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1.6. Le remodelage de la chromatine comme source potentielle de mutations

1.6.4. Systèmes de réparation disponibles

Puisqu’il y a formation apparente de cassures dans l’ADN des spermatides aux étapes de remodelage de la chromatine, que la protéine de réparation TDP1 est présente à ces stades

et que ce remodelage de la chromatine se produit en contexte haploïde, cette transition topologique de l’ADN pourrait constituer une source de nouvelles mutations dans l’ADN. En effet, le système de réparation canonique connu pour produire une réparation fidèle, soit la recombinaison homologue (HR) n’est pas applicable dans un tel contexte cellulaire, puisqu’aucun ADN matrice n’est disponible. Ainsi, seuls les systèmes de réparation connus pour faire des erreurs peuvent être actifs. Jusqu’à maintenant, ni l’identité du système de réparation, ni son mécanisme d’action n’ont été décrits.

1.6.4.1. Système de réparation des cassures bicaténaires chez les mammifères

Jusqu’à présent, deux principaux systèmes de réparation des cassures bicaténaires ont été décrits chez le mammifère, soit la réparation par recombinaison homologue (homologous

recombination, HR) et la réparation par jonction terminale non-homologue classique

(classical non-homologous end joining, NHEJ). De plus, de récentes évidences suggèrent la présence de 3 systèmes alternatifs, soit la réparation par appariement simple brin (single-

strand annealing, SSA), la jonction terminale par microhomologie ou micro-SSA (micro- homology mediated end joining, MMEJ) et la jonction terminale non-homologue alternative

(alternative non-homologous end joining, Alt-NHEJ) (Bhargava et al., 2016; Decottignies, 2013). Le choix du système de réparation se produira en fonction du contexte cellulaire pendant lequel la cassure est induite. La réparation par HR ne se produira qu’en phase S/G2 du cycle cellulaire puisque celle-ci nécessite la présence de la chromatide-sœur qui agira comme matrice pour produire une réparation dite « fidèle ». Dans les autres phases du cycle cellulaire, il est suggéré que la réparation par c-NHEJ est favorisée et il n’est pas encore clair dans quel contexte les mécanismes alternatifs seront utilisés. Il a récemment été suggéré que la c-NHEJ ne nécessiterait pas de préparation préalable des extrémités libres d’ADN (end-resection) et que lorsque celle-ci se produirait, les systèmes alternatifs seraient favorisés (Bhargava et al., 2016). Aussi, l’état de la chromatine dans laquelle la cassure se produit ainsi que sa localisation dans le noyau cellulaire peuvent influencer le choix du système de réparation (Aymard et al., 2014; Ryu et al., 2015). Ce choix semble aussi finement régulé par des modifications post-traductionnelles sur plusieurs protéines impliquées dans la reconnaissance des cassures bicaténaires ou la préparation des

extrémités à réparer (Himmels et Sartori, 2016). Les différents systèmes utilisent des protéines distinctes, telles que répertoriées dans le Tableau 4.

Tableau 4. Principales protéines impliquées dans les différents systèmes de réparation des cassures bicaténaires chez le mammifère.

Fonction HR SSA MMEJ c-NHEJ Alt-NHEJ

Reconnaissance MRN MRN MRN MRN KU70/80 MRN Préparation des extrémités MRE11, EXO1 CtIP, RPA MRE11, EXO1, CtIP, RPA ? 53BP1 (inhibe) CtIP Hybridation/ stabilisation des extrémités RAD51, RAD52 BRCA1/2, RAD54, PALB2

RAD52 RAD52 PRKDC (DNA-

PKcs) PARP1 Dégradation des extrémités N/A ERCC1, XPF ? N/A ERCC1, XPF

Polymérase POLD1 ? ? POLM, POLLA POLQ

Ligase LIG1 LIG3?,

XRCC1? LIG3, XRCC1? LIG4, XRCC4, XLF LIG1 Références Makharashvili et Paull, 2015; Maloisel et al., 2008 Bhargava et al., 2016; Makharashvili et Paull, 2015 Decottignies, 2013 Chiruvella et al., 2013 Bhargava et al., 2016; Lu et al., 2016

Chacun des systèmes de réparation présents chez les mammifères peut produire différents types de mutations si leur activité est altérée (pour une revue de littérature, voir Kim et al., 2016). Brièvement, la HR, puisqu’elle utilise une matrice d’ADN, s’avère la moins mutagène. Par contre, lorsqu’une cassure bicaténaire se produit dans une séquence hautement répétée, il arrive que des événements de recombinaisons homologues se produisent en utilisant des séquences répétées non-alléliques comme matrice, appelés recombinaison homologue non-allélique (non-allelic homologous recombination, NAHR), produisant des gros réarrangements chromosomiques, comme des translocations, des délétions et des conversions. La réparation par SSA, puisqu’elle utilise des répétitions longues en tandem comme source d’homologie, produit inévitablement la délétion de la séquence d’ADN présente entre les régions répétées. Aussi, si l’événement de SSA se produit entre deux chromosomes, il se produira une translocation. La réparation par MMEJ utilise une très

courte séquence d’homologie entre les deux extrémités pour stabiliser la cassure, donc produit de petites délétions. Comme pour la SSA, si l’événement de réparation se produit entre deux chromosomes, une translocation sera produite. Concernant la réparation par Alt-NHEJ, bien qu’encore controversée, elle pourrait impliquer la synthèse de microhomologies aux extrémités à réparer par la polymérase thêta, produisant inévitablement de petites insertions au site de réparation (Decottignies, 2013; Simsek et al., 2011). Enfin, lors de la réparation par c-NHEJ, seules des translocations pourraient se produire lorsque deux chromosomes sont impliqués dans la réparation puisque, en théorie, elle ligue directement les extrémités d’ADN libres sans les modifier. Par contre, il se peut qu’une certaine modification des extrémités se produise par des nucléases ou des polymérases avant que la NHEJ se produise et de petites insertions et délétions seraient alors créées.

Dans le contexte du remodelage de la chromatine des spermatides, une activité ADN polymérase a été montrée dans les noyaux des spermatides en élongation, aux étapes 9 à 13, coïncidant avec le remodelage de la chromatine, la présence de la topoisomérase IIβ et de TDP1 ainsi que du marqueur de cassure bicaténaire γH2AFX (Leduc et al., 2008). Puisque cette transition génomique se produit en phase haploïde et qu’aucune chromatides-sœurs ne sont disponibles pour la réparation par HR et que les systèmes de réparation apparemment disponibles (SSA, MMEJ, c-NHEJ et Alt-NHEJ) sont connus pour faire des erreurs, cette étape de la spermatogenèse constitue une source potentielle de nouvelles mutations qui n’a pas encore été investiguée (Annexe 3.4, Grégoire et al., 2013).

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