de mon œuvre, toutefois, une telle précision n’était pas nécessaire. Les quelques techniques retenues et leur notation se trouvent en pages liminaires de la partition.

Par ailleurs, l’idée du morceau de liège inséré entre les cordes me vient du compositeur Thomas Stiegler (1966 – ), qui utilise cette technique en conjonction avec le jeu pizzicato dans son œuvre pour quatuor à cordes Namenlose Gärten [Stiegler, 2003] afin d’obtenir une sonorité très similaire à celle du piano préparé de John Cage. La Figure 3.3 montre la façon dont Stiegler présente la technique à l’intention du musicien dans les pages liminaires de la partition.

Figure 3.3 – Extrait des pages liminaires de la partition de Namelose Gärten (2003) du compositeur Thomas Stiegler. © 2003 Thomas Stiegler.

Quelques rencontres ont également eu lieu avec le sonorisateur du projet, durant la même période, pour valider mon plan de spatialisation de façon générale. Rédigé sous forme

d’article, mon travail intitulé Le traitement audionumérique comme extension critique du

média instrumental25, remis dans le cadre du séminaire Musique de création et technologies

(MUS6323 – Automne 2012) à l’Université de Montréal, rend compte de cet aspect.

Troisièmement, ces recherches ont mené à la composition d’esquisses dans le cadre du

Composer’s Kitchen du Quatuor Bozzini en avril et en novembre 2013. Évidemment, compte

tenu du contexte de cet atelier pour quatuor à cordes, la contrebasse devait être exclue. J’ai néanmoins profité de l’opportunité pour tester, par la composition, les techniques de jeux expérimentées jusque-là, plutôt que tout autre aspect de l’œuvre-concert à venir, ces techniques constituant la matière la plus imprévisible et nécessitant donc le plus d’essais. Le résultat, la pièce Esquisse pour quatuor à cordes contient en germe ce qui allait devenir les parties A et B de l’œuvre Musique d’art pour quintette à cordes. Par comparaison, la partition d’Esquisse pour quatuor à cordes permet d’apprécier l’évolution de la notation des techniques et j’en suis redevable aux musiciens du Quatuor Bozzini.

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