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Chapitre II : Synthèse de ligands pentadentates de type bispidine

2. Synthèse des précurseurs

a) Synthèse du précurseur P1

La synthèse du précurseur pipéridinone P1 a été décrite pour la première fois en 1964 par Knabe et Ruppental3 (Schéma 2. 2).

Cette synthèse est le résultat d’une réaction de Mannich, permettant d’obtenir, en une seule étape, une molécule de type pipéridinone, le diméthyl-1-méthyl-4-oxo-2,6-dipyridin-2-yl-3,5-dicarboxylate. Des essais de séparation sur plaque chromatographique sur couche mince, montre qu’une purification n’est pas possible dans ces conditions. En effet, la migration du produit donne une « trainée » dans laquelle il est difficile de distinguer les différentes espèces. Pour purifier nos précurseurs, des recristallisations dans le méthanol ont donc été effectuées4 ; le précurseur est alors obtenu sous la forme d’un mélange de différents isomères sous différentes conformations5,6 (Figure 2. 2).

Schéma 2. 1: Schéma rétro-synthétique de la bispidone.

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En effet, la fonction cétone de la pipéridinone possède deux protons en position α, ce qui peut induire des formes tautomèriques céto-énoliques. De plus, les différentes conformations du cycle pipéridinone dépendent de la substitution des groupements R (ici des groupements aromatiques pyridines), qui peuvent être en position axiale ou équatoriale, donnant des conformations cis ou trans. Au total, il existe donc quatre conformations différentes possibles, dont les proportions varient selon les synthèses.

Dans ses travaux en 19926, Holzgrabe a montré par la synthèse de plusieurs précurseurs pipéridinones, que trois formes étaient obtenues (cis-cétone, cis-énol et trans-énol) et qu’il n’y avait pas de forme trans-cétone car cette dernière forme est la moins favorable thermodynamiquement. Holzgrabe a également montré que la proportion de ces trois formes va dépendre du solvant dans lequel elles se trouvent. En effet, dans le cas d’un solvant apolaire aprotique (ex : CDCl3), on tendra vers des formes cis exclusivement, tandis que dans le cas d’un solvant polaire protique (ex : MeOH), on tendra vers un équilibre entre la cis-cétone et le trans-énol (majoritaire) au bout de plusieurs jours. Le solvant a donc une influence sur les proportions des différentes conformations obtenues.

Dans notre cas, comme la synthèse ainsi que la recristallisation sont effectuées dans le méthanol, l’hypothèse sur laquelle nous nous basons sont que les formes trans-énol ou cis-cétone seront les produits majoritaires. Dans le cas du spectre RMN 1H ci-dessous, les quatre isomères différents ont été obtenus, les deux formes majoritaires étant le trans-énol et la cis-cétone (Figure 2. 3, Figure 2. 4).

N N N N MeO2C COR2Me R R R MeO2C MeO2C MeO2C CO2Me R R R MeO2C HO HO MeO2C R O O

trans-cétone trans-énol cis-cétone cis-énol Figure 2. 2:Conformations du précurseur P1.

64 O O N N N O O O H a b Trans-énol Cis-cétone Cis-énol Trans-cétone δ(ppm)

Figure 2. 3: Spectre RMN 1H du précurseur P1 (*CDCl3, 400 MHz).

Figure 2. 4: Agrandissement de la partie aliphatique du spectre RMN 1H du précurseur P1

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Cependant, sur plusieurs synthèses du précurseur P1, les proportions obtenues sont très variables (Tableau 2. 1).

Ces résultats sont en accord avec la littérature6 puisque l’on constate que les espèces majoritaires sont soit la cis-cétone, soit le trans-énol, cela dépendant du temps de la synthèse et de la (re)cristallisation. Plus le produit restera longtemps dans le méthanol, plus la proportion de trans-énol sera importante. De plus, dans les quatre cas, la proportion de trans-cétone est très minoritaire comme décrit par Holzgrabe.6

Afin d’obtenir un ligand bispidone en configuration cis avec de bons rendements, il semble préférable de partir d’un précurseur en configuration cis majoritairement. Sur la base des proportions de formes cis obtenues, on attend des rendements de 40 à 80% pour les bispidones synthétisées à partir de P1. Cependant, certaines publications6 semblent montrer qu’il n’y a pas de corrélation entre la configuration de P1 et celle de la bispidone et qu’une isomérisation est possible lors de la 2ème étape de synthèse (Schéma 2. 3).

Cette isomérisation consiste en une ouverture de cycle par réaction de rétro-Mannich.7 Nous discuterons par la suite de savoir si l’isomérisation s’effectue dans les cas de nos ligands et si elle est quantitative (les deux formes trans peuvent-elles donner une forme cis ?).

b) Synthèse du précurseur P2

Le deuxième précurseur synthétisé comporte des motifs méthyl-imidazole à la place des pyridines, ainsi la molécule possède toujours trois amines pour la future coordination du métal

Essais Trans-énol Trans-cétone Cis-cétone Cis-énol

1 60% - 20% 20%

2 24% 8% 44% 24%

3 44% 7% 32% 17%

4 16% 4% 52% 28%

Tableau 2. 1: Proportions des différents isomères obtenus lors des synthèses de P1.

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(Schéma 2. 4). Cette synthèse a été réalisée à partir du N-méthyl-2-imidazolecarboxaldehyde, préalablement synthétisé au laboratoire,8,9 selon le même schéma de synthèse que P1.

Le précurseur P2 a été obtenu sous la forme d’un mélange d’isomères de configuration : la forme cis-cétone et la forme trans-énol (34% et 66%, pourcentage déterminé par RMN 1H) (Figure 2. 5, Figure 2. 6). 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 12.0 12.5 f1 (ppm) * δ(ppm)

Schéma 2. 4: Synthèse du précurseur P2.

Figure 2. 5: Conformations du précurseur P2 obtenu.

Figure 2. 6: Spectre RMN 1H du précurseur P2 (carrés verts: trans-énol; triangles rouges: cis-cétone, *CDCl3, 300 MHz).

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On remarque que les isomères obtenus sont bien les plus stables dans le méthanol.6 D’après la proportion non négligeable de forme cis, on devrait théoriquement obtenir le ligand souhaité dans la bonne configuration.

c) Synthèse du précurseur P3

Une troisième voie de synthèse a également été explorée qui implique le motif thiophène comme substituant à la place des pyridines. Le schéma de synthèse reste toujours le même (Schéma 2. 5), à partir de produits commerciaux, et la molécule a pu être obtenue de façon très minoritaire (rendement de 3%). De plus, la pipéridinone était exclusivement sous la forme

trans-énol, ce qui ne semble pas favorable pour la formation d’une bispidine en cis.

Les conditions de synthèse ont donc été modifiées afin d’essayer d’obtenir une forme cis du précurseur avec un meilleur rendement. Nous avons alors remarqué un problème au niveau de la réactivité lors de cette étape. En effet, lors des nombreux essais (Tableau 2. 2), le produit majoritairement obtenu n’était pas celui attendu mais une espèce secondaire non-cyclisée.

Ordre d’ajout des réactifs ((1) aldéhyde + (2) amine + (3) diester)

Solvant Température Remarques

3+1 puis 2 MeOH 0°C Faible quantité de trans-énol obtenue

3+1 puis 2 THF 0°C Produit secondaire majoritaire

3+1 puis 2 CH2Cl2 0°C Produit secondaire majoritaire

3+1 puis 2 CH2Cl2 t.a. Produit secondaire majoritaire

2+1 puis 3 MeOH 0°C Produit secondaire majoritaire - Problème de solubilité

2+1 puis 3 CH2Cl2 0°C puis t.a. Produit secondaire majoritaire 1+2 (1èreétape) CH2Cl2 0°C-t.a.-50°C Obtention imine

+3 (2èmeétape) + NEt3 CHCl3 t.a. Ajout imine goutte à goutte => ne réagit pas

Schéma 2. 5:Synthèse du précurseur P3.

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Pour les premiers essais, nous avons décidé de tester différents solvants et températures. Le même produit secondaire a été obtenu (Figure 2. 7). Celui-ci a été caractérisé par spectrométrie de masse et RMN 1H, et nous avons constaté que le thiophène aldéhyde était très réactif. Sachant que l’amine n’était ajoutée qu’en dernier dans le milieu réactionnel, la réaction était déjà bien avancée, ce qui explique pourquoi l’espèce attendue est en proportion largement minoritaire. D’après le produit obtenu, il semblerait que l’aldéhyde réagisse directement sur le diester sans former d’imine. Un deuxième ester viendrait ensuite réagir sur la double liaison formée (Schéma 2. 6). Enfin, après attaque de la cétone du deuxième ester et déshydratation, on obtient le deuxième produit secondaire caractérisé sous sa forme énol.

Nous avons donc décidé de modifier l’ordre d’ajout des réactifs afin que l’amine puisse réagir avant (deuxième partie du tableau). Cela n’a pas amélioré la réaction, puisque le produit obtenu n’a encore pu être obtenu qu’en très faible quantité. Une synthèse en deux étapes a alors été tentée afin de s’affranchir de la forte réactivité du thiophène-aldéhyde avec le diester (troisième partie du tableau). L’imine thiophène a pu être obtenue mais celle-ci n’a pas réagi avec le diester lors de la seconde étape (Schéma 2. 7). En effet, la différence d’électronégativité entre les deux groupements pyridine et thiophène se trouve être très importante (eln(N) = 3,0 > eln(S) = 2,5).10

S O O O O O O O O O O O OH S O O O O O S O O O O- O S O O O O O O O O O O -H2O O OH CH2COOMe S COOMe MeOOC COOMe O CH2COOMe S COOMe MeOOC COOMe OH CH2COOMe S COOMe MeOOC COOMe H B

-Figure 2. 7: Espèces secondaires obtenues lors de la synthèse de P3.

Schéma 2. 6: Mécanisme réactionnel proposé pour la formation des espèces secondaires lors de la synthèse du précurseur P3.

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La pyridine va apporter un caractère électroattracteur à l’imine, tandis que le thiophène va le rendre électrodonneur grâce à la délocalisation des doublets non-liants du soufre.

Le précurseur P3 n’a donc pas pu être obtenu en quantité suffisante pour poursuivre la synthèse.

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