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Taux d'expansion des dorsales et morphologie des rides et des chambres magmatiques

Rayons atomiques (Å)

3. Histoire magmatique et chambres magmatiques aux rides

3.3 Taux d'expansion des dorsales et morphologie des rides et des chambres magmatiques

Les rides océaniques ont des vitesses d'expansion fortement hétérogènes. Ce critère de vitesse a été utilisé pour classer les dorsales.

Figure 6 : Taux d'expansion en mm/an mesurés le long des principales dorsales océaniques, d'après De Mets et al. 1990.

Les rides lentes ont des vitesses d'expansion de moins de 40mm/an. C'est le cas de la ride Atlantique. Les rides rapides représentent 20% des rides modernes, et ont produit environ 50% de la croute océanique moderne (30% de la surface terrestre), ainsi que la majorité de la croute subductée au cours des deux cent derniers millions d'année. La ride Est-Pacifique est l'exemple le plus connu.

Cette différence de vitesse d'expansion entre ride lente et ride rapide semble jouer fortement sur la structure de la ride.

Un simple aperçu de la topographie d'une ride lente et d'une ride rapide fait apparaitre des contrastes. Les rides rapides présentent des hauts topographiques, alors que les rides lentes forment de profondes vallées. Au niveau des rides lentes, le relief est beaucoup plus variable, découpé par de nombreuses failles, que pour les rides rapides.

Figure 7 : aperçu de la topographie de la ride Est-Pacifique (à gauche), typique d'une ride rapide, et de celle de la ride médio-atlantique (à droite), typique d'une ride lente. La ride Atlantique est fortement faillée. VE=exagération verticale.

Cette dichotomie ride lente-ride rapide a été confirmée par de nombreuses études géophysiques et géochimiques. Nous allons commencer par décrire les rides rapides, dont la connaissance est plus précise du fait de l'existence d'analogues tels que l'ophiolite d'Oman. 3.3.1 Description des rides rapides

L'étude sismique des dorsales rapide révèle des réflecteurs nets, qui correspondent bien au modèle "Penrose". Les modèles actuels basés sur les études géophysiques, l’étude des ophiolites (e.g., Oman), et de la croûte océanique actuelle permettent de proposer que le système magmatique au niveau des dorsales est composé d’une chambre magmatique

principale (~4km d’épaisseur) composée d’un mush (moins de 20% de liquide d’après Lamoureux et al., 1999) et de petites lentilles localisées pouvant contenir jusqu’à 100% de liquide (e.g., Sinton and Detrick, 1992 ; Canales et al., 2009). Ces lentilles magmatiques sont situées au niveau du Moho (e.g., Garmany, 1989, Nedimovic et al., 2005), à la base du complexe filonien (e.g., Sinton and Detrick, 1992 ; Canales et al., 2009), et au sein de la chambre magmatique principale (Canales et al., 2009).

Figure 8 : a) Coupe perpendiculaire à l'axe d'une dorsale rapide (France et al., 2009). Une lentille de magma est présente à la base de la croute supérieure et au niveau du Moho. Les gabbros sont foliés verticalement en haut et horizontalement en bas. Le mush sous la lentille supérieure est recoupé par des sills. b) Des lentilles de magma sont imagées à différents niveaux dans la croute (Canales et al., 2009): AMC=chambre magmatique axiale, qui représente la lentille de magma visible en a); LCML=lentille magmatique dans la croute inférieure, et Moho: lentille de magma au niveau du Moho. La section entre l'AMC et la lentille au niveau du Moho est constituée principalement de mush (<20% de liquide d'après Lamoureux et al., 1999). La ligne en pointillé blanc représente l'axe de la dorsale.

Le mode d’accrétion de la croûte inférieure est débattu. Dans un premier modèle, le modèle "gabbro glacier" (Henstock et al., 1993; Morgan et Chen, 1993; Quick et Denlinger, 1993), un écoulement ductile se produit depuis la lentille supérieure et en s'éloignant de l'axe de la ride. Ce modèle prédit que la croûte inférieure et supérieure ont la même composition (puisque dans ce modèle elles sont formées par une même chambre), et de fortes contraintes existent dans la croûte inférieure (du fait du mouvement ductile). Cependant cette déformation ductile est rarement observée. Les gabbros sont souvent lités et constitués d'une succession d'unités de refroidissement avec des olivines à la base et des plagioclases au sommet; les croûtes inférieure et supérieure présentent souvent des compositions qui sont différentes. Un second modèle (le "sheet sill model") propose l’existence de plusieurs chambres d'environ 100m d'épaisseur au sein de la croûte. Lors de la cristallisation, les cumulats de la croute inférieure libèrent des liquides, qui de temps en temps remontent pour alimenter les chambres supérieures (Kelemen et al, 1997; MacLeod and Yaouancq, 2000; Maclennan et al., 2004). Dans le modèle "sheeted sills", la croûte est refroidie par hydrothermalisme. Un modèle intermédiaire semble intégrer les différentes observations et propose que la croûte inférieure soit formée par le haut (par écoulement ductile depuis la lentille supérieure) et par le bas par l’injection de sills (Boudier et al., 1996).

Figure 9 : Modèles d'accrétion de la croûte océanique d'après Korenaga and Kelemen (1997) : a) le modèle “gabbro glacier”: toute la croûte inférieure est cristallisée par subsidence à partir de la lentille supérieure (e.g., Henstock et al., 1993; Morgan et Chen, 1993); b) modèles intermédiaires dans lesquels la croûte inférieure est alimentée par le haut par subsidence et par le bas par injection de sills (Boudier et al., 1996); c) Modèle “sheeted sill” dans lequel la plupart de la croûte inférieure est cristallisée par injection de sills (e.g., Kelemen et al., 1997; MacLeod et Yaouancq, 2000).

3.3.2 Description des rides lentes

Les dorsales lentes présentent des vallées axiales de dix à vingt kilomètres de large et de un à deux kilomètres de profondeur. La forte topographie au niveau des vallées les rend

difficile à imager, de sorte qu'une seule chambre magmatique a pour l'instant été détectée (Singh et al. 2006).

La sismique ne fait pas apparaitre des réflecteurs nets correspondant au modèle "Penrose", mais la vitesse augmente régulièrement avec la profondeur, du fait d'une croute fortement hétérogène. Une preuve de cette hétérogénéité est l'observation fréquente de manteau serpentinisé à l'affleurement et de masses de gabbros dans le manteau serpentinisé. Il n'y a pas de Moho pétrologique, et le Moho géophysique est interprété comme correspondant à la limite du manteau serpentinisé.

Figure 10 : coupe schématique le long de l'axe de la dorsale Atlantique, d'après Cannat et al. (1995). Contrairement aux rides rapides, la morphologie varie fortement le long de l’axe, et la croute est hétérogène aux fins de segments.

Loin des points chauds les rides lentes se forment en régime thermique froid, caractérisé par une lithosphère épaisse et fragile (Chen et Morgan, 1990), qui permet une activité tectonique intense (vallée axiale, failles abondantes, failles en détachement avec une racine profonde). Les segments, de 20 à 100km de long, sont séparés par des discontinuités. Au niveau de la vallée axiale, les segments ont une forme de sablier, avec des segments plus étroits et moins profonds au centre. Le maximum d'activité magmatique est au centre des segments. Au niveau des discontinuités (fin de segments), les roches exposées sont très hétérogènes et des roches du manteau et de la croûte inférieure sont trouvées (basaltes, gabbro, péridotites serpentinisées), remontées le long des failles. La chimie des gabbros suggère qu'il existe une série d'intrusions évoluant indépendamment les unes des autres en système fermé. La péridotite est abondamment recoupée par des dykes de gabbro, ce qui veut dire que le liquide ne remonte pas toujours en surface mais peut rester piégé dans la lithosphère (Godard et al., 2009). La fin des segments peut également héberger des systèmes

hydrothermaux, mis en place sur le plancher océanique serpentinisé, et la circulation de l'eau de mer est favorisée par les failles.

Il est généralement considéré que les corps magmatiques nourrissant les éruptions volcaniques sont transitoires. Rubin et Sinton (2007), à partir d'une compilation de données sur près de 11000 laves, ont argumenté que les laves sont en général moins différenciées au niveau des rides lentes, et plus hétérogènes concernant les éléments marqueurs de source, ce qui suggère des chambres plus épisodiques et probablement plus petites, qui ne permettent pas l'homogénéisation des laves.

Figure 11 Les basaltes issus de rides lentes présentent des concentrations en MgO plus élevées, et des rapports K/Ti, 87Sr/86Sr et 143Nd/144Nd plus hétérogènes (d'après Rubin et Sinton, 2007).

Concernant la chimie, il semble que le faible taux d'expansion et les faibles degrés de fusion favorisent la cristallisation à forte profondeur, tandis que les forts taux de fusion et les fortes vitesses d'expansion favorisent la cristallisation à plus faible profondeur (Dmitriev, 1998; Michael et Cornell, 1998; Herzberg, 2004; Villiger et al., 2007).

3.3.3 Bilan

Tableau 4 : principales caractéristiques des rides lentes et des rides rapides

Taux d'expansion Ride lente (<40 mm/an) Ride rapide (>70mm/an)

MAR EPR

Apport de magma épisodique continu

Chambres magmatiques éphémères et rares régulières et permanentes, dont

une à la limite dyke-gabbro

Activité sismique tectonique et volcanique principalement volcanique

Structure crustale hétérogène modèle "Penrose"

Activité hydrothermale rare à localement forte forte

Chimie de laves laves mal homogénéisées laves homogènes, plus

différenciées

Cristallisation en profondeur superficielle

3.4 Variation de la composition en volatils des laves issues des dorsales à