• Aucun résultat trouvé

production et la consommation de cannabis

2.2.2. Fiscalité des Cannabis social clubs

2.2.2.6. Taxes locales sur les CSC

Dans le nouveau cadre légal, les CSC pourraient mettre à disposition de leurs membres un lieu de consommation. Cet espace pourrait-il, à l’instar par exemple des débits de boissons, être spécifiquement visé par une taxe communale ?

Les articles 170, §§3 et 4, 41 et 162 de la Constitution attribuent aux communes le pouvoir de lever des taxes sur actes, choses et personnes relevant de son champ territorial. Ce pouvoir a toutefois une série de limites.

Une première limite est le respect de leurs compétences matérielles. Le Conseil d’Etat a conclu dans un arrêt du 12 juin 2012 que la compétence fiscale des communes « ne leur

permet toutefois pas de régler des matières qui relèvent d'autres collectivités politiques » et le

Conseil d’Etat précise : « Il s'ensuit qu'il n'est pas permis aux communes de réglementer une

matière qui est entièrement organisée par une norme supérieure, qui a mis en place un régime normatif suffisamment complet telle la matière de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire à Bruxelles, qui est appréhendée, de manière détaillée et complète, par le Code bruxellois de l'aménagement du territoire.»127. Dans notre cadre légal, les CSC seraient entièrement organisés par l’autorité fédérale, pourrait-il donc y avoir un blocage à ce niveau ? Le respect des compétences matérielles implique également que les communes ne pourraient pas établir un impôt afin de poursuivre un objectif qui n’a rien à voir avec les intérêts communaux dont elles ont la charge, par exemple une taxe visant à « pénaliser » un

127 BOURGEOIS M., Eléments de fiscalité locale et régionale_Suite, syllabus pour le cours Eléments de fiscalité locale et régionale, internationale et européenne, année 2015-2016, p.8.

60 comportement infractionnel, le droit pénal n’étant pas une matière d’intérêt communal128. Dans notre nouveau cadre juridique, les CSC seraient légaux donc les communes ne pourraient de toute façon pas justifier une éventuelle taxe par la volonté de pénaliser un comportement infractionnel.

Le pouvoir fiscal des communes peut en outre être limité par une loi fédérale. « La loi

détermine, relativement aux impositions visées à l'alinéa 1er, les exceptions dont la nécessité est démontrée.» 129 Et les communes wallonnes peuvent être limitées par la tutelle qu’exerce la Région wallonne sur elles.

Enfin, en exerçant leur pouvoir fiscal, les communes doivent suivre certains principes : le principe d’annualité, de non rétroactivité ainsi que le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt. Ce dernier exige que tout traitement distinct des contribuables soit justifié dans le règlement-taxe et ou dans le dossier établi lors de l’élaboration du règlement taxe, et que cette justification soit objective et raisonnable.130

Une commune désirant imposer l’espace de consommation d’un CSC pourrait éventuellement s’inspirer d’une taxe existante, telle que la taxe sur les débits de boissons.

La commune de Stavelot justifie la taxe sur les débits de boissons par deux arguments. Le premier est budgétaire: « Attendu que la commune de Stavelot doit se procurer les ressources

nécessaires pour faire face au financement des dépenses inhérentes à l’accomplissement de ses différentes missions de service public, (…) »131. Que la justification principale du règlement taxe soit budgétaire est une obligation pour les communes. Le Tribunal de première instance de. Bruxelles dit en effet dans un arrêt du 20 avril 2012 : « Si l’objectif principal

d’un impôt doit toujours être de prélever les moyens nécessaires pour financer les services assurés par l’administration, les taxes peuvent poursuivre également un objectif accessoire, consistant à encourager ou à décourager un comportement ou une activité, selon qu’il est jugé bénéfique ou néfaste pour la collectivité. Cette faculté dont disposent les communes d’instrumentaliser leur pouvoir fiscal connaît deux limites. D’une part, l’objectif d’incitation

128 BOURGEOIS M., op.cit., p.21. 129

Constitution art.170, §3.

130 BOURGEOIS M., op.cit., pp.25, 26.

131 Ville de Stavelot, « Règlement-taxe sur les débits de boissons », Extrait du registre aux délibérations du

61

ou de dissuasion doit rester accessoire: un impôt ne peut être établi à des fins uniquement dissuasives. (…)»132.

Le second argument avancé par la commune de Stavelot pour justifier la taxe sur les débits de boissons est qu’elle a pour but de corriger une externalité : « Attendu que s’il n’appartient pas

aux communes de s’immiscer directement dans les politiques de santé publique qui sont établies à d’autres niveaux, elles doivent toutefois faire face aux problèmes de maintien de l’ordre public (sécurité – salubrité – tranquillité) qui sont parfois créés aux abords des débits de boissons, que la gestion de ces problèmes a un coût et qu’il paraît équitable d’en reporter une partie sur les gestionnaires de débits de boissons »133. Cet argument pourrait-il s’appliquer aux espaces de consommation des CSC ? Il n’est pas certain que l’alcool et le cannabis engendrent les mêmes problèmes.

Enfin, notons que certaines communes exemptent de la taxe sur les débits de boissons les ASBL. La ville de Liège exonère par exemple les ASBL exploitant un débit de boisson dans leurs locaux à condition « que cette exploitation soit accessoire à son activité et les bénéfices

servent à la financer, dans l’unique but d’accueillir ses membres et invités ». Bien qu’ils aient

la forme d’ASBL, les CSC ne respecteraient pas, selon nous, cette condition, la fourniture de cannabis à leurs membres constituant l’activité principale et non accessoire, des clubs.

Il resterait de nombreuses questions à résoudre en matière d’éventuelle fiscalité locale sur les CSC. En dehors de l’espace de consommation, les communes pourraient peut-être également imposer la prestation de service consistant dans le fait que le CSC et le cultivateur assurent la culture et la préparation de cannabis pour les membres du CSC. Dans ce cas, elles devraient, comme les Régions, être attentives à ne pas faire entrave au principe de non ibis in idem.