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The dorsal medial frontal cortex mediates automatic motor inhibition in uncertain contexts: evidence from combined

119 3.3 Synthèse et perspectives

Il est très probable qu’un mode d’inhibition de réponse non-sélectif, automatique, de très courte latence, opère dès lors que le contexte événementiel est incertain. Nos résultats montrent que tous les stimuli présentés lors d’un contexte d’incertitude évoquent une activation précoce du cortex moteur supplémentaire (CMS = SMA + pré-SMA), par rapport à une condition de contrôle qui ne requiert pas d’inhibition. Cette activation prend la forme multifacette: 1/ d’une augmentation de l’activité BOLD évoquée, 2/ d’une atténuation du PE par la source EEG localisée dans la même région, et 3/ d’une augmentation de l’activité EEG évoquée dans la bande de fréquence alpha de cette même source. Ce patron de résultats suggère que la bouffée d’activité alpha, marqueur physiologique de l’activité inhibitrice, a pour fonction d’atténuer le PE, probable marqueur de l’activité automatique du SMC. Il suggère également que les données BOLD s’expliquent ici plus par l’activation des réseaux locaux inhibiteurs du SMC que par son activation excitatrice. Cette interprétation est renforcée par le fait que les données EEG prédisent très précisément les données comportementales sur une base essais par essais.

Ces résultats n’auraient pas pu être obtenus sans la combinaison de méthodes que nous avons employée. En effet, le révélateur de ce mécanisme d’inhibition non-sélective prend la forme d’une composante indépendante (dmF170) impossible à détecter autrement. La cause ne tient pas uniquement aux designs expérimentaux standards qui ne permettent pas d’isoler l’activité non-sélective, elle tient aussi au fait que l’activité de cette composante est contemporaine de l’activité visuelle. Or, cette activité visuelle est tellement puissante et diffuse à la surface du scalp qu’elle masque complètement l’activité précoce (début d’activité significative à 125 ms et pic à 170 ms) et automatique de la dmF170. Seule une séparation de sources efficace permet l’identification de cette composante majeure (Lio et Boulinguez, 2013).

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Si la mise en évidence de ce mode de contrôle réactif et non-sélectif représente une avancée importante, l’implication du CMS n’est que peu surprenante au regard des indices issus d’études cliniques (Jahanshahi et al., 1995; Nachev et al., 2008; Sumner et al., 2007) et animales (Chen et al., 2010; Isoda et Hikosaka, 2007) (pour revue, Bari et Robbins., 2013a; Nachev et al., 2008). Mais nos données n’apportent d’évidence que pour le rôle du CMS. Elles sont pourtant issues d’analyses aveugles appliquées sur le cerveau entier, ce qui représente une procédure inhabituelle mais plus objective par rapport aux travaux localisant les sources EEG sur la base d’a priori anatomo-fonctionnels (voire sur la base de données IRMf!). Bien que nous ne négligions pas le risque de faux négatifs, cette observation a tendance à aller dans le sens de l’idée selon laquelle peu de régions corticales seraient directement impliquées dans l’inhibition de réponse, les structures habituellement mises en évidence étant plus probablement impliquées dans des processus connexes (attention, sélection de réponse, détection de conflit… (Brass et al., 2005; Sharp et al., 2010)).

En ce qui concerne les régions sous-corticales difficilement accessibles en EEG, on ne peut bien sûr pas exclure le rôle prépondérant des ganglions de la base, et en particulier celui du striatum et du NST. Les données IRMf d’activation sous-corticale n’ont pas été présentées dans l’article car le but était d’établir les correspondances entre activités EEG et IRMf. La figure 13 représente les résultats du contraste [(nogo + go) – (go_contrôle)] appliqué à une ROI centrée sur les ganglions de la base. Une activité significative est observée dans le striatum dorsal. Si cette localisation et la nature phasique de l’activité semblent en partie consistantes avec la littérature (Aron and Poldrack 2006; Boehler et al. 2010; Forstmann et al. 2008; Ghahremani et al., 2012; Jaffard et al. 2008; Jahfari et al. 2010; Li et et al. 2008; Vink et al. 2005; Zandbelt and Vink, 2010) et le modèle général des GB (Nambu et al., 2002), on peut toutefois s’étonner de l’absence d’activité significative dans le NST, dont la connectivité anatomique et fonctionnelle avec le CMS est pourtant avérée (Nachev et al., 2008; Nambu et

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al., 1996). En effet, le modèle computationnel de Frank (Frank et al., 2007) affirme que le NST joue le rôle clef dans l’inhibition réactive non-sélective. Nos données ne nous permettent pas de savoir si nos analyses sont restées aveugles à l’activité de la petite structure que représente le NST, si son action supposée dans les tâches décisionnelles complexes des travaux de Frank et collaborateurs est spécifique des mécanismes décisionnels complexes, ou encore si son pattern critique d’activité n’est pas phasique et réactif. Cette question est centrale pour comprendre l’anatomie fonctionnelle de l’inhibition de réponse, et appelle d’autres investigations utilisant un cadre théorique élargi et des méthodes complémentaires (e.g., de stimulation directe par exemple).

Figure 13 : Analyse IRMf du contrôle inhibiteur réactif non-sélectif. Le contraste appliqué (incertitude – condition de contrôle) révèle l’activation du striatum dorsal au travers d’une analyse en ROI.

Cette mise en évidence de mécanismes inhibiteurs réactifs non-sélectifs appelle trois autres grandes questions. La première concerne la façon dont ils sont implémentés. Ils sont en effet automatiques et non-sélectifs, mais ils sont dépendants du contexte d’incertitude événementielle. En d’autres termes, ils font forcément l’objet d’un contrôle exécutif en amont qui potentialise leur action inhibitrice automatique, ou au contraire la prévient lorsque la situation autorise la réactivité sensorimotrice (Criaud et al., 2012). L’identification de ce

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contrôle nécessite l’analyse de l’activité qui précède la présentation des stimuli. Elle nous ramène donc inévitablement à la notion de contrôle proactif. Ce point fera l’objet du Chapitre 4. La deuxième grande question concerne la généralisation à l’ensemble des fonctions sensorimotrices. Ce mécanisme n’est en effet pas du tout spécifique des situations dans lesquelles on demande explicitement au sujet de ne pas répondre ou de rattraper une réponse en cours d’exécution. Il est susceptible d’être impliqué dans toutes les formes d’interactions sensorimotrices. Il s’agirait plus globalement d’un modèle de « contrôle des modes de contrôle sensorimoteur », permettant de commuter d’un mode d’action automatique à un mode contrôlé et réciproquement, au sens où l’ont préalablement entendu Isoda et Hikosaka dans leurs travaux sur le contrôle oculomoteur en électrophysiologie chez le singe (Isoda et Hikosaka, 2007). Ce point fera l’objet du chapitre suivant et d’une partie du Chapitre 5. La troisième question que nous évoquent ces résultats concerne les implications cliniques de l’identification de ce mécanisme. Il s’agit de revisiter, dans le cadre de ce nouveau modèle théorique, la signification des divers symptômes impliquant des troubles du contrôle de l’action, tels que l’akinésie (Favre et al., 2013) ou l’impulsivité (Ballanger et al., 2009) dans la maladie de Parkinson, mais aussi dans le syndrome de Gilles de la Tourette ou les TICs (troubles involontaires convulsifs) par exemple (Singer, 2010). Ce point fera l’objet de la seconde partie du Chapitre 5.

Les marqueurs psychophysiologiques de mécanismes inhibiteurs précoces, automatiques et non-sélectifs prenant leur source dans le cortex moteur supplémentaire, ont pour la première fois pu être identifiés. Mais la question du contrôle et de l’implémentation de cette fonction reste posée.

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Chapitre 4: Comment le contrôle de l’inhibition