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3. La problématique

3.4 Synthèse et commentaires

Même si plus de 50% des notices de Beethoven et Bruckner comportent un titre uniforme, la pratique n’est visiblement pas généralisée. Le problème est double : d’une part on constate – à quelques exceptions près – la non-uniformisation du titre uniforme lorsque qu’il est présent. D’autre part, il n’est pas toujours clair si le titre uniforme doit représenter l’œuvre musicale ou peut-être une autre entité (expression, version de l’œuvre, titre d’un recueil) qui pourrait être utile à l’usager. La difficulté est à la fois musicologique et bibliothéconomique et les cas problématiques que nous avons exposés démontrent la difficulté de décrire ces cas à l’aide d’une simple chaîne de caractères66.

Il convient de préciser que les exemples donnés ci-dessus ne représentent en aucun cas une critique des institutions mentionnées. Il s’agit plutôt d’une description de l’emploi du titre uniforme, parfois de manière insatisfaisante. Les raisons sont multiples : des migrations de métadonnées plus ou moins réussis, des outils de catalogage mal adaptés, la taille de la collection musicale au sein de la bibliothèque, des connaissance musicales insuffisantes et ainsi de suite.

Par ailleurs, la politique de catalogage peut avoir également une part de responsabilité. Prenons par exemple les règles de catalogage de RERO67, d’après lesquelles l’emploi du titre

uniforme n’est pas obligatoire, bien que recommandé. Par ailleurs, « [s]i le temps et/ou les compétences nécessaires à ces vérifications manquent, on ne saisit pas de titre uniforme » (RERO 2011, (5) 25.25A). En outre, une autre règle de non-création d’un titre uniforme discuté plus haut (2.2.1.3) est valable également ici : « lorsque le titre uniforme est identique au titre propre, on ne fait pas d'entrée au titre uniforme » (RERO 2011, (5) 25.25B).

Selon les mêmes règles, lorsqu’une manifestation contient plus de trois œuvres de même type (sonates, par exemples) et du même auteur, on utilise la forme ou le genre comme titre uniforme. Quelle serait la raison d’une telle directive ? Il nous est malheureusement impossible de juger la pertinence de ces règles sans connaitre le contexte de leur rédaction. Toutefois, sur le plan conceptuel, un titre uniforme ne remplit pas sa mission s’il n’est pas présenté de façon uniforme dans toutes les notices bibliographiques.

Nous avons choisi d’utiliser le terme « titre uniforme » pour des raisons pragmatiques ; il s’agit toujours d’un terme très utilisé malgré ce que préconisent les règles RDA. Même lorsqu’il est obligatoire et construit selon toutes les règles de l’art, ce terme se réfère à plusieurs réalités distinctes Comme nous avons pu le découvrir par le biais de notre échantillon de sept bibliothèques, le titre uniforme peut apparaitre sous la forme d’une simple chaîne de caractères (découvrable par l’OPAC ou pas), un hyperlien qui permet de réunir toutes les manifestations qui y sont attachées, ou encore un hyperlien vers une notice d’autorité locale ou externe. Il peut également contenir beaucoup d’attributs qui contribuent à l’identification de l’œuvre (et

66 Cela malgré la bonne volonté des catalogueurs : « Discussions of the proper formatting and

encoding of a uniform title might generate more than a week’s worth of discussion on cataloguing email lists. » (Allison-Cassin 2016, p. 184)

L’identification des œuvres musicales : du titre uniforme au Linked Data

faciliter la recherche, si ces attributs sont utilisés comme mots-clés) ou se contenter d’une représentation succincte, laissant ces attributs à la notice d’autorité.

Dans le cas où le titre uniforme devient un hyperlien pour un regroupement de manifestations, il inclut souvent les éléments additionnels (arrangements, réductions, extraits, etc.). De ce fait il regroupe les expressions de l’œuvre mais pas l’œuvre elle-même. Cette option n’est pas forcément meilleure ou moins bonne que le regroupement par œuvre ; le problème est plutôt le choix opéré qui nous oblige à préférer une entité à une autre.

A notre avis, le groupe d’entité WEMI ne devrait pas – dans l’idéal – impacter uniquement la description bibliographique ; il devrait permettre également au lecteur suivre la même logique. Nous pouvons imaginer un nouveau type de recherche avancée qui commencerait par la recherche de l’œuvre puis continuerait en ajoutant des filtres (par facettes, par exemple) afin de choisir l’expression souhaitée. Ensuite, l’usager pourrait identifier la manifestation qui lui convient avant de localiser l’exemplaire disponible.

La recherche dans les notices d’autorités disponibles à travers la recherche avancée de la BNF (voir 2.2.2) propose une expérience similaire, même si l’étape de l’expression fait défaut. Cependant, cela est sans doute une conséquence inévitable de la notion problématique de l’expression. En effet, le modèle place au même niveau les expressions « créatives » (versions de l’œuvre, arrangements), les expressions « d’utilité » (réductions, adaptations) et les expressions de « format » (musique notée ou enregistrée), entre autres catégories d’expressions dérivatives. Telle qu’elle est décrite dans le modèle FRBR/LRM, l’expression contribue inévitablement à une certaine confusion.

Nos trois exemples de recherches problématiques démontrent également l’absence d’une autre catégorie, à savoir celle qui concerne les expressions qui proviennent du compositeur lui-même (les deux versions de la huitième symphonie de Bruckner, par exemple), qui peuvent à leur tour générer d’autres expressions (un enregistrement, par exemple ; voir exemple à la figure 27). Si nous tenons à cette séparation, c’est que nous jugeons que ce genre d’expressions devraient devenir des points d’accès à part entière, tout en maintenant leur position hiérarchique vis-à-vis à l’œuvre originale.

Figure 27 : Exemple d’expressions « intermédiaires »

Il se pourrait toutefois qu’au lieu de complexifier le modèle FRBR/LRM, il conviendrait plutôt de choisir un modèle plus souple ou plus généraliste, voire chercher un autre moyen de de décrire les œuvres musicales – ce que nous tentons de faire dans les prochains chapitres.

Bruckner : Symphonie n° 8

Bruckner : Symphonie n° 8 (version de 1887) Bruckner : Symphonie n° 8 (version de 1890)

Œuvre

Arrangements Enregistrements Arrangements Enregistrements

Expressions

L’identification des œuvres musicales : du titre uniforme au Linked Data

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