• Aucun résultat trouvé

Partie III. Syndromes héréditaires de prédisposition aux cancers MSI

B. Le syndrome de déficience constitutionnelle du système MMR

3. Techniques diagnostiques du syndrome CMMRD

3. a. Analyse constitutionnelle des gènes MMR

Comme dans le syndrome de Lynch, la technique de référence pour le diagnostic du syndrome

CMMRD est l’analyse constitutionnelle des gènes MMR qui comprend une recherche de

mutations délétères germinales et de réarrangements de grande taille. Cependant, il faut noter que l’analyse du gène PMS2 principalement impliqué dans le syndrome CMMRD (60%), est particulièrement compliquée et elle n’est pratiquée que par trois laboratoires en France. Pour cette raison, elle est limitée aux tumeurs MSI qui présentent une perte exclusive de PMS2 en IHC. Les altérations génomiques de PMS2 sont difficiles à identifier car ce gène partage de nombreuses séquences avec 15 pseudogènes inactifs (De Vos et al, 2004; Nakagawa et al, 2004; Vaughn et al, 2010). L’un de ces pseudogènes PMS2CL se trouve très proche (0,7Mb) du gène

PMS2 fonctionnel, et en raison des nombreux échanges de séquences, les régions 3’ du gène et

du pseudogène ne peuvent pas être distinguées de manière fiable (Ganster et al, 2010; Wernstedt et al, 2012). Par ailleurs, les réarrangements de grande taille ne sont pas rares, une étude montrant jusqu’à 15% de réarrangements de grande taille (Charbonnier et al, 2000; Kohonen-Corish et al, 1996; van der Klift et al, 2005). Pour les détecter, deux techniques de quantification génique basées sur l’amplification d’oligonucléotides peuvent être utilisées, la technique MLPA (multiplex ligation-dependent probe amplification) ou la technique QMPSF (quantitative multiplex PCR of short fluorescent fragment). Enfin, certains laboratoires d’oncogénétique sont habilités à effectuer des études complémentaires à visée diagnostique telles que l’analyse des transcrits MMR, l’étude de l’épissage par la technique de minigène, ou la mise en oeuvre de modélisation des variants susceptibles d’avoir un retentissement délétère sur l’épissage ou sur la protéine.

3. b. Immunohistochimie sur tissu sain

En 2014, une étude a proposé l’utilisation de l’IHC sur tissu sain comme une méthode complémentaire d’aide au diagnostic du syndrome CMMRD (Bakry et al, 2014). En raison de la déficience constitutionnelle MMR, les patients CMMRD doivent présenter une absence

perte d’expression d’une des 4 protéines MMR dans les tissus non transformés signale un défaut constitutionnel MMR. Nous avons déjà cité les nombreux atouts de l’IHC (facilité de mise en œuvre, rapidité, moindre coût). Par ailleurs, l’IHC est susceptible d’orienter l’analyse génétique constitutionnelle vers le gène MMR muté. Cependant, une telle méthode présente un risque de faux-négatif (exclure à tort le diagnostic de syndrome CMMRD) non négligeable, notamment en cas de mutations faux-sens, quand la protéine détectée est non fonctionnelle. Ce dernier cas de figure a d’ailleurs été rapporté dans notre étude (cf. Article 2). À cette limitation, se surajoutent les difficultés d’interprétation de l’IHC dues à l’absence de contrôle positif interne, surtout dans les tumeurs colorées négativement. Par ailleurs, il faut disposer de tissu sain issu du patient, il peut s’agir de la muqueuse adjacente à la tumeur, de cellules saines intratumorales, ou encore d’une biopsie cutanée. Dans les deux premières situations, l’IHC sur tissu sain n’est envisageable que de manière rétrospective pour les patients ayant déjà développé une tumeur, et ne peut pas être appliqué aux apparentés de manière prospective. Dans le cas d’une biopsie cutanée, l’étude prospective est envisageable, cependant il s’agit d’un geste invasif notamment pour de jeunes enfants. Par ailleurs, d’autres études relatent que l’IHC a une faible sensibilité dans l’identification des mutations du gène MSH6 (Okkels et al, 2012) et de certaines mutations du gène PMS2 (Grindedal et al, 2014), or il s’agit des deux gènes principalement impliqués dans le syndrome CMMRD.

3. c. Phénotype d’instabilité des microsatellites dans le tissu sain

Selon certains auteurs, il existerait chez les patients atteints du syndrome de Lynch, des évènements mutationnels préalables à la progression tumorale, avant même l’inactivation somatique entraînant la déficience du système MMR, et donc observables dans les tissus non transformés c'est-à-dire avant l'apparition de tumeurs (Calabrese et al, 2004). Une instabilité des microsatellites est retrouvée de façon inconstante dans les adénomes des patients atteints du LS mais il s'agit déjà de lésions pré-néoplasiques (Pino et al, 2009). Dans les tissus sains, un certain degré d'instabilité a été rapporté. En effet, dès 1995, Parsons et al. décrivent une instabilité

dilutions d'ADN germinal afin d'arriver à 1 à 3 génomes amplifiés par PCR (Monckton & Jeffreys, 1991). Le phénotype MSI étant lié au nombre de divisions cellulaires et les lymphocytes étant un tissu peu prolifératif, il est probable que la technique SP-PCR permet de détecter une déficience du système MMR qui doit représenter un événement très rare indétectable à l’échelle de l’ensemble de la population lymphocytaire. Des niveaux d’instabilité ont également été détectés dans l’ADN constitutif de patients atteints du LS, suggérant des applications à la fois mécanistiques et cliniques de la procédure (Coolbaugh-Murphy et al, 2004). La technique SP-PCR est une méthode sensible pour la détection d ‘un phénotype MSI dans les cellules somatiques. Cependant, elle est laborieuse et d'interprétation difficile. De l'avis même des auteurs, la lourdeur des techniques utilisées et le caractère inconstant de l'instabilité ne permettent pas d'en faire une méthode diagnostique (Coolbaugh-Murphy et al, 2010).

Chez les patients atteints du syndrome CMMRD, l’inactivation du système MMR étant constitutionnelle, on s'attend à observer une instabilité des microsatellites non seulement dans le tissu tumoral mais également dans les tissus sains. La recherche d’un phénotype MSI dans le tissu sain n'a été décrite que pour 13 patients, sur des lymphocytes, de la salive ou d'autres tissus normaux et elle s'est avérée être négative avec les techniques de PCR de routine (Auclair et al, 2007; De Rosa et al, 2000; Etzler et al, 2008; Gallinger et al, 2004; Hegde et al, 2005; Toledano et al, 2009; Vilkki et al, 2001; Wang et al, 1999a; Whiteside et al, 2002; Will et al, 2007). Un faible degré d'instabilité a été observé chez 8 patients sur 9 en utilisant la technique de SP-PCR (Gallinger et al, 2004; Hegde et al, 2005; Vilkki et al, 2001; Wang et al, 1999a). Comme expliqué précédemment, cette technique de dilution ne peut pas être utilisée en routine. De la même façon que dans le syndrome de Lynch, il n'est donc pas possible de faire le diagnostic de CMMRD de façon fiable sur tissu sain par la détermination du phénotype MSI en utilisant la technique de SP-PCR.

Récemment, une étude portant sur la recherche d’un phénotype MSI dans le tissu sain montre des résultats très intéressants pour la détection des patients atteints du syndrome CMMRD. En utilisant trois marqueurs dinucléotidiques, Ingham et al. déterminent un ratio nommé gMSI (germline MSI) par une analyse morphométrique des profils microsatellites (Ingham et al, 2013).

marqueurs positifs, c’est-à-dire supérieurs à un seuil défini. Cette technique présente de nombreux avantages ; elle est facile à mettre en oeuvre, rapide, et peu onéreuse. Les résultats ne sont établis que sur 4 familles différentes (soit 10 patients) avec mutations du gène PMS2 (n=2),

MSH2 (n=1) ou MSH6 (n=1). La principale limitation de cette technique est qu’elle ne permet

pas de détecter les patients mutés sur le gène MSH6, qui est le deuxième gène le plus impliqué dans le syndrome CMMRD. De la même manière, les tumeurs MSI dues à une altération du gène MSH6 sont indétectables avec les marqueurs dinucléotidiques (Goel et al, 2010) alors que l’utilisation de marqueurs mononucléotidiques permet de détecter les CRC déficients pour

MSH6. Cette observation s’explique par le rôle du complexe MSH2-MSH6, qui intervient

préférentiellement dans la reconnaissance des mésappariements base-base et les boucles d’insertions/délétions de une ou deux bases et n’intervient pas dans la réparation des boucles d’insertions/délétions de plus d’une paire de bases (Modrich, 2006). Par conséquent, la déficience du complexe MutSα consécutive à une perte de fonction de MSH6, favorise une instabilité dans les séquences microsatellites mononucléotidiques (Verma et al, 1999). Une autre limite de cette étude est la proportion non négligeable (10%) de cas non contributifs (situation où les 3 marqueurs sont hétérozygotes car ils présentent des allèles distants de moins de 6 paires de bases ou 2 marqueurs seulement sont interprétables mais donnent des résultats contradictoires (l’un positif et l’autre négatif)).

Documents relatifs