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Synthèse, objectifs, hypothèses et descriptions des études

Chapitre 1 : Introduction

5. Synthèse, objectifs, hypothèses et descriptions des études

Les sections précédentes de l’introduction ont souligné que plusieurs variables sont intéressantes lorsque nous nous attardons à la perspective des aidants de personnes souffrant d’anorexie mentale, mais il peut être difficile de les relier entre elles. La synthèse suivante aura pour but de revenir sur les relations entre ces variables avant de décrire les objectifs et hypothèses de la thèse.

La littérature suggère que les proches de personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires rapportent des niveaux élevés d’aspects négatifs d’expérience d’aidant, de détresse psychologique et parfois d’EE (Anastasiadou, Medina-Pradas, et al., 2014; Zabala et al., 2009). Bien que ces variables soient présentées ensemble dans des recensions des écrits, les études sur leurs interrelations sont plus disparates.

Lien entre les variables de la perspective des aidants, l’expérience d’aidant et l’EE :

Perception des symptômes : Plusieurs recherches ont trouvé un lien positif entre

l’expérience d’aidant et la perception des symptômes par les proches (Gonzalez, Padierna, Martin, Aguirre, & Quintana, 2012; Martin et al., 2013; Padierna et al., 2013). Par ailleurs, la perception des symptômes est positivement associée à la fois à la SIE et aux CC (Kyriacou et al., 2008a). Enfin, une diminution de la perception des symptômes après une intervention pour les proches est aussi positivement associée à une diminution dans les niveaux de SIE (Uehara et al., 2001).

Détresse psychologique : La section sur la détresse psychologique a identifié plusieurs

études à devis transversal qui ont montré une relation positive entre les aspects négatifs expérience d’aidant et des niveaux de détresse psychologiques plus élevés chez les proches (Raenker et al., 2013; Sepulveda et al., 2012; Treasure et al., 2001). Une étude très récente a aussi confirmé le lien positif entre la détresse psychologique et le niveau d’EE chez les parents d’adolescents anorexiques (Schwarte et al., 2017). Plus spécifiquement, Duclos et al. (2014) ont trouvé un lien positif entre la détresse psychologique et chacune des dimensions de l’EE, donc avec la SIE et les CC.

Sentiment de compétence parentale et perception des relations familiales : Le

sentiment de compétence parentale est associé à la façon dont les parents interagissent avec leur enfant (Slagt et al., 2012) et nous pourrions faire l’hypothèse que cette façon d’interagir est proche de l’EE dans le contexte de l’anorexie mentale. Aussi, les difficultés liées au rôle d’aidant sont associées à plus de dysfonctionnements familiaux (Dimitropoulos et al., 2008).

Lien entre EE et expérience d’aidant :

Quelques recherches ont mis en lien l’expérience d’aidant des proches de personnes souffrant d’anorexie mentale avec leur niveau d’EE. Leurs résultats montrent que les proches avec un niveau élevé d’EE rapportent des scores globaux plus élevés d’aspects négatifs dans leur expérience d’aidant que ceux avec un niveau d’EE bas (Kyriacou et al., 2008a; Sepulveda et al., 2012). Aussi, il existe un lien bidirectionnel entre les scores globaux des aspects négatifs de l’expérience d’aidant et les deux dimensions de l’EE (Coomber & King, 2012, 2013; Kyriacou et al., 2008a). La façon dont les parents vivent leur rôle d’aidant serait donc en lien

avec la façon dont ils interagissent avec leurs enfants sur le plan de la surimplication émotionnelle et des commentaires critiques.

Les études portant exclusivement sur les adolescents sont cependant peu nombreuses en ce qui concerne le lien entre EE et l’expérience d’aidant. Une étude portant sur les proches de jeunes adultes atteints d’anorexie mentale et ayant une longue durée d’évolution a suggéré que parmi les aspects négatifs de l’expérience d’aidant, la perception des comportements difficiles et des symptômes négatifs présentés par les personnes atteintes contribuent aux CC et à la SIE des proches (Kyriacou et al., 2008a). Néanmoins, pour les besoins de l’étude, les auteurs n’avaient pas intégré les autres aspects négatifs et positifs de l’expérience d’aidant. Au-delà de cette recherche spécifique, les échantillons des études s’intéressant au lien entre l’expérience d’aidant et l’EE sont jusqu’à présent majoritairement constitués de jeunes adultes suivis à l’externe et pour lesquelles la durée d’évolution des troubles est très variable. Il importe donc d’explorer s’il s’agit des mêmes aspects de l’expérience d’aidant qui expliquent le mieux les dimensions de l’EE chez les parents d’adolescent atteint d’anorexie mentale et au début du trouble.

Une autre limite méthodologique des études ayant porté sur le lien entre l’EE et l’expérience d’aidant est que les échantillons sont souvent constitués de personnes souffrant de plusieurs types de troubles des conduites alimentaires. Or, la littérature suggère que l’expérience des aidants varie selon qu’ils ont à charge des personnes souffrant d’anorexie mentale ou de boulimie (Santonastaso, Saccon, & Favaro, 1997). D’autres particularités méthodologiques sont dégagées de la littérature. Par exemple, les proches interrogés sont nettement plus souvent des mères que des pères ou des conjoints et les échantillons d’aidants ne font pas systématiquement la différence entre le statut dans la famille (parent, fratrie,

conjoint). Parfois les analyses sont effectuées sur l’ensemble des sujets sans considérer le fait que certains prennent soin d’un même individu. Par ailleurs, certaines recherches mesurent l’EE comme un tout sans distinguer les deux dimensions que sont les CC et la SIE alors qu’elles reflètent des réalités cliniques très différentes. De récentes études recommandent d’avoir une approche distinguant les résultats obtenus par les mères et les pères (Anastasiadou, Cuellar-Flores, et al., 2014), de prendre en compte le vécu des aidants au début du trouble, ainsi que les aspects positifs de l’expérience d’aidant peu explorés jusqu’à maintenant (Hibbs et al., 2015).

Justification de l’étude

Le modèle cognitif et interpersonnel de maintien de l’anorexie mentale présenté en première partie de l’introduction identifie quatre facteurs de maintien, dont la réaction de l’entourage au trouble (Schmidt & Treasure, 2013). Ce dernier facteur a été mesuré en utilisant le concept d’EE dans diverses recherches. Par ailleurs, plusieurs études prospectives ont montré l’effet prédictif négatif de l’EE des proches sur l’évolution du trouble chez la personne atteinte (Duclos et al., 2012), tout en étant sensible à l’intervention (Uehara et al., 2001). L’EE des parents représente donc une cible thérapeutique atteignable et modulable ce qui en fait une variable d’intérêt centrale lorsqu’il s’agit de l’anorexie mentale. L’EE est aussi associée à l’expérience d’aidant, tout comme à la perception des symptômes et à la détresse psychologique des proches; trois éléments qui font partie intégrante de la perspective des parents. Sachant que la plupart de ces études portaient sur des personnes dont le trouble évoluait depuis plusieurs années, il nous apparait pertinent de nous intéresser à l’EE des parents au début du trouble chez des adolescents, ainsi qu’aux différents facteurs qui peuvent

y être associés. Il faut souligner que les difficultés que vivent les aidants sont associées à plus de détresse chez la personne atteinte de troubles des conduites alimentaires, ce qui participerait à l’augmentation de ses symptômes (Goddard et al., 2013; Treasure & Schmidt, 2013). Considérant aussi le rôle de l’EE dans l’évolution et le traitement du trouble, il parait essentiel d’approfondir la compréhension des éléments qui y sont associés et ce d’autant plus que, plus les parents sont en bonne santé physique et mentale, plus ils seront à même de prendre soin de leur enfant souffrant (Martin et al., 2013).

Présentation de l’étude

La présente étude s’intéressera donc à l’EE des mères et des pères d’adolescents hospitalisés pour une anorexie mentale au début de la maladie et visera à pallier à certaines des limites citées ci-dessus. L’EE sera considérée comme la variable dépendante considérant le fait qu’elle reflète un aspect interactionnel entre les parents et leur enfant et qu’elle joue un rôle dans le maintien du trouble. Notre étude vise donc à mieux cerner la relation entre l’EE, l’expérience d’aidant et d’autres éléments de la perspective des parents soit : la perception du trouble, le niveau de détresse psychologique, le sentiment de compétence parentale ainsi que la perception des relations familiales. À ce jour, ces dimensions n’ont encore jamais été étudiées ensemble chez les parents d’adolescents atteints d’anorexie mentale au début de leur première hospitalisation.

La visée principale de l’étude est de dresser un portrait différencié des mères et des pères des adolescents hospitalisés pour anorexie mentale au début du trouble. Le premier objectif est d’avoir une description plus détaillée du lien entre l’expérience d’aidant et l’EE

des parents dans ce contexte. Le premier article empirique, qui est le deuxième article de cette thèse, se concentrera tout d’abord sur une description des caractéristiques d’aidant, des aspects négatifs et positifs de leur expérience d’aidant et des niveaux d’EE des parents. Dans un second temps, il visera à clarifier le lien entre l’ensemble des aspects de l’expérience d’aidant et l’EE des parents afin de cerner quels éléments du rôle d’aidant contribuent le plus aux CC et à la SIE des parents. En nous appuyant sur les études existantes, nous formulons les quatre hypothèses suivantes : i) les parents rapporteront majoritairement des niveaux d’EE bas ; ii) les mères auront des niveaux d’aspects négatifs de leur expérience d’aidant et de SIE plus élevés que les pères ; iii) les aspects négatifs de l’expérience d’aidant seront positivement corrélés aux deux dimensions de l’EE; iv) parmi les aspects négatifs de l’expérience d’aidant, les comportements difficiles et les symptômes négatifs contribueront le plus aux CC et à la SIE des parents.

Le deuxième objectif de l’étude est d’observer comment les différents éléments de la perspective des parents, identifiés comme des variables secondaires4, influencent le lien entre les aspects négatifs de l’expérience d’aidant et de l’EE. Un deuxième article empirique s’attardera dans un premier temps à compléter le portrait des parents au début du trouble et dans un second temps à mesurer les effets médiateurs de ces variables secondaires sur le lien entre les aspects négatifs du rôle d’aidant et les dimensions de l’EE. Considérant les éléments présents dans la littérature, nous pouvons émettre deux hypothèses : i) la détresse psychologique a un effet médiateur sur le lien entre les aspects négatifs de l’expérience

4 Les variables dites secondaires sont : la perception des symptômes, la détresse psychologique, le sentiment de

compétence parentale et la perception du fonctionnement familial. Elles sont nommées comme telles afin de les distinguer des deux concepts centraux de la thèse que sont l’expérience d’aidant et l’EE.

d’aidant et les dimensions de l’EE; ii) la perception des symptômes a un effet médiateur sur le lien entre les aspects négatifs de l’expérience d’aidant et les dimensions de l’EE. La conceptualisation actuelle et les données dans la littérature scientifique ne permettent pas l’élaboration d’hypothèses en ce qui concerne le sentiment de compétence parentale et la perception des relations familiales. Par conséquent, une approche exploratoire sera privilégiée pour ces eux dernières variables.

Chapitre 2 : Expérience d’aidant et émotion exprimée de

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