Les soins médicaux en prison font partie des priorités nationales du fait de la structure même de ces lieux qui empêche la présence de spécialistes sur place pour soigner les détenus. Chaque intervention spécialisée requière des moyens non négligeables pour l’extraction du prisonnier vers le centre ad hoc avec l'accompagnement de plusieurs surveillants. La population carcérale représente en France des dizaines de milliers de patients potentiels (67738 écroués détenus en décembre 2013) (http://www.justice.gouv.fr) et la télémédecine paraît offrir des alternatives intéressantes. Une étude française s'est intéressée à la rétinographie pour les patients diabétiques en île de France dans différents centres, dont 2 prisons. En effet l'HAS recommande un fond d'œil annuel pour ces patients qui sont pourtant suivi dans seulement 40 à 60% des cas. Afin de pallier ce manque et offrir des soins fidèles aux recommandations ils ont livré des appareils de rétinographie dans ces unités et assuré une formation pour les membres de personnel non médical présents sur place (30). Des photos ont pu être prises chez les patients détenus et envoyés par connexion sécurisée vers le centre de lecture où travaillent des ophtalmologues. Cela a permis un dépistage augmenté de rétinopathie avec les réactions adaptées pour des patients mal desservis jusque là. L'adhésion au système était bonne et augmentait au fil des 5 années de l'étude. A New Mexico une autre étude montrait quant à elle que parmi les 6000 patients porteurs d'une infection par le virus de l'hépatite C détenus au centre carcéral aucun n'avait reçu de soins (31). Ils notent par ailleurs que 40% de la population de la prison était infecté, soit une proportion bien supérieure à la population générale et emmenant un intérêt d'autant plus important d'intervenir auprès d'eux. Ils ont alors mis en place un système de visioconférence reliant le service d'hépatologie à plusieurs petites unités rurales et 5 centres carcéraux afin d'assurer une télé- expertise et une téléformation aux équipes sur place pour promouvoir et assurer les soins nécessaires aux patients infectés par HCV. 407 patients ont été enrôlés dans l'étude et traité contre l'infection au HCV, dont 261 dans les sites à distance et 146 dans l'université de New Mexico. Le taux de réponse virologique a été de 58,2% dans le groupe de télémédecine et ne différait pas du groupe de soins habituels. On voit alors que des patients jusqu'ici non soignés ont pu bénéficier grâce à la télémédecine d'un traitement avec des résultats comparables à ceux administrés dans un centre spécialisé.
On voit à travers ces exemples que de nombreuses spécialités médicales ont su trouver un bénéfice à travailler avec les TIC en les adaptant à leurs pratiques et respectant les règles de déontologie. Ils montrent une accessibilité accrue à des soins répondant aux dernières recommandations en diminuant les inégalités liées à la situation géographique des patients. Ils permettent aussi une collaboration entre généralistes et spécialistes ne travaillant pas sur les mêmes sites et une continuité des soins là où cela n'était pas possible. Pour se faire la visioconférence est souvent utilisée et des systèmes informatiques de transfert sécurisé des informations sont mis en place. Le smartphone, de plus en plus répandu, est également mis à contribution dans certaines situations. Les limites mises en lumière dans ces cas semblent liées à l'accès aux nouvelles technologies qui représente des investissements financiers et d'organisation et dont l'utilisation n'est pas maitrisée par tous. L'investissement économique semble cependant bénéfique par la suite, d'autant plus que les coûts de matériel sont sans cesse en baisse. L’ensemble de ces avancées techniques et des modifications d'organisation du système de santé sont transposables à la psychiatrie. Nous verrons ensuite quelles peuvent en être les applications et perspectives.
C : La télémédecine en santé mentale
Pour étudier l’utilisation de la télémédecine en santé mentale nous avons à partir d’une revue de la littérature effectué un classement par pathologie. Des publications internationales ont montré la faisabilité et l'intérêt de l’utilisation de la télémédecine (32, 33, 34). Une description plus précise des expériences de télémédecine sur des populations ciblées nous paraissait intéressante. Il nous a fallu faire un tri parmi une multitude d'articles pour ne garder que ceux d'une qualité méthodologique suffisante. Nous avons ensuite recueilli des analyses médico-économiques sur le sujet puis évalué l'acceptabilité de ces méthodes et finalement résumé les guides de bonne pratique publiés jusque là.
I : Les différents troubles abordés
1 : La dépression
Une revue de la littérature concernant le soin de patients souffrant de dépression en utilisant les TIC a été publiée en 2010 et rapportait une équivalence de résultats de la visioconférence par rapport au face-à-face pour soigner ce trouble (35). Le niveau de preuve scientifique restait cependant insuffisant pour l'affirmer de manière absolue et les auteurs recommandaient la réalisation d'études complémentaires. On remarque que cet article dont le titre laisse entendre qu'il ne parle que de télémédecine s'attarde aussi sur les programmes d'auto-traitement par ordinateur qui ne font pas partie de notre définition.
Une étude de 2004 s'est attachée à comparer les soins de patients déprimés en visioconférence ou en consultation en face à face (36). Ils souhaitaient vérifier l'efficacité du traitement via cet outil par la réduction symptomatique, l'adhésion des patients, la satisfaction des 2 parties et le coût de ces thérapies. Il s'agissait d'une étude contrôlée, randomisée effectuée dans 3 centres médicaux du Maryland. La