• Aucun résultat trouvé

3. CUEILLETTE DES DONNÉES ET VARIABLES À L’ÉTUDE

3.1. Les instruments de mesures

3.1.1. La tâche de rappel de l’alphabet

Dans la majorité des études présentées précédemment, l’automatisation de la composante graphomotrice a été rendue opérationnelle en soumettant les scripteurs à une tâche d’écriture de l’alphabet de mémoire pour laquelle une mesure de fluidité est enregistrée. Cette tâche, initialement développée par Berninger et ses collaborateurs (Berninger et al., 1991; Berninger et al., 1992), évalue le développement de la fluidité graphomotrice en tant qu’indice de mise en place graduelle de l’automatisation. La fluidité graphomotrice, telle que mesurée par cette tâche, prend à la fois en compte la vitesse de rappel en mémoire du nom, de la forme et du programme moteur des lettres, la rapidité d’exécution motrice ainsi que certains éléments de précision des tracés.

Au fil de leurs travaux, des chercheurs en sont venus à identifier que parmi tous les types d’épreuves d’évaluation de la composante graphomotrice, la tâche de l’écriture de l’alphabet de mémoire, et plus précisément sa mesure de la fluidité graphomotrice, s’avérait être la plus contributive à l’explication de la variance de la longueur et de la qualité des textes (Berninger et Graham, 1998; Berninger et Hayes, 2012; Medwell, Strand et al., 2007, 2009). En fait, cette tâche semble être celle qui s’apparente le mieux aux traitements graphomoteurs dans lesquels s’engage l’élève lors de l’activité de rédaction.

Pour des raisons méthodologiques, plusieurs chercheurs ont modifié légèrement l’épreuve originale pour pouvoir plus facilement l’administrer en groupe

(Christensen, 2009; Medwell, Strand et al., 2007, 2009). Tel a été le cas dans l’étude de Morin et al. (2012) dans le cadre de laquelle ont été collectés les échantillons d’écriture de l’alphabet qui ont été utilisés pour la présente recherche. C’est donc à partir de cette épreuve d’écriture de l’alphabet de mémoire que nous avons isolé les variables nous permettant de mesurer les habiletés graphomotrices de notre échantillon.

3.1.1.1 Les consignes et le matériel. Lors de l’administration de la tâche de l’alphabet

de mémoire par Morin et al. (2012), la consigne a été donnée aux élèves d’écrire le plus de lettres minuscules de l’alphabet en une minute, dans l’ordre, avec le style d’écriture de leur choix. Il leur était précisé que s’ils ne se souvenaient plus d’une lettre, de ne pas perdre de temps et de passer à la suivante. Il leur était également indiqué que s’ils terminaient d’écrire les lettres minuscules avant le signal d’arrêt, ils devaient continuer d’écrire en reprenant l’alphabet au début. Un crayon-feutre noir était utilisé, et les enfants écrivaient sur une feuille non lignée. Les consignes données à l’expérimentateur pour cette tâche figurent à l’annexe A.

3.1.1.2 Élaboration des grilles de correction. La fluidité graphomotrice mesurée à

partir de la tâche de l’alphabet de mémoire s’exprime par le nombre de lettres lisibles produites en une minute. Pour faire partie du décompte, tel que l’indique Medwell, Strand et al. (2007), les lettres doivent être reconnaissables en dehors du contexte de la lecture de l’alphabet. Ces chercheurs précisent que les lettres omises, inversées (ex.: « b » et « d ») ou renversées (ex.: « u » et « n ») doivent être considérées comme non reconnaissables. Il en est de même pour les lettres produites en majuscule plutôt qu’en minuscule. Christensen (2005) précise, quant à elle, que les lettres doivent être produites dans la bonne séquence sinon elles doivent être considérées comme des substitutions et jugées non reconnaissables. De plus, cette chercheuse ajoute que pour être identifiées comme reconnaissables, les lettres doivent être formées adéquatement.

80

Néanmoins, bien que Christensen (2005) et Medwell et Strand et al. (2007), qui ont modifié la tâche de l’alphabet pour une passation en groupe auprès d’élèves australiens ou anglais, rapportent une très bonne fidélité interjuge (Pearson product r = 0,98 et 0,99) de leur instrument de mesure, ces études ne fournissent malheureusement pas d’échelles et de critères afin de juger de manière objective de la reconnaissance des lettres. Nous n’avons donc pas pu adopter leurs grilles de correction dans le contexte de la présente recherche. De plus, Karlsdottir (1997) avance qu’il est important d’éviter de juger de la lisibilité des lettres avec un instrument de mesure qui n’a pas été spécifiquement conçu en fonction des modèles de lettres (ou graphies) qui ont été enseignés à la population ciblée par l’étude. Conséquemment, dans le but d’assurer une meilleure validité interne et externe à la recherche, il a été décidé de construire des grilles de correction de la lisibilité des lettres scriptes et cursives, adaptées aux modèles (graphies) de lettres les plus couramment enseignées dans les écoles québécoises. Ces modèles sont présentés en guise de référence à l’annexe G11. Pour élaborer nos grilles de correction, nous nous sommes inspirés de quelques études (Christensen, 2005; Jones et Christensen, 1999; Medwell et Strand et al., 2007) et de l’outil Evaluation Test of Children’s

Handwriting (ETCH) (Amundson, 1995), lequel est une évaluation critériée de

l’écriture scripte et cursive utilisée à la fois en clinique et en recherche (Albaret, Soppelsa et al. 2013) ayant été développé et standardisé auprès d’une population américaine.

11 Le Programme de formation de l’école québécoise (Gouvernement du Québec, 2001) actuellement en vigueur ne suggère pas de graphie ou de modèle de lettres aux enseignants. Les grilles de correction que nous avons construites sont basées sur les recommandations de la version antérieure du programme de français, puisque depuis ce temps, les pratiques scolaires au regard des modèles de lettres enseignés dans les écoles québécoises sont demeurées assez semblables. C’est d’ailleurs ce que nous avons pu constater en analysant différents cahiers publiés dans les dernières années par différentes maisons d’édition de matériel scolaire et couramment utilisés dans les classes de première et deuxième années. Les seules variantes résident dans de légères différences au niveau des traits d’entrée des lettres cursives.

À la lumière de ce qui précède, les paramètres et critères de correction de la lisibilité des lettres scriptes et cursives qui ont été retenus pour l’élaboration de nos grilles de correction sont les suivants:

1. Lettre non reconnaissable: la lettre ne peut être identifiée facilement et rapidement en dehors du contexte et du premier coup d’œil.

2. Problème de formation: la lettre montre une pauvre formation, présente une distorsion ou une rotation qui nuit à son identification facile et rapide.

3. Lettre confondante: la lettre est tracée d’une manière qui porte à confusion avec une autre lettre, un groupe de lettres ou un chiffre.

4. Inversion ou renversement: la lettre est inversée (ex.: « b » et « d ») ou renversée (ex.: « u » et « n »).

5. Majuscule: la lettre est écrite en caractère majuscule. Il faut noter cependant que les lettres qui ont la même forme en minuscule et en majuscule n’ont pas été pénalisées en raison de la difficulté à juger seulement à partir de la taille des caractères, d’autant plus que l’épreuve était réalisée sur un support sans lignage. Tel est le cas des lettres: « c, k, o, p, s, u, v, w, x, z » en écriture scripte. En

écriture cursive, il a été décidé de ne pas pénaliser pour ce type d’erreur le « c » et le « u ».

6. Lettre incomplète ou ouverte: certaines parties de la lettre ont été omises (lettre incomplète) ou ne sont pas fermée empêchant une identification facile et rapide de la lettre.

7. Lettre retracée ou comportant des traits en trop: la lettre présente un ou des traits additionnels, une ou des parties additionnelles, un retraçage ou une rature, qui nuisent à son identification facile et rapide.

82

8. Superposition: les lettres adjacentes peuvent se toucher, mais elles ne doivent pas être superposées. Dans le cas où une lettre qui inclut jambage inférieur qui se superpose au jambage supérieur d’une lettre écrite sur la ligne en dessous, les deux lettres sont jugées illisibles.

9. Omission: la lettre a été omise.

10. Substitution: la lettre a été remplacée par une autre.

Aussi, en raison de la consigne de la tâche qui laissait le choix du style d’écriture à l’élève, nous avons choisi de ne pas pénaliser la confusion entre une lettre produite en script et une lettre produite en cursif.

À partir de ces paramètres, les deux grilles de correction munies d’exemples de lettres provenant des échantillons des participants ont été construites: une pour l’écriture scripte et l’autre pour l’écriture cursive. Nous avons fait le choix d’y inclure, pour chacune des lettres, quelques exemples correspondant à chacun des types d’erreurs séparément même si certaines lettres peuvent parfois se qualifier pour plus d’un type d’erreur. Ces grilles figurent aux annexes B et C.

3.1.1.3 Procédures de correction et calcul des scores graphomoteurs. En se basant

sur les deux grilles construites, chacune des lettres écrites par les enfants a été jugée reconnaissable (lisible) ou présentant une limite de lisibilité. Comme proposé par le ETCH (Amundson, 1995), pour effectuer la cotation de chaque lettre, l’évaluateur devait isoler celle-ci du contexte de l’écriture de l’alphabet, soit à l’aide de ses doigts, soit à l’aide d’une cache en carton. Pour chacune des lettres, un point a été octroyé si celle-ci était jugée reconnaissable hors contexte et aucun point n’était attribué si une limite de lisibilité était identifiée. Dans le second cas, le type d’erreur le plus représentatif nuisant à la lisibilité parmi les dix choix était identifié. Parfois, les lettres étaient à la fois ouvertes, mal formées et confondantes. Tel était le cas par exemple d’un « a » minuscule en script tracé avec un trait ouvert (ex.:« » ) qui peut être

confondu avec un « u » minuscule. Pour identifier l’erreur la plus représentative, les critères de lisibilité ont été jugés dans l’ordre suivant: lettre confondante, lettre ouverte, erreur de formation. Aussi, pour qu’une lettre soit jugée non reconnaissable, elle ne devait correspondre à aucun autre des types d’erreurs. Finalement, un exemple de la feuille de cotation de la tâche de l’alphabet figure à l’annexe D.

À la suite de l’octroi du pointage pour chaque lettre, les trois scores détaillant les habiletés graphomotrices des participants ont été calculés, soit: le pourcentage de lisibilité (nombre de lettres lisibles écrites/le nombre total de lettres écrites), la vitesse (nombre total de lettres écrites en une minute) et finalement, la fluidité, c’est-à-dire le nombre de lettres lisibles écrites en une minute. De plus, à partir de cette procédure, le niveau de lisibilité de chacune des lettres a pu être établi ainsi qu’un inventaire des types d’erreurs.

3.1.1.4 Fidélité interjuge des grilles de correction et procédures de cotation. Afin de

s’assurer d’une plus grande objectivité dans l’identification des lettres lisibles et celles qui présentent une limite de lisibilité, avant la correction de l’ensemble des échantillons d’écriture de l’alphabet, des pourcentages d’accord interjuge ont été calculés pour chacune des grilles (scripte et cursive). Le chercheur principal de l’étude a d’abord présenté les grilles et corrigé 20 échantillons (moitié en écriture scripte et moitié en cursive) avec une étudiante de deuxième année en ergothérapie, qui agissait ici à titre d’assistante de recherche. Ensuite, 20 autres échantillons ont été corrigés séparément et leurs résultats ont été comparés pour que les deux évaluateurs arrivent à un consensus. Puis finalement, 60 échantillons (moitié script, moitié cursif) ont été corrigés de manière indépendante. C’est à partir de ces derniers qu’un pourcentage d’accord interjuge de 95 % a été identifié tant pour la grille scripte que celle cursive. Sur un total de 818 lettres scriptes corrigées, 780 lettres ont été identifiées avec la même cotation par les deux évaluateurs alors que sur 688 lettres écrites en cursif, 654 ont obtenu le même score.

84

Documents relatifs