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5.3 U1 n’est pas tout seul

6.1.1 Le système d’imagerie

Pour appréhender l’ARN U1 sur une RNAPII active, nous ne pouvions pas utiliser la biochi-mie. Il fallait trouver un moyen d’accéder à la RNAPII en cours de transcription sans pour autant perturber ses associations. Pour cela, nous avons utilisé un système d’imagerie mis au point par

Xavier Darzacq et Yaron Shav-Tal dans le laboratoire de Robert Singer à New-York [62, 131]. Ce

système consiste en l’insertion en multiples copies d’un gène à un endroit unique du génome. Les copies insérées en tandem forment alors un gigantesque site de transcription (figure 6.1). Ce site de transcription est visible en microscopie à fluorescence par FISH (Fluorescence In Situ Hybridi-zation) : des oligonucléotides fluorescents dirigés contre l’ARNm produit permettent de visualiser les ARNs et donc leur site de production. En utilisant des sondes contre des parties exoniques ou introniques ou encore des jonctions d’exons, on peut observer l’ARN pré-mature et l’ARN mature. Ce site est également une cible sur laquelle on peut regarder la présence ou l’absence d’autres molécules, par FISH pour les acides nucléiques, par immunofluorescence pour les protéines.

Le système comprend le gène tronqué de laβ-globine, fusionné au gène de la protéine

rescente cyan (CFP) comprenant un tripeptide qui dirige les protéines aux péroxysomes. La fluo-rescence de la CFP dans les péroxysomes permet de vérifier la bonne traduction de la protéine. Le gène se termine par des répétitions MS2. Ces séquences MS2 proviennent du bactériophage et n’interfèrent ni n’interagissent avec les composants cellulaires et ont la capacité de se lier for-tement aux protéines MS2. Lorsqu’elles sont transcrites dans l’ARNm, elles se replient en deux boucles et lient spécifiquement des dimères de protéines MS2 fluorescentes. Par exemple, s’il y a 24 répétitions MS2 insérées dans le gène (comme ici), la molécule d’ARN est théoriquement liée à 48 protéines MS2. Ce faisant, le signal est très fort et fournit un rapport élevé de signal sur bruit [280, 93]. Ce gène est sous le contrôle d’un promoteur minimal CMV fusionné à sept répétitions du promoteur inductible Tet-on. Le Tet-on est un système dérivé lui-même du système Tet-off où la protéine tTA (Activateur Transcriptionnel en réponse à la tétracycline ou tetracycline-responsive transcriptional activator) est une protéine de fusion entre la protéine répressive tet, dérivée d’Es-cherichia coli, et le domaine d’activation VP16 du virus herpes simplex. Dans le cas du Tet-off,

la transcription est réprimée en présence de tétracycline [105]. Dans le système Tet-on, la

pro-téine rtTA (Activateur transcriptionnel inverse en réponse à la tétracycline ou reverse tetracycline-responsive transcriptional activator) a été créée en modifiant quatre acides aminés dans la pro-téine tTA. Cette propro-téine rtTA se lie à l’élément de réponse au tet et induit la transcription en

pré-sence de tétracycline [106, 211]. Dans les expériences présentées, la tétracycline a été remplacée

par la doxycycline.

De cette observation est née la question de savoir ce qui se passait sur une RNAPII active en cours de transcription et dans un contexte où l’épissage est très réduit. Pour savoir si la snRNP U1 était requise dans le contexte transcriptionnel avec ou sans épissage, j’ai modifié ce système de sorte à avoir deux constructions similaires dont la seule différence provient de l’absence ou pré-sence d’épissage (figure 6.2 A). Pour parvenir à cela, l’intron 1 a été muté ponctuellement sur un nucléotide dans les deux constructions afin d’être dans la phase ouverte de lecture. La

construc-tion standard comprend donc 2 exons de laβ-globine, séparés d’un intron. La construction

mu-tante « MUT » comporte en plus trois mutations ponctuelles, deux sur le site 5’ss et une sur le site 3’ss, qui invalident l’épissage (figure 6.2 C). Les constructions ont été transfectées dans des cellules U2OS afin de créer des lignées stables. In vivo, l’ARNm « non épissé » ne subit pas d’épissage dû

6.1. La technique utilisée 119

à des sites cryptiques, comme on peut le constater par western blot et on peut vérifier la bonne traduction de la protéine par le signal CFP dans les péroxysomes (figure 6.3). Un marquage FISH

des exons (exon 1 de laβ-globine ou MS2) permet de visualiser les ARNs pré-matures et matures.

Un marquage FISH de l’intron ne permet d’observer que les ARNs pré-matures, pas encore

épis-sés. Dans la lignée WT.α1.A9B41 (WT), on voit le marquage exonique très fort au niveau du site

de transcription et plus dispersé dans le noyau et dans le cytoplasme (figure 6.3). Dans la lignée MUT.t2.5A (MUT), on a une image similaire. De même le marquage intronique marque le site de transcription avec un signal très fort mais les ressemblances s’arrêtent là entre les lignées. En effet, le signal intronique disparaît très vite en-dehors du site de transcription dans la lignée WT alors qu’il demeure présent partout dans le noyau et dans le cytoplasme dans la lignée MUT, comme le signal exonique. L”imagerie est en corrélation avec les données biochimiques : l’ARNm de la lignée MUT n’est pas épissé. Dans la lignée WT, puisque l’intron n’est visible qu’au site de transcription, il doit donc être rapidement dégradé. L’épissage dans la lignée WT est donc cotranscriptionnel.

Nous avons deux moyens à notre disposition pour visualiser les sites de transcription : le FISH sur l’ARNm ou la protéine MS2 fluorescente. Quand cela a été possible, j’ai toujours privilégié le FISH car il est plus facile à mettre en œuvre. Lorsque cela a été nécessaire, une transfection transi-toire MS2-YFP a été réalisée sur les lignées. La protéine MS2-YFP a été utilisée à chaque fois qu’une immunofluorescence devait être menée et dont l’anticorps ne supportait pas le traitement préa-lable du FISH. Aucune différence de résultats n’a été observée entre les deux méthodes.

prom oteu r ne RNAPII MS2 YFP MS2 YFP MS2 YFP

Figure 7. Insertion multicopies dans le génome des cellules U2OS.

Les constructions géniques sont insérées en tandem en un seul endroit dans le génome de cellules U2OS possédant le répresseur Tet-On. les protéines MS2-YFP reconnaissent les séquences MS2 sur les ARNs. A la place de ces protéines fuorescente, on peut utliser des oligonucléotides fluorescents s'hybridant avec les séquences choisies.

rtTA : Activateur transcriptionnel inverse en réponse à la tétracycline dox : Doxycycline rtTA rtTA rtTA rtTA dox dox dox dox

FIGURE6.1 – Insertion multicopies dans le génome des cellules U2OS. Les constructions géniques sont insérées en tandem en un seul endroit dans le génome de cellule U2OS possédant le répres-seur Tet-On. Les protéines MS2-YFP reconnaissent les séquences MS2 sur mes ARNs. A la place de ces protéines fluorescentes, on peut utiliser des oligonucléotides fluorescents s’hybridant avec les séquences choisies. rtTA : activateur transcriptionnel inverse en réponse à la tétracycline. dox : doxycycline.

6.1. La technique utilisée 121

24x

Exon 1 Intron 1 Exon

2 CFP

Tet-On promoteur

24x

Exon 1 Intron 1 Exon2 CFP Tet-On promoteur

AC

CG

construction WT

construction MUT

A Clone ß-globine WT alpha1.A9B41 Clone ß-globine MUT t2.5A Doxycycline - + - + protéine non épissée protéine épissée 25 kDa 35 kDa 40 kDa B 1 2 3 4 AGGTTGGTAT WT MUT AGacT GGTAT 3’GUCCAUUCAUA 5’ U1 5' 3' +1 +4 +4 +1 +2 C SKL répétitions MS2 AATAAA AATAAA

FIGURE6.2 – Constructions épissées et non épissées à partir du gène de la ß-globine. A. Le gène comporte 7 éléments de réponse Tet-on fusionnés à un promoteur CMV. L’intron 1 a subi une dé-létion d’un nucléotide pour être en phase ouverte de lecture (*). L’exon 2 a été coupé pour être fusionné à la séquence codant pour la CFP, contenant le signal SKL de localisation aux péroxy-somes. Le gène se termine par 24 répétitions de la séquence MS2. La construction WT possède des sites d’épissage intègres. La construction MUT a subi en plus deux mutations ponctuelles (substi-tution de 3 nucléotides) pour abolir les sites d’épissage. B. Séquence consensus du site donneur, séquence mutée et séquence de l’ARN U1 s’hybridant avec le site donneur. C. WB anti-GFP sur ly-sats des clones U2OS WT alpha1.A9B41 et MUT t2.5A, induits (pistes 2 et 4) ou non à la doxycycline (pistes 1 et 3).