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Taux de développement

+ +

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-Compensation ? OUI NON

-/0

Augmentation CO

2

Augmentation température

Qualité nutritionnelle Fermeture stomatique

Réchauffement du microclimat

Taux de développement

+ +

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-Compensation ? OUI NON

-/0

Figure 12. Les effets possibles des changements climatiques – élévation de la teneur atmosphérique en CO2 et de la température de l’air – sur le taux de développement des insectes mineurs de feuilles. Les signes indiquent le type d’effet (-, 0, + pour un effet négatif, nul ou positif respectivement). Alors que les changements climatiques ont un impact positif sur le taux de développement en induisant un réchauffement du microclimat, l’impact est négatif via l’appauvrissement de la qualité nutritionnelle des tissus foliaires. L’amplitude de cet impact négatif dépend de la capacité du phytophage à compenser cette faible qualité nutritionnelle par une plus forte consommation.

C

ONCLUSIONS

En dépit de sa petite taille, la mine est un véritable carrefour biologique. Premièrement, la mine est un lieu d’échange d’énergie important entre les deux niveaux trophiques – la plante et son phytophage – à la fois sous forme de chaleur mais aussi de flux de matière comme le CO2. La mine est aussi une interface primordiale pour les parasitoïdes, une arène décisive à la fois pour la proie et le parasitoïde. Finalement, les mineuses sont des ingénieurs de l’écosystème, une cohorte d’espèces s’appropriant cette structure une fois laissée vacante. L’impact de la structure mine n’est pas seulement écologique mais aussi évolutif, en causant des modifications importantes des sensibilités thermiques chez la mineuse et ses parasitoïdes.

La larve de l’insecte mineur P. blancardella modifie profondément la structure physique de son microenvironnement. Cette constatation permet une comparaison intéressante entre les insectes mineurs et les insectes galligènes. En effet, les insectes galligènes exercent un contrôle chimique marqué sur les tissus végétaux de façon à induire la formation de la galle, véritable forteresse protectrice de haute qualité nutritionnelle (Stone & Schönrogge 2003). Jusqu’à présent, les insectes mineurs étaient perçus comme moins évolués dans le contrôle de l’hôte que les galligènes, bien qu’une interaction chimique complexe entre la mineuse et sa plante hôte soit soupçonnée depuis l’étude d’Engelbrecht (1969). Cette thèse donne un tout autre éclairage. Les insectes mineurs ont préféré la voie physique à la voie chimique. Dans cette nouvelle optique, l’interaction hôte – parasite semble en fait tout aussi complexe dans le système mineur de feuille que dans le système galle.

Nous évoquons ici le terme de contrôle physique du fonctionnement de l’hôte par la larve mineuse car elle tire avantage de l’interaction. Mais jusqu’à quel point peut-on parler de contrôle ? En d’autres termes, la larve est-elle capable de réguler son comportement de construction lorsque les conditions environnementales (e.g. climat, physiologie de la plante) sont modifiées de façon dramatique ? Une telle régulation comportementale pourrait permettre la survie de l’organisme dans son nouvel environnement. Les données présentées dans cette thèse ne permettent pas de démontrer clairement que la mineuse est capable de modifier son comportement de construction pour s’adapter à un nouvel environnement. Toutefois, au cours des mesures effectuées à la fois en laboratoire et sur le terrain, j’ai pu observer à plusieurs reprises un changement dans la structure de la mine lorsque celle-ci se trouvait dans des conditions extrêmes de température au début du développement de la larve. Les fenêtres de nourrissage ne paraissaient pas blanches mais verdâtres. Ceci indiquerait que

la larve peut prendre soin de ne pas manger toute l’épaisseur des patchs verts, ce qui en retour diminuerait l’absorbance du tégument de la mine, contribuant ainsi à diminuer l’excès de température dans la mine. L’avantage d’un tel comportement est certain lorsque les conditions sont proches du seuil létal de température. De plus, le processus serait modulable dans une certaine mesure puisque ce qui n’a pas été mangé reste disponible pour plus tard, lorsque les conditions thermiques redeviennent plus favorables. Des expériences supplémentaires, en conditions contrôlées, sont nécessaires pour confirmer une potentielle capacité d’adaptation dans ce contexte.

Le modèle de budget thermique se révèle être un outil puissant pour analyser en détail les relations thermiques et physiologiques entre les insectes herbivores et leur plante hôte. Les budgets thermiques font preuve d’une réalité physiologique exemplaire avec un niveau de complexité relativement important, certes, mais uniquement lié au grand nombre de paramètres (Gates 1980). L’adaptation du modèle à un nouveau système biologique demande un travail de paramétrage important. Ce modèle reste toutefois accessible conceptuellement puisque les paramètres correspondent à des processus physiques et physiologiques bien connus et mesurables in situ. De plus, notre modèle de budget thermique s’avère d’une grande utilité pour étudier l’impact des changements climatiques sur les interactions insecte - plante. Récemment, l’application de cette approche mécanistique pour déterminer les effets des changements climatiques sur des organismes vivant sur le littoral océanique a montré que les modèles mécanistiques étaient fiables et que cette approche est novatrice, révélant des effets contre intuitifs (Helmuth et al. 2002, 2005). Dans le cas des relations entre les insectes et les plantes, la principale difficulté provient du fait que le système est multifactoriel, avec de nombreuses boucles de rétroactions entre le climat changeant, la plante et l’insecte. Les études récentes portant sur l’impact des changements climatiques sur les interactions insecte - plante démontrent que nous sommes encore au stade du ‘cas par cas’ et qu’aucun patron général n’émerge pour l’instant. Une approche intégrative est nécessaire, utilisant des méthodes et des concepts physiques, physiologiques, écologiques et génétiques, appliqués à la fois sur l’animal et sur le végétal. L’évaluation de l’impact des changements climatiques sur les relations entre insectes et plantes nécessite donc au final une intégration de différentes disciplines.

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