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Synthèse et caractérisation d’un nouveau borosilicate de calcium

VI. 1. Contexte de l’étude

Cette phase a été observée pour la première fois par Bauer [1] dans une étude portant sur exploration du diagramme de phase Ca2Al2SiO7-Ca2B2SiO7. Cristallisant pour des compositions de verre riches en bore (Ca2Al2-xBxSiO7 avec x#1,2) et sur des domaines de température restreints (Figure VI.1.), elle n’a pu être identifiée par l’auteur qui lui donna le terme générique de $ Phase X %. Le diagramme quaternaire CaO-Al2O3-SiO2-B2O3 [2] ne fait état d’aucune phase apparaissant dans ces domaines de composition.

En accord avec les travaux de Bauer, nous observons, par diffraction des rayons X sur poudre, la formation de la phase X pour de forts taux de substitution Al/B. La Figure VI.1 montre son apparition lors de la cristallisation d’un verre de composition 2CaO-0,2Al2O3-0,8B2O3-SiO2 (granulométrie < 80µm) observée par diffraction des rayons X in situ en température. Les conditions opératoires sont décrites dans le chapitre II. Les diffractogrammes acquis pendant 2 minutes durant la montée en température (rampe identique à celle utilisée en analyse thermique soit 10°C/min) ont été collectés jusqu’à 1000°C.

Tg

TC1 TC2

Figure VI.1 : Évolution des diagrammes de diffraction de rayons X acquis sur une poudre de verre de composition

2CaO-0,2Al2O3-0,8B2O3-SiO2 durant la montée en température (rampe 10°C/min). La courbe DSC obtenue sur le verre de même composition est visible dans le coin supérieur droit.

Au cours de la montée en température, on observe vers 740°C l’apparition de réflexions non indexées vraisemblablement attribuables à la cristallisation de la phase X. A partir de 810°C, les pics caractéristiques de la gehlénite au bore (de formule Ca2Al0,4B1,6SiO7) apparaissent et augmentent au détriment de la phase X. A 955°C cette dernière a pratiquement disparu, toutes les réflexions visibles sur le diffractogramme peuvent être indexées par la gehlénite au bore excepté les pics de diffraction observés à 25,5° et 35,2° (2&) provenant du creuset en alumine (porte-échantillon).

Ces observations sont en parfait accord avec les températures de cristallisation mesurées par analyse thermique (Chapitre III). Elles montrent cependant un fort recouvrement des pics de diffraction des deux phases identifiées et un domaine en température de cristallisation de la phase X (740-810°C) relativement restreint.

VI. 2. Synthèse de la phase X

Dans le but d’isoler la phase X, un recuit du verre de composition 2CaO-0,2Al2O3-0,8B2O3-SiO2 a été effectué à 750°C. Le temps de recuit, finalement fixé à 1h, a été ajusté afin de favoriser la cristallisation de la phase X en évitant l’apparition de la gehlénite au bore. La Figure VI.2 montre le diffractogramme acquis sur cet échantillon.

Figure VI.2 : Diffractogramme acquis sur un verre de composition 2CaO-0,2Al2O3-0,8B2O3-SiO2 recuit à 750°C (1h) présentant les réflexions attribuables à la phase X.

La bosse de diffusion centrée autour de 30° (2&) traduit une présence non négligeable de verre résiduel dans notre échantillon. De plus, le diffractogramme présente des largeurs à mi-hauteur importantes (0,209° pour le pic situé à 30,7°) qui semblent indiquer que la phase X cristallise sur des domaines de faible taille ou possède de fortes contraintes. Une comparaison de ces données expérimentales avec celles répertoriées dans la base de donnés PDF (Powder Diffraction File) fournie par l’ICDD n’a pas permis d’identifier cette phase.

Pour obtenir la composition chimique de cette phase, l’échantillon a été caractérisé par Microscopie Electronique en Transmission (MET) couplée à un système d’analyse par Spectrométrie à Dispersion d’Energie (EDS).

c)

Cristallite

d)

phase X Verre résiduel Membrane carbone

200 nm 200 nm

a) b)

Figure VI.3 : Image MET prise en champ clair (a) et champ sombre (b) d’un même éclat de verre de composition

2CaO-0,2Al2O3-0,8B2O3-SiO2 recuit 1 heure à 750°C. Analyses EDS (d) effectuées sur une cristallite de phase X et du verre résiduel (c). L’étoile (*) indique la présence entre 0,2 et 0,4 keV de la raie L' du Calcium et/ou de la raie K' du carbone de la grille

et/ou de la raie K' du Bore. La détection de la raie L' du cuivre provient de la grille qui supporte l’échantillon.

La Figure VI.3 (a, b, et c) présente des images d’un grain de poudre de notre échantillon au sein duquel sont visibles des domaines de phase X englobés d’un verre résiduel. Les observations effectuées par MET confirment les faibles tailles des cristallites, de l’ordre de quelques centaines de nanomètres. Ces cristallites se forment dans une matrice vitreuse qui représente la majorité de notre échantillon. Des analyses élémentaires par pointés EDS ont été réalisées sur plusieurs cristallites de phase X et montrent la présence de calcium, de silicium et d’oxygène (Figure VI.3 (d)). Il est intéressant de noter que cette phase ne semble pas contenir d’aluminium. Compte tenu de la faible énergie de la raie K' du bore (0,18 keV) et

de la taille des domaines analysés, il nous est difficile d’affirmer que cet élément entre dans la composition de la phase X. La quantification des spectres EDS montre un rapport systématique Ca/Si égal à trois. Cette information s’avèrera précieuse lors des tentatives de synthèse de la phase X réalisées ultérieurement.

Afin de confirmer ou d’infirmer la présence de bore dans la phase X, des mesures par spectrométrie de perte d’énergie (Electron Energy Loss Spectroscopy) ont été réalisées au Centre Pluridisciplinaire de Microscopie Electronique et de Microanalyse (Université d’Aix-Marseille – Faculté des Sciences et techniques de Saint-Jérôme). Cette technique couplée à un MET permet d’estimer la composition élémentaire d’un échantillon et s’avère très efficace pour observer les éléments légers. Elle est basée sur la mesure des pertes d’énergie des électrons incidents diffusés inélastiquement.

Sur les spectres de perte d’énergie effectués sur plusieurs cristallites de phase X, des pics correspondant aux seuils d’excitation des niveaux atomiques attribuables au bore (B-K à 188 eV) et au calcium (Ca-L2,3 346 eV) ont été observés. Ces mesures nous permettent de conclure sans ambiguïté que la phase X contient du bore. Malheureusement l’échantillon n’étant pas stable sous le faisceau d’électrons, aucune quantification n’a pu être réalisée.

En résumé, les informations collectées par diffraction des rayons X et microscopie électronique en transmission nous enseignent que la phase X, est un borosilicate de calcium non référencé possédant un rapport atomique Ca/Si de 3. Pour en préciser la composition, une méthode de synthèse par essai – erreur a été entreprise en variant la teneur en bore dans nos verres et en conservant le rapport Ca/Si à 3. De nombreuses formulations (3CaO.SiO2.xB2O3) ont été testées et systématiquement caractérisées par diffraction des rayons X in situ en température afin de déterminer pour chaque composition la pureté, la cristallinité et le domaine de stabilité en température de la phase X. A titre d’illustration, l’évolution en fonction de la température des diffractogrammes acquis sur le verre de composition 3CaO.SiO2.B2O3 (x=1) est visible sur la Figure VI.4.

Figure VI.4 : Evolution des diagrammes de diffraction acquis in situ en température sur un verre de composition

3CaO.SiO2.B2O3.

Pour la plupart des formulations testées, on observe que la cristallisation de la phase X s’accompagne de la formation d’un borosilicate de calcium de formule Ca11Si4B2O22 (fiche JCPDS 33-0304) [3]. Ces phases coexistent sur un large domaine de température avant l’apparition de wollastonite 2M (fiche JCPDS 27-0088) [4] à des températures variant selon la composition du verre caractérisé. La cristallisation de la wollastonite (CaSiO3) s’accompagne d’une forte diminution des réflexions attribuées à la phase X qui semblent se dédoubler (flèche sur la Figure VI.4).

Il est intéressant de noter que le borosilicate de calcium (Ca11Si4B2O22) dont l’apparition est associée à la cristallisation de la phase X, affiche un rapport Ca/Si proche de trois et semble présent en plus grande quantité pour les compositions moins riches en bore. Cette observation nous a conduits à augmenter la teneur en oxyde de bore dans nos verres, afin d’inhiber sa formation (Figure VI.5).

Figure VI.5 : Diagrammes de diffraction de rayons X acquis in situ en température pour différentes compositions de verre.

Les compositions dont le pourcentage molaire nominal en oxyde de bore est supérieur à 22% (3CaO.SiO2.xB2O3 avec x#1,15) n’ont pu être vitrifiées. La cristallisation de silicates et borates de calcium semble en effet inévitable quelles que soient les vitesses de trempe utilisées.

Finalement, l’ensemble des résultats de cette étude tend à montrer que la phase X a une composition nominale très proche de Ca3SiB2O8, la plaçant sur une ligne pseudo binaire reliant les composés CaSiO3 et Ca2B2O5 dans le diagramme de phase ternaire CaO-SiO2-B2O3 [5] (Figure VI.6). Ce diagramme de phase, d’un intérêt certain pour la communauté des géologues et de l’industrie verrière, a fait l’objet d’études portant essentiellement sur la partie riche en CaO. Ainsi, les travaux de Suzuki [3] et Fletcher [6] ont montré que la substitution du silicium par du bore conduit à une solution solide partielle de type Ca2-0,5x[SiO4]1-x[BO3]x (0 x 0,33) et permet de stabiliser les polymorphes du silicate de calcium Ca2SiO4.