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5.8 Discussion

5.8.2 Taux de surrection moyens

Il est possible d’approcher un taux de soulèvement moyen de l’anticlinal Ja- boncillo en utilisant les datations réalisées dans notre études. En effet, le dépôt Mesones (T3) est visible sur les cimes du pli alors que le dépôt T2 a traversé l’anti- clinal dans les rides d’érosion ( voir fig. 5.11). La figure 5.47 permet d’évaluer une différence d’altitude verticale entre ces deux dépôts au centre du pli de l’ordre de 40 m. L’anticlinal s’est ainsi surélevé de 40 m entre le moment ou le dépôt T3 à été mis en place et celui ou le rio Las Tunas a abandonné T2. En considérant l’âge mi-

5.8 Discussion

FIGURE 5.47 – Profils topographiques dans l’anticlinal Jaboncillo tracés à partir du modèle

GDEM. L’amplitude moyenne des rides est de l’ordre de 40 m.

nimum de T3 (0,72 M a) et l’âge moyen de T2 (20 ka), un taux de surrection moyen entre ces deux âges peut être calculé à environ 0,06 mm an−1. Ce taux de surrection

est en fait un taux de surrection moyen maximum sur cette période puisque nous avons considéré un âge minimum de la déposition du dépôt Mesones. Comme l’âge de T3 est grand devant celui de T2, la précision sur l’âge du dépôt de T2 n’est pas primordiale dans notre calcul. De plus, le taux de surrection obtenu reste un ordre de grandeur au vu de la précision des données. Dans son étude Garcìa [2004] a évalué la déformation des différentes couches stratigraphiques dans l’anticlinal. Il a ainsi évalué la déformation verticale de la strate du tuf Angostura à environ 800 m. Nous avons daté ce tuf à 8,3 M a ce qui aboutit à un taux de soulèvement vertical moyen depuis 8,3 M a de l’ordre de 0,1 mm an−1.

Au niveau de l’anticlinal Jaboncillo, Le taux de surrection moyen sur 8 M a est ainsi environ deux fois supérieur au taux de surrection moyen du dernier million d’années. Ceci peut signifier premièrement que la surrection de l’anticlinal s’est ralentie depuis 1 M a. Deuxièmement, étant donné que le taux de surrection consi- déré est un taux de surrection apparent, c’est à dire égal au taux de surrection réel moyen moins le taux d’érosion moyen, ce résultat peut aussi signifier que le taux d’érosion moyen sur l’anticlinal a augmenté depuis 1 M a.

Cas naturel : Etude du système montagne-piémont de Las Tunas, Argentine

Ces résultats peuvent être comparés au taux de surrection déterminé par Vergés et al. [2007]. Ces auteurs ont effectué une étude sur le mont Salinas, un anticlinal du piémont situé à environ 130 km au nord (latitude : 31˚4’S) de notre zone d’étude. Ils ont déterminé des taux de surrection de l’ordre de 0,4 mm an−1 sur 8,5 M a en utilisant la déformation d’une strate du tuf Angostura. Ce taux de surrection est environ quatre fois supérieur au taux de surrection moyen de l’anticlinal Jaboncillo. La différence de taux de déformation verticale du piémont à l’échelle régionale peut être due au fait que la surrection de la Cordillère Frontale a progressé du N vers le S. Le mont Salinas a donc pu être déformé depuis plus longtemps que l’anticlinal Jaboncillo.

Enfin, même si les arguments développés auparavant ne sont pas suffisants pour écarter totalement une cause tectonique à l’incision de la terrasse T3, il est clair que l’incision des deux derniers niveau de terrasse T2 et T1 dans le piémont de Las Tunas ne peut pas être la réponse du système à un pulse tectonique. En effet, le taux de soulèvement vertical moyen contre-balançant l’incision de T2 par exemple est de l’ordre de 5 mm an−1 (100 m de hauteur sur 20 ka). Cet ordre de grandeur est représentatif des orogènes très actifs tels que Taïwan [Hovius et al., 1997]. Il n’est pas réaliste dans notre zone d’étude. De plus la corrélation entre l’âge des incisions et le retrait glaciaire est une preuve directe.

5.9 Conclusion

5.9

Conclusion

Malgré un contexte de tectonique active, la géomorphologie du système montagne-piémont de Las Tunas semble essentiellement contrôlée par les cycles climatiques. Les âges des 3 niveaux principaux de terrasses dans le piémont, ré- vélés par datation cosmogénique sont en accord avec des périodes de déglaciations majeures dans la région. Seule la terrasse T3 pourrait avoir une origine tectonique, alors que les terrasses T1 et T2 sont clairement d’origine climatique.

De plus, la chronologie de formation des terrasses indique qu’après la formation et l’incision de T3, plusieurs fluctuations glaciaires-interglaciaires (MIS 16 à 4 par exemple) ne possèdent aucun marqueur géomorphologique préservé dans le pay- sage actuel. A l’opposé, la dernière déglaciation semble responsable de la formation des deux niveaux T1 et T2 bien marqués dans le piémont et la montagne. La forme du paysage actuel traduit donc d’une réponse complexe du système montagne- piémont aux changements du moteur externe qui est dans la cas de Las Tunas, le climat. Cette réponse est de plus locale puisque les études effectuées aux alentours de Las Tunas ne livrent pas les mêmes résultats [Baker et al., 2009]. Ces résultats peuvent être mis en parallèle avec les résultats numériques qui ont montré que le couplage montagne-piémont impliquait une réponse différente à une perturba- tion climatique (rapide et simple ou longue et complexe) selon l’intensité de cette dernière (cf. partie 3-5).

Cette étude montre également que de forts mélanges de sédiments sont pos- sibles sur des surfaces à pente faible. Le profil C(10Be) versus profondeur de la

terrasse T3 montre clairement que ces mélanges peuvent affecter plus d’un mètre de profondeur de sédiments de la terrasse. Les sédiments remobilisés peuvent être de différente nature (galets sur T3, sables sur T2) et les mélanges ont eu lieu sur les surfaces ancienne (T3) et jeune (T2). Ceci indique donc une dynamique sédi- mentaire de surface non négligeable malgré de faibles pentes (≤ 1, 8˚), permettant le mouvement de sédiments de caractéristiques différentes (le diamètre du sédi- ment dsed par exemple) , et à plusieurs échelles de temps. Ce résultat encourage

donc la nécessité d’études complémentaires sur les processus et les lois physiques régissant la dynamique des surfaces non chenalisées.

De plus, deux au moins des niveaux de terrasse (T1 et T2) sont continus et bien marqués dans le piémont et la montagne. Ceci indique une forte interaction entre les deux sous-systèmes avec une évolution géomorphologique et sédimentaire

Cas naturel : Etude du système montagne-piémont de Las Tunas, Argentine

conjointe. La figure 5.49 schématise ces interactions sous forme d’ondes d’érosion- sédimentation.

Montagne Piémont

T3

tout le système incisé

piémont incisé montagne incisée T2

temps

FIGURE5.48 – Représentation schématique des oscillations possibles entre la montagne et le

piémont au cours d’un cycle glaciaire par exemple. Le passage de T3 à T2 est donné comme exemple même si il ne se déroule pas sur un cycle glaciaire. Le profil rouge peut représenter l’instant où T3 est en place. Les sédiments sont à un niveau haut dans la montagne et dans le piémont. Pour passer à un niveau bas de sédiments (fin de l’incision du dépôt T3, profil vert) le piémont peut s’inciser (profil jaune) avant la montagne. Il est également possible que la montagne s’incise avant le piémont (profil noir). Lorsque le système entier est incisé (profil vert), il peut re-sédimenter d’abord par le piémont (profil noir) ou par la montagne (profil jaune) pour atteindre le profil caractéristique de T2 (profil rouge). la chronologie de ces différents stades constitue une onde d’érosion-sédimentation.

Ces ondes possibles d’érosion-sédimentation prennent naissance localement à l’endroit du système où les paramètres physiques sont propices à un déséquilibre (plus forte/faible pente, flux d’eau concentré) puis se propagent dans tout le sys- tème. Le processus est en fait le même que celui présenté dans l’étude numérique du chapitre 2 [Pepin et al., 2010]. Ainsi, dans les expériences numériques, la propa- gation de l’onde d’incision (apparition des incisions permanentes dans le piémont) a pour origine l’apex du piémont et se met en place vers l’aval tandis que l’onde d’érosion se propage vers le haut de la montagne.

Enfin, la continuité des terrasses du piémont vers la montagne ainsi que les âges déterminés pour T2 et T1, indiquent que le temps réponse de la montagne à un changement climatique est bien inférieur à 20 ka. Le bassin versant montagneux s’adapte donc très rapidement à un changement climatique, ce qui avait également été évoqué par les expériences numériques (chapitre 3).

5.9 Conclusion

FIGURE 5.49 – L’équipe de choc ! de gauche à droite : S. Carretier, G. Hérail, E. Pepin, R.

Charrier, M. Farias

Cas naturel : Etude du système montagne-piémont de Las Tunas, Argentine

Chapitre 6

Géomorphologie générale de las

Tunas et ses environs

Sommaire

6.1 Introduction . . . 188

6.2 Localisation des bassins versants . . . 188

6.3 Profils en long . . . 192

6.4 Diagrammes pente-aire drainée . . . 195

6.5 Hypsométries . . . 199

6.6 Topographie et limite ELA . . . 201

6.7 Conclusion . . . 205

Géomorphologie générale de las Tunas et ses environs

6.1

Introduction

Ce chapitre complète l’étude du système montagne-piémont de Las Tunas pré- sentée dans le chapitre précédent. Le système de las Tunas, fortement incisé, est comparé à plusieurs bassins versants adjacents qui ne le sont pas. L’objectif du chapitre est donc d’évaluer pour quelle(s) raison(s) géomorphologique(s) las Tunas a subi de fortes incisions alors que ce comportement n’est pas commun à l’échelle régionale.

Plusieurs outils tels que les courbes hypsométriques ou les graphiques pente- aire drainée sont utilisés pour caractériser et comparer les différents bassins ver- sants ente eux. Enfin, la proportion de chaque bassin versant au dessus de la ligne ELA, c’est à dire la ligne au dessus de laquelle la couverture de neige ne s’amenuise pas annuellement, est évaluée puisque les incisions de las Tunas sont certainement dues à la fonte des glaces lors des périodes interglaciaires (c.f. chapitre précédent).