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Taxer ou récompenser ? L’exemple britannique

3. Les politiques publiques de prévention et de recyclage des déchets en France

3.3. Taxer ou récompenser ? L’exemple britannique

La plupart des pays européens favorisent la mise en place d’une TI à côté des instruments informationnels, les deux mesures ayant une place centrale dans la Directive Européenne de 2008. Comme le note Galliano (2005), la TI est populaire dans les pays européens, notamment en Belgique, Suisse, Allemagne, Autriche, Suède et Finlande. Jusqu’à la fin des années 1990, l’Europe du Nord était plus avancée que les pays latins (Espagne, Italie, France) en matière de TI des ordures ménagères. Cependant, dans un contexte législatif européen de plus en plus répressif (Directive de 1999 qui fixe des objectifs de réduction de la quantité de déchets orientés vers la décharge ; Directive de 2008 qui définit la prévention comme objectif premier de toute politique de gestion des déchets), la répartition géographique est aujourd’hui moins inégale au sein de l’UE. La plupart des pays européens ont introduit dans leurs législations nationales la possibilité ou l’obligation pour les collectivités locales d’appliquer un système incitatif de taxation en fonction des quantités (ou volume) des déchets produits. Le Tableau 1 présente quelques exemples.

ADEME 30/52 Tableau 1 : Expériences européennes concernant la tarification des ordures ménagères

Pays Compétences Législation

Allemagne Optionnelles ; la TI est largement

diffusée

Le cadre législatif est le ‘Waste avoidance, recycling and disposal act’. Les Landers appliquent la législation fédérale et élaborent leurs propres législations locales. Elles sont responsables de l’application

de la tarification incitative. Belgique Optionnelles ; la TI

est largement diffusée

Législations locales. La région flamande applique la tarification incitative.

Danemark Optionnelles ; la TI

est peu diffusée Article 48 du ‘Environmental Protection Act’, 1998 : « Le conseil local peut fixer une redevance pour couvrir les coûts de gestion des déchets ».

Finlande Optionnelles ; la TI est largement

diffusée

Articles 28 et 29 du ‘Waste Act’ 1072 du 3 décembre 1993 : « Les municipalités ont le droit de collecter une taxe pour couvrir les coûts

liés à la gestion des déchets » ; « L’assiette de cette taxe est représentée par le type, la qualité et la quantité des déchets ». France Optionnelles ; en

progression L’article 46 du Grenelle Environnement prévoit l’élaboration d’un « cadre législatif permettant l’instauration par les collectivités territoriales compétentes d’une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets ménagers et assimilés ». Italie Obligatoire ; la TI

est peu diffusée

Décret Ronchi de 1997 : La mise en place d’une redevance incitative est obligatoire à partir de 2000.

Luxembourg Obligatoire Loi du 17 juin 1997, article 15 : « Le coût d’élimination du déchet doit être supporté par le ‘propriétaire’ du déchet ». Article 17 : « La taxe pour service rendu doit correspondre à la production des déchets et

plus particulièrement au type, à la quantité et au volume des déchets ».

Portugal Optionnelles Loi de finances du 6 août 1998, article 20 : « Les municipalités peuvent appliquer une taxe/redevance pour la collecte des déchets. Cette taxe/redevance ne doit pas être inférieure aux coûts directs et

indirects du service rendu ». Suède Optionnelles ; la TI

est largement diffusée

Code de l’Environnement de 1998, article 27 : « Les municipalités peuvent mettre en place une redevance ou taxe pour la collecte des déchets. (…). La taxe/redevance peut être définie d’une manière à ce

qu’elle promeuve le recyclage, la réutilisation, ou autres comportements respectueux de l’environnement ». Royaume-Uni Interdiction d’utiliser

la TI charge variable ne peut être appliquée par les autorités locales pour L’article 45 du ‘Environmental Act’ de 1990 stipule que « Aucune collecter les ordures ménagères ».

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Alors que les pays présentés ont introduit dans leurs législations l’option ou l’obligation d’appliquer un système incitatif, le Royaume-Uni apparaît comme un cas très particulier. Sa législation interdit aux autorités publiques locales d’appliquer toute taxe ou redevance incitative pour motiver les ménages à produire moins de déchets. Par conséquent, le type de financement utilisé pour l’élimination des déchets ne peut pas influencer directement le comportement des ménages.

Dans ce contexte législatif particulier, le Royaume-Uni est actuellement un des seuls pays européens à expérimenter un système alternatif d’incitation à la prévention, en l’occurrence les récompenses. Le gouvernement britannique dit vouloir reconnaître et récompenser les individus et les communautés qui veulent adopter des comportements prosociaux dans la production des déchets84. Dans un rapport du

Department for Environment, Food & Rural Affairs (DEFRA), les auteurs notent que le gouvernement

britannique considère qu’il vaut mieux récompenser les ménages pour les « bons » comportements plutôt que les pénaliser pour les « mauvaises » décisions85. Ainsi, à partir de 2011, le DEFRA expérimente différents schémas afin de voir comment les comportements prosociaux sont affectés par des récompenses. 28 projets ont été financés avec l’objectif d’encourager la réutilisation et le tri. Les schémas incitatifs utilisés sont : les récompenses individuelles (basées sur les conséquences des choix), tirage au sort (individuel – la récompense est attribuée selon le principe d’une loterie), les récompenses collectives et les retours d’information au niveau collectif (« collective feedbacks » – les informations fournies peuvent porter sur les articles recyclables et le taux de recyclage des voisins).

Les études de cas réalisés suite à la mise en place de huit projets financés par le DEFRA montrent des taux de recyclage et de réutilisation plus élevés que pour les groupes non soumis au traitement. Cependant, il existe des problèmes majeurs liés à la technique de randomisation. La taille, l’emplacement géographique et les caractéristiques sociales des groupes comparés ne sont pas les mêmes. De plus, le DEFRA indique clairement qu’il est difficile d’attribuer les changements comportementaux à la mise en place des récompenses. Il n’existe, malheureusement, pas d’études sérieuses sur les effets des différents schémas de récompense sur les comportements de prévention des déchets. On manque également d’évidence empirique concernant les mérites d’une politique de « Reward and Recognition » par rapport aux instruments de tarification incitative utilisés dans la plupart des pays européens. Le gouvernement britannique compte publier à l’Automne 2015 un rapport final sur les effets des 28 projets financés dans le cadre du programme « Reward and Recognition ».