• Aucun résultat trouvé

L’objectif général de la thèse était de quantifier les bilans d’eau, d’azote et de carbone pour différentes cultures candidates à la production de biocarburant de deuxième génération et différentes pratiques culturales. Ces cultures appartiennent à trois grandes catégories : cultures pérennes (miscanthus et switchgrass), pluriannuelles (fétuque et luzerne) et annuelles (sorgho et triticale). Les pratiques culturales étudiées sont le mode de récolte pour les cultures pérennes et la fertilisation azotée pour toutes les cultures. Le travail s’est appuyé sur un dispositif expérimental de long terme mis en place en 2006 à Estrées-Mons, dans la Somme : le dispositif « Biomasse & Environnement ». Des mesures variées ont été réalisées sur ce dispositif entre avril 2006 à mars 2014 afin de couvrir une large gamme d’impacts environnementaux relatifs à l’eau, l’azote et le carbone.

6.1.1 Bilan hydrique

Les stocks d’eau du sol du dispositif B&E ont été mesurés en continu sur 0-210 cm pendant sept ans (Chap. 2). En période estivale, ils montrent une forte variabilité entre années et entre espèces. Le déficit hydrique (différence entre le stock d’eau à la capacité au champ et le stock d’eau mesuré) maximal observé pendant la saison de croissance est en général plus élevé pour les cultures pluriannuelles que pour les pérennes et les annuelles, malgré une production de biomasse plus faible pour les pluriannuelles que pour les pérennes. Il est également d’autant plus important que la balance hydrique (différence entre pluie et ETP) est négative.

Si le prélèvement d’eau est en général plus important dans les couches de sol superficielles que dans les couches profondes, des différences apparaissent entre espèces. Ainsi, les cultures pérennes et pluriannuelles prélèvent en profondeur (150-210 cm) une plus grande proportion de l’eau disponible que les cultures annuelles. Inversement, elles consomment en moyenne moins d'eau dans la couche superficielle (0-30 cm) que les autres espèces. La variabilité des densités racinaires entre espèces explique en partie ces différences de prélèvements d’eau. En effet, nous avons observé une relation curvilinéaire asymptotique entre le prélèvement d’eau dans une couche de sol donnée et la densité racinaire dans cette couche. Pour décrire cette relation, nous avons utilisé un modèle dont les paramètres varient en fonction de l’espèce, car la capacité de prélèvement de la plante dépend non seulement de la densité racinaire mais aussi de l'espèce. Ainsi, pour les faibles densités racinaires (en profondeur) le prélèvement d’eau a tendance à être plus élevé pour la fétuque et la luzerne, à densité racinaire équivalente, que pour les autres espèces.

A l’automne (début novembre), le déficit hydrique du sol est plus marqué pour les cultures pérennes (au moins en N+) que pour les annuelles, ce qui s’explique par une plus grande consommation d’eau par les pérennes en fin de saison. Les mesures gravimétriques effectuées deux fois par an (début novembre et mi-mars) ont été utilisées pour quantifier le drainage avec le modèle STICS (Chap. 3). Ce drainage est particulièrement variable entre situations traitements × années (0 à 227 mm), les variations entre années étant en grande partie dues à la variabilité climatique. En moyenne sur 7 ans, le drainage est plus élevé pour les cultures annuelles (133 mm an-1) que pour les pluriannuelles (64 mm an-1), sans effet significatif de la fertilisation azotée. Il est intermédiaire pour les cultures pérennes (56 à 137 mm an-1) et dépend de l’espèce et de la fertilisation azotée. Une forte corrélation négative a été observée sur la période 2007-2013 entre la production de biomasse et le drainage, pour les cultures pérennes et les cultures annuelles. Toutefois, le drainage sous les cultures pluriannuelles est bien plus faible que sous les annuelles malgré un niveau de production similaire. Ceci indique que les cultures pluriannuelles ont une plus faible efficience d’utilisation de l’eau (rapport entre la production de biomasse et l’évapotranspiration) que les autres cultures.

6.1.2 Pertes de nitrate et devenir de l’azote de l’engrais

Les stocks d’azote minéral mesurés deux fois par an (début novembre et mi-mars) ont été utilisés pour évaluer les pertes en nitrate avec le modèle STICS (Chap. 3). La concentration en nitrate de l’eau drainée est généralement très faible (moins de 10 mg l-1 dans 80% des situations traitements × années). Ces faibles concentrations ont probablement été favorisées par le contexte pédoclimatique (sol profond et pluviométrie hivernale modérée). Les concentrations sont souvent plus faibles pour les cultures pérennes que pour les autres, sauf lors de la première année de mesure pour le miscanthus (en 2007-08, soit un an et demi après l’implantation) où elles atteignent 83 mg l-1

. La comparaison avec les teneurs mesurées dans le sous-sol en 2011 suggère cependant que la plus grande part de l’azote perdu après l’implantation du miscanthus a été par la suite prélevée par la plante en profondeur. En moyenne sur 7 ans, la concentration pondérée en nitrate varie entre 2 et 23 mg l-1 pour les pérennes, entre 3 et 17 mg l-1 pour les pluriannuelles et entre 6 et 16 mg l-1 pour les annuelles. La fertilisation azotée des cultures pérennes augmente la concentration nitrique mais pas celle des autres espèces. Ces concentrations correspondent à de très faibles quantités d’azote lixivié : 2 kg N ha-1 an-1 en moyenne pour tous les traitements (entre 1 et 5 kg N ha-1 an-1).

De l’azote marqué 15

N a été apporté sur des sous-parcelles pendant 4 à 5 années consécutives. Nous avons mesuré le cumul d’azote marqué exporté par les récoltes pendant cette période, ainsi que l’azote restant dans le système sol-plante à la fin de la période : azote stocké dans les parties non récoltées des plantes, dans les résidus de cultures et dans le sol (Chap. 5). La proportion d’azote 15N retrouvée dans les parties aériennes à la récolte (en cumulé sur la période de 4 à 5 ans) varie de 13 à 17% pour les cultures pérennes en coupe tardive, de 23 à 34% pour les pérennes en coupe précoce, de 23 à 38% pour les pluriannuelles et de 34 à 39% pour les annuelles. A l’issu de la période d’apport, les cultures pérennes avaient des quantités d’azote importantes dans leurs organes souterrains. L’azote 15N retrouvé dans ces organes correspond à entre 8 et 17% de l’azote apporté (12% en moyenne). Une proportion significative de l’engrais marqué a également été retrouvée dans les résidus des cultures pérennes (4% de l’azote apporté en moyenne) alors que la quantité d’engrais marqué contenu dans les résidus est pratiquement négligeable pour les autres espèces. L’azote 15N retrouvé dans le sol correspond en moyenne à 32% des apports pour les pérennes, 28% pour les pluriannuelles et 19% pour les annuelles. Le bilan complet de 15N (fraction de l'engrais retrouvée dans le système sol-plante) était en moyenne de 69% pour les pérennes, 61% pour les pluriannuelles et 56% pour les annuelles, ce qui suggère des pertes d’azote importantes. Etant donné que les pertes d’azote par lixiviation ont été très faibles sur la période considérée, nous supposons que le défaut de bilan correspond essentiellement aux pertes gazeuses, par volatilisation (NH3) et par dénitrification dans une moindre mesure. L’efficience de l’azote est

globalement plus élevée pour les cultures pérennes qui stockent une fraction importante de l’azote de l’engrais dans leurs organes souterrains et dans la matière organique du sol.

6.1.3 Evolution des stocks de carbone du sol

Les stocks de carbone du sol ont été mesurés en avril 2006 avant l’installation du dispositif, puis en mars 2011 pour les cultures pérennes et mars 2012 pour les autres espèces (Chap. 4). Entre 2006 et 2011, les concentrations en C organique du sol sous les cultures pérennes ont augmenté dans la couche de surface (0-5 cm) et légèrement décliné en-dessous. Les variations de la composition isotopique du carbone (δ13C) montrent que les entrées de C sont majoritairement localisées dans la couche 0-18 cm. Au contraire, les concentrations en C ont augmenté au cours du temps sous les cultures pluriannuelles pour l’ensemble de l’ancienne couche labourée (environ 0-33 cm). Les stocks de C dans l’ancienne couche labourée ont augmenté de 0.93 ± 0.28 t C ha-1 an-1 sous les cultures pluriannuelles alors qu’ils n’ont pas significativement évolué pour les autres cultures. La fertilisation azotée n’a pas eu

d’effet significatif sur les stocks de C. L’accumulation de C « nouveau » est plus élevée sous les cultures pluriannuelles que sous les cultures pérennes (1.50 contre 0.58 t C ha-1 an-1 respectivement), alors que la vitesse de diminution du stock de C « ancien » est semblable dans les deux cas. Ceci montre que l'augmentation des stocks de C pour les cultures pluriannuelles est due à une augmentation des entrées de C plutôt qu’à une diminution de la vitesse de minéralisation du C organique du sol.

Documents relatifs