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Synthèse

Dans le document Le temps verbal en espagnol (Page 64-67)

2 Quatre modèles des temps verbaux espagnols

2.5 Synthèse

Nous venons de présenter les modèles flexionnels qui, à notre avis, ont été les plus marquants en espagnol. Nous avons vu combien ils sont différents, tant dans la façon d’analyser les formes verbales que dans la distribution de ces dernières dans le système. Bien que les quatre propositions présentent des faiblesses, nous pensons qu’il y a plusieurs aspects à retenir qui nous seront utiles au moment d’analyser les formes verbales de l’espagnol. Nous reprenons ci- dessous nos principales remarques :

• Le nombre de catégories flexionnelles varie d’un auteur à l’autre, mais c’est surtout par rapport à l’aspect qu’il n’y pas de consensus. Certains auteurs lui accordent trop d’importance à un point tel qu’ils en font une catégorie indépendante, notamment Alarcos, qui ne sert qu’à distinguer les formes cantó ~ cantaba, ce qui laisse croire qu’il s’agit d’une catégorie inutile. D’autres auteurs, dont Bello, qui n’y fait aucune référence, ont tendance à expliquer les formes temporelles et les formes aspectuelles à l’aide des mêmes mécanismes, ce qui génère des cases vides dans leurs modèles. La même remarque vaut pour Rojo, qui admet toutefois l’existence de l’aspect de phase, mais dont le classement des formes exprimant le temps et la phase résultative au même niveau entraîne un manque de symétrie dans le système qui est gênante.

• Le prétérit antérieur s’avère problématique dans les modèles présentés puisqu’on lui assigne souvent la même case que celle du plus-que-parfait, bien qu’ils ne soient pas toujours interchangeables. Pour contourner les difficultés de ce type, certains auteurs dont Rojo ont de décidé supprimer le prétérit antérieur du système. Nous ne sommes pas d’accord avec cette solution car quoique peu usité, le prétérit antérieur fait encore partie du système flexionnel de l’espagnol et par conséquent il faut en rendre compte. D’ailleurs, la plupart des travaux admettent que le prétérit antérieur se reconnaît à la possibilité de le remplacer par le prétérit simple en espagnol contemporain, alors nous

ne voyons pas pourquoi c’est le plus-que-parfait qui succède au prétérit antérieur dans le modèle de Rojo.

• La proposition de Bello d’assigner des cases indépendantes aux formes hubo cantado ~

había cantado repose essentiellement sur le fait que cette dernière exprime la

coexistence. Cette idée a toutefois été contestée par les mêmes linguistes qui ont mis de côté le prétérit antérieur, en argumentant que le terme ante-prétérit est plus adapté à la forme había cantado. Nous pensons cependant que Bello avait raison d’appeler le plus- que-parfait ante-co-prétérit, le problème est que la description qu’il fournit correspond plutôt à la valeur résultative66 qui ne transparaît guère dans les travaux de l’époque.

• Comme l’avait précisé Lareau (2008), les modèles qui donnent la priorité à l’une des composantes du signe au lieu de les considérer dans leur ensemble ne sont pas pleinement satisfaisants. Nous avons vu, par exemple, qu’Alarcos range les paires

cantaría ~ habría cantado et cantará ~ habrá cantado dans un mode à part, le potentiel,

sur la base qu’elles expriment un fait vu comme probable à un moment donné dans des énoncés tels que Serán las 4 ou Tendría 60 años. Mais encore, même quand il reconnaît l’analogie combinatoire entre ces formes et celles du mode indicatif, il privilégie leur sens, de surcroît secondaire, pour effectuer un classement qui semble contredire la nature temporelle des formes en cause. Un autre problème de taille qui découle des analyses atomistiques est celui d’associer une relation à plusieurs signes. Nous avons eu l’occasion d’observer dans le modèle vectoriel de Rojo que la relation d’antériorité correspond au suffixe du prétérit simple, à la construction HABER + participe et au suffixe –ÍA.

Nous avons constaté que, mise à part la vision traditionnelle, les propositions présentées ne s’intéressent pas beaucoup aux sens secondaires des formes verbales en dehors d’en dresser un inventaire. Il est toutefois intéressant de noter que les modèles exposés cherchent à établir

66 Visant à clarifier le sens du plus-que-parfait, Bello ((1982[1847]), p. 204) donne l’exemple suivant : Los

israelitas desobedecieron al Señor que los había sacado de la tierra de Egipto ‘Les israélites ont désobéi

au Seigneur qui les avait expulsés du pays d’Égypte’. L’auteur précise qu’il y a trois faits en jeu dans cet énoncé : le fait d’expulser, le fait d’avoir expulsé et le fait de désobéir. Dans cette optique, le début d’avoir

expulsé est marqué par la fin d’expulser et le fait de désobéir coïncide avec avoir expulsé, de sorte que la

des changements systématiques pouvant affecter les formes qui expriment certains sens. Par exemple, Rojo signale que les formes ayant en commun le vecteur de postériorité (+V) peuvent adopter celui de simultanéité (oV) lorsqu’elles expriment la probabilité. Pour Bello, les formes partageant une relation déterminée ont tendance à exprimer une autre relation observable dans leur sens secondaire.

Nous verrons dans le chapitre suivant que l’application de la méthodologie de Lareau (2008) à l’espagnol nous permettra de résoudre la plupart des problèmes rencontrés dans les modèles que nous venons de présenter.

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