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1- Symptômes et évolution de la maladie

Les critères de diagnostic de l’ataxie de Friedreich ont été affinés grâce à l’étude de 115 patients issus de 90 familles faite par le Dr Anita Harding au début des années 1980 (tableau 1)

(Harding, 1981). Ce tableau clinique a été validé par la suite sur d’autres cohortes de patients,

préalablement confirmés par diagnostic génétique (Delatycki et al., 1999a; Dürr et al., 1996; Ribaï et

al., 2007a).

a) Premiers symptômes

Les premiers symptômes de l’AF apparaissent classiquement à la puberté, et de façon générale avant l’âge de 25 ans, par le développement d’une ataxie progressive et permanente des

membres et du tronc (Harding, 1981). Celle-ci se manifeste par une démarche ébrieuse associée à

des pertes d’équilibre fréquentes, ainsi que par une maladresse générale. En plus des troubles de la marche, les patients éprouvent des difficultés à réaliser des gestes du quotidien qui requièrent précision et dextérité comme l’écriture, l’habillement et le maniement de couverts pour se nourrir. Cette ataxie est qualifiée de mixte, car elle est d’origine cérébelleuse et sensitive (voir intro. point

I-D-1). Des symptômes non neurologiques, tels que la scoliose, les pieds creux ou la cardiomyopathie

peuvent, dans certains cas, précéder les symptômes neurologiques de plusieurs années (Dürr et al.,

1996; Harding, 1981; Harding and Hewer, 1983). La grande fréquence et la précocité de la scoliose dans l’AF suggèrent qu’elle ne serait pas idiopathique, mais étroitement liée à l’atteinte neurologique

(Matthieu Anheim, communication personnelle). b) Progression de la maladie

Le tableau clinique de l’ataxie de Friedreich se complète dans les 5 à 10 ans suivant l’apparition des premiers symptômes, avec notamment le développement d’une dysarthrie (trouble de l’articulation de la parole), l’abolition des réflexes ostéotendineux, la présence de signes pyramidaux (signe de Babinski et faiblesse musculaire) et la perte de la sensibilité profonde au niveau des

membres inférieurs (tableau 1) (Harding, 1981). La plupart des patients perdent totalement leur

activité locomotrice dans les 10-15 ans qui suivent le début de la maladie, entrainant leur

confinement en fauteuil roulant (Harding, 1981; De Michele et al., 1996). D’autres signes

neurologiques, plus rares et plus tardifs, peuvent apparaître lors de la progression de la maladie, comme des anomalies du mouvement des yeux (ondes carrées, nystagmus, troubles de la poursuite), une diminution de la vision (atteinte du nerf optique), des problèmes auditifs (atteinte du nerf auditif)

et des troubles de la déglutition (tableau 1) (Harding, 1981).

La cardiomyopathie hypertrophique est une complication non neurologique majeure associée à

l’ataxie de Friedreich qui concerne environ 80% des patients (voir intro. point I-D-2) (Dürr et al., 1996;

Hewer, 1968; Koeppen, 2011; Tsou et al., 2011). Elle peut rester asymptomatique pendant de nombreuses années tout en continuant sa progression, car l’atteinte neurologique limite l’activité physique et donc les efforts cardiaques qui pourraient la révéler. Les manifestations cliniques de la

cardiomyopathie sont principalement un essoufflement et des palpitations (Dutka et al., 1999; Harding

and Hewer, 1983). Les complications cardiaques telles que l’arythmie et l’insuffisance cardiaque sont

responsables du décès prématuré de nombreux patients (Dürr et al., 1996; Hewer, 1968; Tsou et al.,

2011).

Les patients AF ont davantage de risques de développer une intolérance au glucose, voire un diabète. La proportion de patients concernés varie de 10 à 30% selon les études (voir intro. point I-D-3) (Delatycki et al., 1999a; Dürr et al., 1996; Harding, 1981; Hewer, 1968; De Michele et al., 1996). Cette variabilité est souvent imputée aux types de tests de dépistage utilisés, et à l’évolution des critères de diagnostic du diabète. Le diabète se déclare généralement tard dans l’évolution de la maladie (en moyenne 15 ans après les premiers signes) et souvent de façon brutale (acidocétose)

(Harding, 1981; Hewer, 1968; De Michele et al., 1996; Snyder et al., 2012).

Les capacités cognitives des patients AF ont été peu étudiées, notamment car l’atteinte neurologique complique leur évaluation et qu’elles semblaient globalement préservées. Des études récentes et plus approfondies ont révélé que malgré un quotient intellectuel normal, plusieurs aspects

cognitifs étaient affectés après une dizaine d’années d’évolution de la maladie (Mantovan et al., 2006;

difficultés à formuler des concepts ou encore à manipuler mentalement des objets en trois

dimensions (3D) (Klopper et al., 2011; Mantovan et al., 2006; Nieto et al., 2012). Par ailleurs, ils

auraient aussi des problèmes de mémoire de travail (aussi appelée mémoire à court terme) et des

troubles de l’attention (Klopper et al., 2011; Mantovan et al., 2006).

c) Pronostic

L’âge de décès est très variable. La valeur médiane de l’âge de décès des patients ayant développé une cardiomyopathie a été établie à 26 ans, contre 41 ans pour ceux qui n’en ont pas

(Dürr et al., 1996; Hewer, 1968; Tsou et al., 2011). La cause majeure de décès est un dysfonctionnement cardiaque avéré ou suspecté (62,3%), suivie de causes non cardiaques (infection

respiratoire, cachexie et fausse route par exemple) (27,9%) et de causes inconnues (9,8%) (Koeppen,

2011; Tsou et al., 2011). L’apparition précoce des symptômes et le développement d’une

cardiomyopathie sont deux facteurs associés à un pronostic défavorable pour le patient (Ribaï et al.,

2007a; Tsou et al., 2011).

Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement ni moyen prophylactique pour l’ataxie de Friedreich. Les dernières avancées dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie ont permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour lesquelles des traitements sont

actuellement à l’étude (Gottesfeld et al., 2013). Un autre espoir est aujourd’hui offert par la thérapie

génique pour le traitement de la cardiomyopathie, mais doit encore faire ses preuves chez l’homme

(Perdomini et al., 2014 in press). A défaut d’un traitement disponible, la prise en charge des problèmes neurologiques et cardiaques, du diabète et des déformations squelettiques permet de prolonger l’espérance de vie des patients et d’améliorer leurs conditions de vie.

3- Variabilité clinique

L’étude de grandes cohortes de patients a permis de mettre en évidence qu’environ 25% d’entre eux étaient des cas atypiques, présentant des symptômes qui dévient des critères de diagnostic classiques. La variabilité clinique observée porte sur des critères tels que : l’âge de début, la sévérité de la maladie, la conservation des réflexes ostéo-tendineux et la présence de spasticité

(hypertonie musculaire) (Dürr et al., 1996). Le diagnostic génétique a permis de confirmer que ces

formes atypiques étaient bien des variantes de l’AF classique, car dues à la mutation du même gène

(Filla et al., 1996; McCabe et al., 2000; Montermini et al., 1997a; Schöls et al., 1997). Suivant les cas, on parle de LOFA (Late Onset Friedreich’s Ataxia) voire de vLOFA (very Late Onset Friedreich’s Ataxia)

(De Michele et al., 1994), de FARR (Friedreich’s Ataxia with Retained Reflexes) (Coppola et al., 1999) et

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FIGURE 1 : Structure du gène FXN

Les sept exons qui composent le gène FXN s’étendent sur 85kb. Sa transcription se matérialise par un ARNm majoritaire de 1,3 kb correspondant aux exons 1 à 5a. Les échelles ne sont pas respectées.

Cent : centromère, qter : extrémité du bras long, traits en pointillés : épissage.

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1! 2! 3! 4! 5a! 5b! 6! 2! 3! 4! 5a! 9cen! 9qter! Transcrit de 1,3 kb! 1!

Région non codante! Région codante! Légende : !

1! Exon!

Intron! Epissage!