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I.4 Facteurs influençant les introductions

I.4.1 Le taux de croissance

La croissance de la population est un élément crucial lors de l’établissement de la popula- tion. Son étude va permettre de distinguer des caractéristiques chez les individus qui leur permettent de croître avec plus ou moins d’aisance dans leur nouvel environnement. Le concept de taux de croissance est généralement utilisé pour étudier la dynamique d’une population. Ce taux représente, sur une unité de temps, le changement de taille (ou de la densité si la composante spatiale est utilisée) de la population. Le taux de croissance

de la population peut être affecté par la taille de la population, on parle de densité dé- pendance. On utilise la notion de densité indépendance lorsque ce taux est régi par des facteurs externes à la taille de population.

I.4.1.1 La densité indépendance

Le taux de croissance d’une population peut être régulé par des facteurs biotiques et abiotiques. L’environnement est souvent évoqué pour induire de la densité indépendance (Hixon and Johnson, 2009). Le taux de croissance peut alors varier en fonction des ca- ractéristiques de l’environnement. Un environnement favorable permettra à la population de croître dans de bonnes conditions et plus rapidement que dans un environnement in- adapté. Par exemple, la disponibilité des ressources affecte la croissance de la population. Un environnement possédant de nombreuses ressources et de bonnes qualités permettra à la population de prospérer dans son habitat. Les individus perdront alors moins de temps et d’énergie à la recherche de ressources puisqu’elles sont abondantes et ils peuvent se consacrer à leur descendance, ce qui, a priori, accroît le taux de croissance de la po- pulation. De manière générale, le nombre d’individus dans la population importe peu ici puisque tous les individus sont affectés de la même façon par la qualité de l’environnement.

I.4.1.2 La densité dépendance négative

Le taux de croissance peut aussi être affecté par la densité de la population. On distingue deux types de densité dépendance en fonction de l’impact que peut avoir la taille de la population sur le taux de croissance. La densité dépendance négative intervient lorsque l’augmentation de la taille de la population fait décroître le taux de croissance. Cet aspect intervient essentiellement lorsque les populations sont grandes. En effet, les mécanismes souvent invoqués sont l’encombrement de la population, et la compétition intraspécifique.

L’encombrement est associé au fait qu’une population devient trop grande par rapport à ce que peut réellement contenir son environnement. L’habitat, ainsi que les ressources, deviennent plus difficiles à obtenir puisque la population est trop grande et les individus survivent alors plus difficilement. La compétition entre congénères peut aussi interve- nir lorsqu’ils sont nombreux. Les individus s’affrontent alors pour obtenir des ressources nécessaires à leur survie. Dans les deux exemples cités ici, plus la compétition ou l’en- combrement est important, plus les individus doivent contribuer à leur survie et non à la procréation, ce qui réduit les effectifs des générations futures et donc induit une baisse dans le taux de croissance. Cette forme de densité dépendance a été étudiée dans le cadre d’introduction d’agents de lutte biologique qui s’affrontent pour la même ressource (Beddington,1975; DeAngelis et al., 1975; Arditi and Ginzburg,1989).

I.4.1.3 La densité dépendance positive

De manière opposée, la densité dépendance positive apparaît lorsque le taux de croissance d’ue population diminue à mesure que sa taille devient petite. Ce phénomène est essen- tiellement notable lorsque la population est petite. On parle aussi d’effets Allee puisque ce sont les travaux de W.C. Allee qui montrèrent les premiers l’importance de l’aggrégation chez les animaux pour faciliter leur survie (Allee and Bowen, 1932). Il remarque que les poissons rouges parviennent à rendre leur environnement chimiquement plus enclin à leur développement lorsqu’ils sont plus nombreux. Ce principe d’aggrégation ou de coopéra- tion parmi les animaux fut ensuite nommé le principe de Allee par Odum en 1953 (Odum,

1953). Cette densité dépendance positive est présente chez les espèces où la coopération des congénères permet de meilleures aptitudes à procréer et/ou à survivre.

C’est seulement cinquante ans plus tard que les travaux de Allee furent pleinement re- connus et prirent de l’importance en écologie. Le terme d’effets Allee a été clarifié par la distinction entre les effets Allee élémentaires (component Allee effects) et les effets Allee

démographiques (demographic Allee effects) (Stephens et al., 1999). Les effets Allee élé- mentaires décrivent l’impact positif de la taille de la population sur une composante de la fitness individuelle lorsque la population est petite.

Les effets Allee démographiques surviennent lorsqu’un ou plusieurs effets Allee élémen- taires entraînent une relation positive entre la taille de la population et son taux de croissance à petite taille. Il est important de noter ici que la présence d’un ou plusieurs effets Allee élémentaires peut ne pas entraîner un effet Allee démographique. C’est le cas notamment si des relations négatives interviennent au niveau des composantes de la fitness individuelle et finissent par dominer dans l’ensemble la relation entre le taux de croissance et la taille de la population. Il est possible par exemple d’observer des comportements de compétition parmi les individus pouvant annihiler des effets Allee élémentaires bel et bien présents (Levitan, 1991).

La définition des effets Allee démographiques est modulée en fonction de leur sévérité dans la population : un effet Allee démographique est dit faible lorsque le taux de croissance de la population est croissant et positif quand les individus sont peu nombreux alors qu’un effet Allee fort sera caractérisé par un taux de croissance négatif. Dans ce cas, la taille de la population va progressivement diminuer jusqu’à son extinction lorsqu’elle est sous un seuil critique qu’on appelle seuil de Allee (Brassil,2001;Wang and Kot, 2001; Boukal and Berec, 2002).

Les mécanismes derrière les effets Allee affectent essentiellement le nombre de descendants et la survie des individus (Berec et al.,2007;Courchamp et al.,2008). Ce sont, en effet, les deux principales caractéristiques de leur fitness. Les mécanismes de reproduction sont les plus souvent invoqués (Courchamp et al.,2008;Fauvergue et al.,2012) avec, par exemple, la difficulté d’accouplement à petite taille (Liebhold and Bascompte, 2003; Gascoigne et al.,2009) (Cf. les tables 2.1 et 2.2 dans (Courchamp et al.,2008) pour plus de détails). De nombreux cas d’études ont permis de prouver la présence d’effets Allee démographiques où des mécanismes de reproduction sont reconnus. C’est le cas de la spongieuse qui a des

difficultés à s’accoupler à petite densité et pour laquelle une taille critique des colonies a été notifiée (Liebhold and Bascompte, 2003). La pollinisation de certaines fleurs peut aussi être mise à mal lorsque la population est petite comme c’est le cas avec la clarkia concinna (Groom,1998) ou la spartine à feuilles alternes (Davis et al.,2004;Taylor et al.,

2004).

Les mécanismes de survie sont aussi très influents et peuvent faire survenir des effets Allee démographiques. Par exemple, la capacité d’un groupe de proies à se protéger des préda- teurs est affectée par la taille du groupe en question. On voit très bien l’image du banc de poissons dont la vigilence et l’efficacité à se protéger augmentent à mesure que le groupe grandit. De même, l’aptitude des individus à localiser de la nourriture et/ou à capturer les proies peut s’avérer difficile à mesure que la population diminue. Cela peut réduire le taux de survie des individus, mais aussi le nombre de descendants. Ces mécanismes ont été reconnus chez des espèces carnivores et sociales comme le chien sauvage d’Afrique (Courchamp and Macdonald, 2001) ou les hyènes (Trinkel and Kastberger, 2005) qui ont des difficultés à gérer à la fois les prédateurs et la compétition des ressources avec d’autres colonies (survie), mais aussi à créer des progénitures pour les générations futures (reproduction) (Courchamp et al.,2008). Ces mécanismes sont à l’origine des effets Allee élémentaires qui peuvent par la suite devenir des effets Allee démographiques.

Cette thèse étudie l’impact des effets Allee sur les introductions d’individus. En effet, il semble aujourd’hui crucial de considérer de tels risques lors d’introductions et de récents articles stipulent que le management des espèces introduites doit envisager les effets Allee (Taylor and Hastings, 2005; Deredec and Courchamp, 2007; Drury et al., 2007; Tobin et al., 2011; Sinclair and Arnott, 2016). Les populations introduites sont sensibles aux effets Allee, de nombreuses expériences l’ont montré, que ce soit en biologie de l’invasion (Taylor and Hastings, 2005), de la réintroduction (Deredec and Courchamp, 2007) ou en lutte biologique (Fauvergue et al., 2012). Les populations soumises aux effets Allee sont plus enclines à l’éradication lorsqu’elles sont petites, notamment en présence d’un effet Allee démographique fort où la population va subir une diminution de son effectif si elle est

sous le seuil de Allee, jusqu’à l’extinction. Cette considération nous mène alors à agir au niveau de la pression de propagule, et donc de la stratégie d’introduction à adopter, afin de surmonter les difficultés encourues par le taux de croissance des populations introduites.

Les taux de croissance peuvent aussi être impactés par des facteurs ne dépendant pas de la taille de la population. Des aléas peuvent survenir au sein de la population par le biais de différents processus, nous allons en exposer deux qui sont souvent évoqués comme les principaux risques d’extinction chez une population (Lande, 1993) : la stochasticité démographique et environnementale.

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