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Pour intégrer le gisement de Trimouns dans un contexte régional nous avons fait le choix de trois grands axes d’études principaux : 1) l’analyse cartographique et structurale, 2) les études thermométriques, et 3) les datations. Les conclusions obtenues sur chacun de ces axes d’études vont ici être mis en relation pour proposer un modèle d’évolution sur le gisement de Trimouns.

(1) Relations entre thermométrie et structure

Dans le chapitre II, nous montrons que les roches du Paléozoïque sont traversées par un accident majeur, l’accident du talc, et par des déformations internes (discontinuités, plis…). Nous mettons également en évidence que le Mésozoïque repose sur le socle (ou sur le Paléozoïque supérieur) le long d’un contact anormal. Les résultats de thermométrie du chapitre III montrent qu’un évènement thermique tardi- varisque affecte les roches du socle à la couverture Paléozoïque, et que le métamorphisme nord pyrénéen affecte les brèches de la ZIM.

Au nord de Trimouns (Fig.III-27), les températures (pics métamorphiques) enregistrées dans le Paléozoïque sont décroissantes du bas vers le haut de la série (Fig. III-30). Cette succession normale (augmentation de la température avec la profondeur - Fig. V-I) montre que les roches paléozoïques ne sont plus affectées par les discontinuités structurales qui les traversent après l’enregistrement de ces pics thermiques (Fig. V-I). Ces structures varisques (accident du talc, déformation entre les séries) sont scellées par le métamorphisme tardi-varisque.

Figure V-1 : Représentation schématique de l’impact des structures sur la thermicité observée en

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Dans les roches du Mésozoïque, les pics thermiques liés au métamorphisme nord pyrénéen autour de 450°C. Ces températures sont supérieures à celles du Paléozoïque directement au contact. On observe une corrélation entre discontinuité thermique (avec des terrains « chauds » sur des terrains « froids ») et une discontinuité structurale (Fig. V-2a). Ceci est en accord avec un jeu chevauchant des brèches de la ZIM sur le Paléozoïque supérieur comme évoqué dans le chapitre II.

A l’est de Trimouns (Fig. III-29), la succession des événements thermiques enregistrés est complexe. On observe des sauts de température de +/-50° autour d’une moyenne à 500°C (Fig. V-2b). Cette moyenne est plus importante que le pic de température du Dévonien supérieur au nord de Trimouns (350°C) ce qui peut s’interpréter de plusieurs manières. Soit, le gradient thermique du métamorphisme varisque est plus important à l’est de Trimouns qu’au nord, soit le métamorphisme nord pyrénéen (marqué par la présence des scapolites) surimpose son empreinte à celle au métamorphisme varisque dans le Paléozoïque supérieur. On ne peut pas exclure que les deux hypothèses se succèdent, et ne soient responsables toutes deux de la thermicité complexe de la zone.

Figure V-2 : Schémas de l’évolution des températures en fonction des structures régionales majeures

(a) au nord et (b) à l’est de Trimouns.

La mise en relation de l’étude thermique et structurale permet plusieurs conclusions.

1) L’absence de discontinuité dans le gradient thermique entre les deux structures majeures (accident du talc et contact couverture-mésozoïque), et la déformation interne dans le Paléozoïque supérieur (contact tectonique entre les deux unités dévoniennes par exemple, nombreux plis…) montre que l'empreinte thermique varisque scelle une structuration très probablement varisque, et que rien n'a bougé depuis.

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3) L’influence du métamorphisme nord pyrénéen est marquée dans le Paléozoïque à l’est de Trimouns. Sa surimposition au métamorphisme varisque n’est pas avérée.

N.B. : Les conclusions 2 et 3 pourront être étayées avec des résultats plus fiables (statistiquement), et avec une meilleure résolution spatiale.

4) Le saut de température observé au contact socle - couverture mésozoïque confirme que ce contact est tectonique et polyphasé d'abord extensif puisque les brèches contiennent les péridotites puis compressif puisque (1) les brèches à péridotites sont posées sur le socle et (2) on a du plus chaud sur du moins chaud.

(2) Relations entre thermométrie et datation

Dans le chapitre III, nous montrons qu’il existe plusieurs températures de formation possibles pour les chlorites à Trimouns (entre 150 et 375°C) ; et dans le chapitre IV, on observe deux épisodes de chloritisation à Trimouns, un jurassique l’autre crétacé.

Nous nous focalisons sur les échantillons qui font l’objet d’une estimation de température et d’une datation (Boutin et al., 2016) (Fig. V-3).

On montre que les chlorites datées du Jurassique ont des températures « froides » (env. 250°C) et « chaudes » (env. entre 325°C et 350°C). Les compositions de ces chlorites jurassiques sont semblables et sont issues de la même lignée d’altération (chloritites issues de micaschistes). Cette lignée d’altération est la plus présente sur le gisement (Parseval, 1992), nous considérons donc que nos résultats sont représentatifs des chloritites jurassiques. Les résultats suggèrent que le début de la chloritisation à ca. 167 Ma se déroule aux conditions « chaudes », et que le prolongement de l’épisode métasomatique (ca. 161 Ma) se fait dans des conditions « froides » (Fig. V-3). Cette baisse des températures de chloritisation au cours du temps n’est confirmée que par un seul échantillon. Si cette diminution de la température au cours du temps est probable, elle nécessite d’être confirmée par des résultats complémentaires.

Les chlorites crétacées montrent des températures autour de 300°C. Ces résultats sont ceux de chlorites issues du faciès skarn ou de veines entre les boudins de marbres sombres. Ces deux faciès ne sont pas représentatifs de toutes les chlorites du gisement. Les chlorites provenant de la transformation de ces faciès ne sont pas issues des lignées d’altérations principales (altération des micaschistes et des pegmatites) décrites par Moine (1982) et Parseval (1992). Nos résultats sur ces échantillons n’étant pas représentatifs, nous ne pouvons pas affirmer que les chlorites crétacées se forment à température constante (env. 300°).

Dans le chapitre III, nous suggérons que les chlorites « froides » et « chaudes » sont (1) soit la marque d’une diminution de la température au cours d’un épisode de minéralisation, (2) soit la marque de plusieurs épisodes de minéralisation à des températures différentes. Aucune tendance claire n’est tirée de la comparaison des datations et des températures sur chlorite. Cependant, on peut observer qu’il n’y a pas forcément de température fixe associée à l’événement de chloritisation jurassique. On peut raisonnablement penser que ces chlorites jurassiques cristallisent lors d’un événement métasomatique dont les conditions de températures sont fluctuantes et probablement décroissantes au cours du temps.

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Même en l’absence d’observation claire, on propose les mêmes conclusions pour les chlorites du Crétacé. Les hypothèses faites dans le chapitre III sont à priori valables toutes deux : on observe des conditions de cristallisation plutôt variables dans deux événements de chloritisation distincts.

Figure V-3 : Carte des échantillons de chloritites dont la température et la date de minéralisation ont

été estimées (gisement en jaune).

(3) Relations datation et structure

Dans le chapitre II, nous montrons que les structures dans la minéralisation peuvent s’organiser suivant une chronologie relative. Dans le chapitre IV, nous établissons une chronologie absolue sur les processus de marmorisation (tardi-varisque) des calcaires siluriens, et des épisodes de chloritisation et de talcification jurassique et crétacé.

La marmorisation à 290 Ma se situe à l’étape 2 de la chronologie relative présentée dans le chapitre II. Cette étape associée au métamorphisme HT-BP tardi-varisque est responsable de la migmatisation et d'intrusions de magmas divers. La mise en place des pegmatites observées sur Trimouns est donc intervenue autour de 290 Ma.

Comme évoqué dans Boutin et al. (2016), on observe une zonalité des chlorites en fonction de leur âge. Les chlorites jurassiques sont localisées au nord de la carrière (côté mur). Le tracé de cette zone n’est pas caractérisé par une discontinuité structurale (orientation globale NNE-SSO à pendage moyen 20- 40° vers l’est). De même, les différents stades de déformations observés se retrouvent dans les chlorites jurassiques comme crétacées. Il est donc possible que (1) les chlorites jurassiques et crétacées soient soumises aux mêmes mouvements ou que (2) la tectonique au crétacé reprenne les structures jurassiques. La période jurassique est associée à la propagation du rift atlantique (Ziegler et Dèzes, 2006) qui conduit

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au rifting pyrénéen crétacé et à l’amincissement de la croûte. On suppose donc que les chlorites crétacées comme jurassiques s’inscrivent dans la même géodynamique.

Dans le chapitre II, nous proposons quatre stades structuraux des chlorites : les minéralisations statiques (chlorite de type 1) et dynamiques (et chlorite de type 2), la schistosité syn- à tardi-minéralisation et les failles tardives. En plaçant ces stades structuraux sur l’échelle des temps géologiques en fonction des épisodes de chloritisation (jurassique et crétacé), nous pouvons établir deux hypothèses (Fig. V-4) :

1) les chlorites de type 1 et de type 2 se forment durant les deux événements de chloritisation ; 2) les chlorites de type 1 se forment au Jurassique et les chlorites de type 2 au Crétacé.

Dans les deux cas, la schistosité se situe à la fin de l’épisode de minéralisation crétacé et se prolonge au-delà (voir modèle d’évolution et discussion), et les failles cassantes sont postérieures à la schistosité (probablement quaternaire). L’hypothèse 1 est la plus probable dans la mesure où aucune observation macroscopique ou microscopique ne nous permet d’associer un type de chlorite (1 ou 2) à un âge. De même, sur les talcitites, on observe plusieurs stades structuraux : les minéralisations statiques (stéatite et veine tardive) et dynamiques (talcitites foliées), les talcitites schistosées et les failles cassantes. Boutin et al. (2016) proposent une talcification crétacée entre 122 Ma et 96 Ma mais n’exclut pas une talcification au Jurassique (ca. 165 Ma). En plaçant ces stades structuraux sur l’échelle des temps géologiques en fonction des deux épisodes de chloritisation (jurassique et crétacé), nous pouvons établir les trois hypothèses suivantes (Fig. V-4).

1) Il n’y a pas de talcification au Jurassique. La minéralisation statique commence à ca. 122 Ma et se prolonge en minéralisation dynamique à mesure que le rifting s’étend. Cette minéralisation dynamique est entrecoupée de phases statiques (type veines de talc).

2) Il y a talcification au Jurassique. Minéralisations statiques et dynamiques coexistent dans les deux épisodes (jurassique et crétacé).

3) Il y a talcification au Jurassique. La minéralisation statique (type stéatite) est jurassique et la minéralisation dynamique est crétacée.

Dans les trois cas, l’acquisition de la schistosité se situe à la fin de l’épisode de minéralisation crétacé et se prolonge au-delà (voir modèle d’évolution et discussion), et les failles cassantes sont postérieures à la schistosité (probablement quaternaire). La dernière hypothèse (3) est la moins probable car aucun critère d’observation ne montre que stéatites et talcitites foliées sont issues d’épisodes distincts. Les hypothèses 1 et 2 sont probables mais l’hypothèse 1 reste la plus probable tant qu’il n’y a pas de preuve directe de talcification au Jurassique.

La relation entre critères structuraux et datations permet de replacer les déformations observées dans le contexte d’extension pré-alpine. On remarque également que la schistosité syn- à tardi-minéralisation s’acquiert lors de décrochements, autour de 96 Ma. Il est pour l’instant difficile d’associer une déformation précise à l’hydrothermalisme jurassique ou à un pulse hydrothermal crétacé en particulier.

Figure V-4 : Evolution des déformations dans les minerais sur l’échelle des temps géologiques.

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