• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I Nanocomposites NTC-alumine

I.2 Étude bibliographique

I.2.2 Propriétés des nanocomposites massifs NTC-Al 2 O 3

I.2.2.2. c Ténacité

(i) Discussion sur la méthode de mesure

Il existe plusieurs techniques de mesure de la ténacité des matériaux. Les deux techniques les plus courantes, qui sont utilisées pour les nanocomposites NTC-céramique, sont la mesure par indentation et l’essai SENB (avec quelques variantes). Néanmoins, la mesure à partir de l’indentation, bien que très utilisée car très facile à mettre en œuvre, est souvent remise en cause. Dans le cas des céramiques, il a été montré que les résultats obtenus ne correspondaient pas forcément à ceux qui sont obtenus par d’autres techniques et étaient

souvent surestimés [110]. Dans le cas des nanocomposites NTC-Al2O3, la polémique a été assez vive à ce

sujet [12-14, 54, 90, 111]. En effet, Zhan et al. [12] ont mesuré par indentation une ténacité de 9,7 MPa.m1/2

pour un nanocomposite SNTC-Al2O3 à 10% vol. de SNTC, soit la multiplication par un facteur de presque 3

par rapport à leur alumine de référence. Cependant, Wang et al. [14] ont fabriqué un nanocomposite similaire en utilisant le même processus d’élaboration et ont mesuré, par essai SENB, une ténacité de seulement

3,3 MPa.m1/2. Ces auteurs ont surtout montré que ce nanocomposite présente une forte résistance aux

dommages de contact, de façon similaire à un nanocomposite graphite-alumine. Cette résistance, liée à des déformations anélastiques, au cours d’un impact limiterait fortement la formation de fissures. Cela fausserait donc considérablement les valeurs de ténacité calculées par indentation à partir de la mesure de la longueur des fissures. Dernièrement, Thomson et al. [13] (même équipe que Zhan et al. [12]) ont publié une étude dans laquelle la ténacité d’un nanocomposite avec 10% vol. de SNTC, mesurée par essai SENB, n’est que de

2,76 MPa.m1/2. Cette dernière publication confirme que la valeur de 9,7 MPa.m1/2 qui avait été obtenue

précédemment par indentation n’est pas valide. Cette technique ne doit donc pas être utilisée pour mesurer la ténacité des nanocomposites NTC-céramique.

(ii) Ténacité mesurée par méthode SENB

Les valeurs de ténacité (SENB) obtenues pour les alumines, élaborées comme référence dans les

41

plupart des cas, par rapport à l’alumine de référence, des augmentations de ténacité sont observées avec l’ajout

de NTC. Les valeurs maximales obtenues sont de 6,4 MPa.m1/2 lors de l’ajout de 2,2% vol. SNTC [47, 49] et

de 6,8 MPa.m1/2 lors de l’ajout de 4 [51, 52] ou 7% vol. de MNTC [17]. Si le taux d’augmentation par rapport

aux alumines de référence est quelquefois important (jusqu’à environ 100%), on peut cependant noter que ces valeurs sont inférieures ou égales à celles rapportées pour des alumines pures présentant une microstructure à

grains allongés (7,1 MPa.m1/2 [109] et 9,0 MPa.m1/2 [108]).

L’absence de renforcement observée pour l’ajout de 10 ou 5% vol. de SNTC ou DNTC par Wang et

al. [14] et Thomson et al. [13] résulte vraisemblablement de l’endommagement des NTC au cours du long co-

broyage (24 h). C’est d’autant plus probable que les images de MEB des fractures montrent des couches de faisceaux de NTC solidaires des joints de grains sans aucun NTC émergeant de la surface de fracture, contrairement à ce qui est observé pour les nanocomposites élaborés par d’autres méthodes. La méthode de mélange colloïdal, non agressive vis-à-vis des SNTC, permet à Fan et al. [47, 49] d’obtenir un nanocomposite

de ténacité 6,4 MPa.m1/2 (soit une augmentation de 100% par rapport à leur alumine de référence) avec

seulement 2,2% vol. de SNTC. Cependant, ces auteurs n’intègrent pas la probable évolution de microstructure de la matrice dans leur discussion.

Les nanocomposites (SNTC+DNTC)-Fe-Al2O3 dont les NTC ont été préparés par synthèse in situ des

NTC [1, 62, 67] présentent des ténacités supérieures aux alumines de référence. Mais ces matériaux

contiennent des quantités assez importantes de nanoparticules riches en élément Fe (-Fe, -Fe(C) ou Fe3C),

en position intra- et/ou intergranulaire, et leurs ténacités restent comparables ou inférieures à des

nanocomposites Fe-Al2O3 présentant les mêmes teneurs en fer [112, 113]. En conséquence, malgré des effets

de déchaussement des NTC ou faisceaux de NTC relevés sur les fractures, la contribution des NTC au renforcement n’est par clairement établie pour ces nanocomposites.

La ténacité la plus élevée pour des nanocomposites NTC-Al2O3 est de 6,8 MPa.m1/2. I. Ahmad et al.

[51, 52] associent cette augmentation de quasiment 100% à un renforcement des joints de grains du nanocomposite. Celui-ci est justifié par la mise en évidence par MEB et MET de NTC reliant plusieurs grains entre eux et par un mode de rupture intragranulaire alors que celui de l’alumine de référence est

majoritairement intergranulaire. La création d’une couche intermédiaire de Al2OC entre les NTC et l’alumine

a pu également limiter le déchaussement des NTC et ainsi augmenter la ténacité du nanocomposite. Il est aussi possible que la diminution de la taille de grains par un facteur de presque trois joue un rôle. Le nanocomposite

de ténacité 6,8 MPa.m1/2 élaboré par K. Ahmad et al. [17] contient non seulement 7% vol. de MNTC mais

également 0,1% vol. de SiC. La contribution des NTC est cependant avérée puisque le nanocomposite

SiC-Al2O3 de référence a une ténacité de 4,0 MPa.m1/2. Il est possible qu’un effet de synergie entre les deux

éléments renforçants conduise à cette valeur élevée de ténacité.

La ténacité de 5,9 MPa.m1/2 déterminée par Yamamoto et al. [42] avec un nanocomposite à seulement

0,9% vol. de MNTC est également intéressante car elle est associée à une contrainte à la rupture de 690 MPa. Ces valeurs élevées sont attribuables à un accrochage mécanique de la céramique aux MNTC grâce à la

42

technique d’élaboration choisie (fonctionnalisation des MNTC, mélange colloïdal des NTC et d’un précurseur d’alumine, frittage SPS).

Il est important de noter que l’ajout des NTC défavorise généralement la croissance des grains d’alumine au cours du frittage. Il en résulte une microstructure plus fine des nanocomposites, ce qui est également susceptible de modifier la ténacité de la matrice alumine. Cet effet indirect des NTC est donc difficile à discriminer de leur contribution directe aux mécanismes de renforcement. Les différents mécanismes rapportés dans la littérature, et observés à l’échelle microscopique, sont la déviation de fissures, le pontage de fissures et le déchaussement des NTC. Cependant, leur observation n’est pas toujours corrélée à un accroissement de ténacité. Récemment, Yamamoto et al. [114] ont montré que si la capacité de charge des MNTC n’était pas assez importante par rapport à la contrainte de cisaillement interfaciale, un déchaussement (suivi d’une rupture) des tubes concentriques du MNTC les uns par rapport aux autres est observé (mode « sword-in sheath ») plutôt qu’un déchaussement de l’ensemble du MNTC. Les contraintes de cisaillement

inter-tubes étant plus faibles que celles de l’interface MNTC-Al2O3, peu d’énergie est dissipée par ce type de

déchaussement et, à l’échelle macroscopique, les propriétés mécaniques ne sont finalement que faiblement augmentées. Cependant, Estili et al. [92, 115] ont montré que la capacité de charge et la résistance au cisaillement inter-parois des NTC pouvait être augmentées si les NTC sont incrustés et contraints par la matrice alumine. En effet, la différence de coefficient de dilatation thermique au cours du refroidissement du cycle de frittage induit des déformations élastiques en compression des NTC. Celles-ci créent des irrégularités dans les parois, augmentant ainsi la résistance au cisaillement inter-parois et permettant la dissipation de charge parmi les parois internes d’un NTC. La capacité de charge en traction de chaque NTC est ainsi améliorée. Cependant, malgré des résultats expérimentaux montrant de réelles augmentations de la capacité de charge et de la résistance inter-parois des NTC à l’échelle microscopique, les propriétés mécaniques des

nanocomposites MNTC-Al2O3 de ce groupe d’auteurs ne montrent quasiment pas d’augmentation de la

ténacité et de la charge à la rupture par rapport à leur alumine de référence [93].