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Chapitre I : Qualité de la viande bovine

V. Le déterminisme de la tendreté

V.4. Les systèmes protéolytiques

Le processus de protéolyse intervenant lors de la phase de maturation joue un rôle clé dans la

mise en place de la tendreté. Une hypothèse a été avancée l’attendrissage de la viande serait

dû aux activités synergiques des enzymes protéolytiques endogènes dans le muscle (Ouali,

1992). Les systèmes protéolytiques musculaires comprennent les Calpaïnes (calcium

dépendantes) (Huff-Lonergan and Lonergan, 2005; Koohmaraie and Geesink, 2006), les

Cathepsines (protéines lysosomiales), les protéasomes, les métallopeptidases (Matrix

Metallopeptidases ou MMPs) et les sérines peptidases (Ouali et al., 2006).

Les Calpaïnes

Ce sont des peptidases à Cystéine calcium-dépendante, formant un groupe de peptidases

intracellulaires important (Goll et al., 2003). Cette famille a été très étudiée dans la recherche

agronomique sur la viande pour son implication dans le processus protéolytique de la

maturation des viandes (Koohmaraie and Geesink, 2006).

Les Calpaïnes les plus étudiées sont les µ-Calpaïnes (actives à des concentrations en calcium

de l’ordre du µm) et la m-Calpaïne (active à des concentrations en calcium de l’ordre du

mM). Les µ et m-Calpaïnes sont ubiquitaires. Ce sont des hétérodimères comportant deux

sous-unités : une sous-unité catalytique de 80 kDa, responsable de l’activité peptidase, unique

pour chaque enzyme, et une sous-unité de 30 kDa régulatrice commune à toutes les Calpaïnes.

Les µ-Calpaïnes ont une activité optimale à pH physiologique. Après abattage, l'accumulation

de Ca

2+

dans le sarcoplasme du muscle active les µ-Calpaïnes qui déstabilisent la structure du

muscle par la dégradation des protéines myofibrillaires, y compris la Titine, la Filamine, la

Troponine-T et la Desmine (Hopkins and Taylor, 2004; Huff-Lonergan and Lonergan, 1999).

Après cette activation, la µ-Calpaïne s’autolyse progressivement et finalement devient

inactive (Maddock et al., 2005). Une chute du pH musculaire post-mortem limite aussi

l’activité des µ-Calpaïnes. L’activité de ces dernières est également modérée par l’enzyme

inhibitrice la Calpastatine (Goll et al., 2003). En se fixant sur les sous-unités régulatrices et

catalytiques, sous la dépendance des ions calcium, les Calpastatines inhibent l’action des

Calpaïnes (Dargelos et al., 2008). Plusieurs études ont rapporté une corrélation positive entre

l’activité des Calpastatines et la dureté de la viande (Kemp et al., 2010 ; Kemp and Parr,

2012) avec un retard de l’attendrissage de la viande suite à l’augmentation du rapport

Calpastatine/Calpaïne (Koohmaraie et al., 1991).

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Les Cathepsines

Les Cathepsines sont des protéases qui tiennent une place importante dans la dégradation

des protéines par le lysosome. Elles forment une famille d’au moins onze membres. L’activité

des Cathepsines B, H et L serait corrélée à la tendreté (Thomas et al., 2004). Localisées dans

les lysosomes, elles sont actives à pH allant de 3 à 6 (Etherington and Sims, 1981). Leur

activité est contrôlée par leurs inhibiteurs spécifiques, les Cystatines. Le rapport

Cathepsines/Cystatines est un bon indice de l’activité des enzymes.

L’activité des Cathepsines ne peut pas expliquer la variabilité de la tendreté. Toutefois,

lorsque le pH musculaire post-mortem chute, les membranes lysosomales deviennent de plus

en plus déstabilisées, entraînant ainsi la libération des Cathepsines dans le sarcoplasme

favorisant l’hydrolyse des protéines myofibrillaires (Lomiwes et al., 2012). L’activité des

Cathepsines a été associée à la déstabilisation de la strie Z (Ouali and Talmant, 1990) et à

l’hydrolyse de la Titine et la Troponine T (Zeece and Katoh, 1989).

L’activité des Cathepsines ne permet pas d’expliquer la variabilité de la tendreté,

contrairement à celle des Calpaïnes. Toutefois, tout comme le rapport Calpaïne/Calpastatine,

le rapport Cathepsines/Cystatine pourrait constituer un marqueur de la tendreté. L’étude de

(Thomas et al., 2004) a montré un rôle des Cathepsines D, B, L et H dans la mise en place de

la tendreté. D’une manière plus générale, les changements de la structure myofibrillaire lors

de la protéolyse ne peuvent être expliqués par un seul système protéolytique. Une action

synergique des Calpaïnes et des Cathepsines est envisagée lors de la phase de maturation.

Les protéasomes

Les protéasomes sont des complexes enzymatiques multiprotéiques ubiquitaires. Dans les

cellules eucaryotes, ils se trouvent dans le noyau, le cytosol et associés au réticulum

endoplasmique (Peters, 1994). Les protéasomes ciblent les protéines mal repliées, dénaturées

ou obsolètes pour les dégrader par protéolyse. La dégradation protéasomale est un élément

essentiel de nombreux processus cellulaires, notamment le cycle cellulaire, l'expression

génétique et la réponse au stress oxydatif (Lodish et al., 2004).

Le protéasome 20S, complexe de 700 kDa, est le cœur protéolytique des différentes formes de

protéasome. Il possède plusieurs activités catalytiques : activité chymotrypsine, trypsine et

peptidyl-glutamyle (Sentandreu et al., 2002). Le protéasome 20S seul peut hydrolyser de

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petits peptides et certaines protéines dépliées toutefois il ne peut pas dégrader de véritables

substrats poly-ubiquitylés, pour lesquels il a besoin du protéasome 26S. Ce complexe 26S est

constitué d’une sous-unité régulatrice (19S) et d’un complexe multi-catalytique (20S)

(Dahlmann et al., 2001). Le protéasome 20S joue un rôle important dans la protéolyse non

lysosomiale en causant une dégradation des disques M et Z. Il dégraderait plus précisément la

Troponine C et les chaînes légères de Myosine. Sa concentration dans les fibres oxydatives est

plus importante que dans les fibres glycolytiques. Il serait donc un acteur important de la

protéolyse des stries Z dans les fibres oxydatives lors de la maturation.

Matrice metallopeptidases

Les métallopeptidases « Matrix Metallopeptidases : MMPs » forment une grande famille de

metalloendopeptidases à zinc, impliquées dans le catabolisme du tissu conjonctif. Dix-huit

MMPs, d’un poids moléculaire allant de 25 à 75 kDa ont été identifiées (Sentandreu et al.,

2002). Chaque membre de la famille des metalloendopeptidases est doté d’une fonction

spécifique. Elles sont impliquées dans la dégradation de la matrice extracellulaire et jouent un

rôle important dans l’embryogenèse et dans le remodelage tissulaire (Balcerzak et al., 2001).

La plupart des MMPs sont sécrétées sous une forme inactive. L’activité de ces MMPs est

contrôlée par l’activation de leurs précurseurs et par l’interaction avec leurs inhibiteurs. Il

existe plusieurs isoformes d’inhibiteurs de MMPs, ayant plusieurs degrés de glycosylation.

L’expression des MMPs et de leurs inhibiteurs serait dépendante du type de fibre musculaire.

Leur fonction précise dans la dégradation du tissu conjonctif est encore inconnue, mais les

MMPs sont capables de dégrader les fibres de collagène (Balcerzak et al., 2001). Etant donné

que le collagène ne subit que peu de changements durant la maturation, les MMPs ont été peu

étudiées. Les MMPs et leurs inhibiteurs auraient un rôle dans l’apoptose (pour revue

de(Guillemin et al., 2009).

Peptidase à sérine

Elles forment un grand groupe d’enzymes protéolytiques dont les plus connues sont les

peptidases digestives (trypsine, chymotrypsine) et les thrombines, plasmines (Sentandreu et

al., 2002). La présence des peptidases à sérine a été rapportée dans les muscles squelettiques.

Elles auraient un rôle dans la régulation du métabolisme et de l’homéostasie des cellules

musculaires. Des peptidases à sérine sont présentes également dans la matrice extracellulaire.

Les inhibiteurs de peptidases à sérine forment une famille complexe dont la plus importante

  

   

 

 

 

 

 

 

Figure 8. Les différentes phases de l’évolution de la dureté du muscle au cours du

temps après l’abattage

A. Vision en 1991

L’impact de la mort cellulaire dans la mise en place de la tendreté n’est pas encore évoqué.

B. Vision en 2006

L’étape précoce de la mort cellulaire a un rôle prépondérant dans la mise en place de la

tendreté alors que les systèmes protéolytiques connus ne sont pas encore initiés.

Adapté de Ouali A. (1991 et 2006)

1991

2006

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est la famille des serpines (Péré Brissaud, 2012). Cette famille comprend la plus grande

famille des inhibiteurs de protéase identifiés à ce jour, ayant plus de 3000 membres (Olson

and Gettins, 2011). Les serpines régulent des mécanismes comme la coagulation, l’apoptose

et l’inflammation.

En conclusion, les protéases jouent ainsi un rôle critique dans l’établissement de la tendreté.

La première étape de l’attendrissage de la viande serait due à la µ-Calpaïne dont l’activité

diminue avec la chute du pH. Les Cathepsines dont l’activité est optimale à pH acide

prennent alors le relais pour hydrolyser les protéines myofibrillaires. D’autres protéases

endogènes sont aussi impliquées dans l’attendrissage de la viande soit par une hydrolyse

directe des protéines myofibrillaires, soit par la régulation des processus biochimiques

associés. Parmi ces protéases se trouvent les protéasomes, les matrice métallopeptidases et

les peptidases à serine (Kemp et al., 2010 ; Ouali et al., 2006) . Cependant les activités

protéolytiques et fonctionnelles de ces enzymes dans le muscle post-mortem ne sont pas

clairement caractérisées. D’une manière générale, l’efficacité d’action de ces systèmes

protéolytiques constitue un bon indice de la mise en place de la tendreté (rapidité, amplitude).

Plus précisément, c’est le rapport enzyme / inhibiteur qui est déterminant pour la protéolyse

lors de la maturation.

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