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Synthèse du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane

Il existe différentes voies de synthèse pour former le 1,4-diéthynylbicylo[2.2.2]octane. Ce chapitre vise à les analyser afin de comprendre les choix qui ont été faits au laboratoire pour mettre en place la synthèse de cette molécule au cœur de tous les projets. Nous aborderons aussi les nombreuses évolutions apportées à cette synthèse au cours des trois dernières années, non pas dans la conception et la séquence réactionnelle qui restent inchangées, mais plutôt dans la mise en œuvre des réactions et le traitement des différents intermédiaires réactionnels afin d’augmenter les quantités synthétisées et d’optimiser les rendements. Cette partie sera aussi l’occasion d’aborder la synthèse des analogues à base de cyclohexane qui aideront à la compréhension des propriétés physiques des systèmes incorporants le 1,4-diéthynylbicylo[2.2.2]octane.

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I – Tour d’horizon des voies de synthèse existantes

La synthèse de dérivés substitués de bicyclo[2.2.2]octanes en position 1 et 4 est connue depuis les travaux de H.D. Holtz et L. M. Stock en 196436. Ils ont notamment décrit l’obtention de bicyclo[2.2.2]octanes dont les hydrogènes en position 1 et 4 ont été substitués par différents groupements tels que des halogènes (brome et chlore), alcools, acides carboxyliques, méthyles, phényles, nitriles. Mais ce n’est qu’en 2008 que le groupe de M. A. Ratner et M. R. Wasielewski décrit une première synthèse totale du motif 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane37 (Schéma 1).

Schéma 1 : Synthèse n°1 du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane décrite par M. A. Ratner et M. R. Wasielewski. ((a) KOC2H5, EtOH, 55%; (b) (1) NaH, DME, (2) C2H4Br2, 71%; (c) HS(CH2)3SH, BF3Et2O, CHCl3, 80%; (d) Ni Raney, EtOH, 98%; (e)LiAlH4, Et2O, 89%; (f) Chlorure d’oxalyle, DMSO, CH2Cl2, quant.; (g) CBr4, PPh3, Zn, CH2Cl2, hexane, 53%; (h) n-BuLi, THF,

76%)

Cette synthèse fait appel à une réaction de Wolfrom pour permettre l’obtention du diol

6, cependant ce n’est pas la seule méthode permettant de conduire à ce composé. En effet, dans leur article de 1964, H. D. Holtz et L. M. Stock font appel à une réduction de

36 H. D. Holtz, L. M. Stock, J Am Chem Soc 1964, 86, 5183-5188.

37 R. H. Goldsmith, J. Vura-Weis, A. M. Scott, S. Borkar, A. Sen, M. A. Ratner, M. R. Wasielewski, J Am Chem Soc

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Kishner pour permettre la réduction des cétones36. Cela conduit à une seconde voie de synthèse du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 938 (Schéma 2).

Schéma 2 : Voie de synthèse n°2 reconstruite à partir de la littérature par mon prédécesseur C. Lemouchi.

Cette seconde voie se fait avec une étape supplémentaire et fait intervenir la protection des cétones par des acétals (contre des thioacétals dans la première voie). Cela permet de réduire les deux esters éthyliques sans dégrader les cétones. Après avoir obtenu le diol 6, les acétals sont déprotégés pour permettre la réduction des cétones par une réaction de Wolff-Kishner.

A ce jour, seul ces deux voies de synthèse, décrites dans la littérature, permettent d’obtenir le motif 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9. Comparons-les afin de justifier le choix de la voie développée au laboratoire.

Elles commencent par deux étapes communes. La première consiste en la formation d’un premier motif cyclohexane 1 à partir de la condensation de Dieckmann de deux molécules de succinate de diéthyle. La seconde est l’introduction de la troisième pale du rotor par réaction en milieu basique du diester avec du 1,2-dibromoéthane.

38 C. Lemouchi, C. S. Vogelsberg, L. Zorina, S. Simonov, P. Batail, S. Brown, M. A. Garcia-Garibay, J Am Chem Soc

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A partir de là, les deux voies diffèrent quelque peu (Schéma 3), même si l’idée globale de la réaction reste la même. La synthèse consiste en une protection des fonctions cétones (par des thioacétals pour la voie 1, par des acétals pour la voie 2).

Schéma 3 : Différences entre les deux voies de synthèse dans l'obtention du diol.

Lors de la réalisation selon la voie 1, le dithioacétal 3’ est engagé dans une réaction de Wolfrom afin d’éliminer les deux cétones. Cette réaction fait intervenir du Nickel de Raney qui demande beaucoup de précautions pour permettre son utilisation (du fait de ses propriétés pyrophoriques). Puis le diester 4’ obtenu est réduit par action de l’hydrure d’aluminium et de lithium pour conduire au diol 6, commun aux deux voies de synthèse.

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La voie 2, quant à elle, fait intervenir la réduction des esters avant celle des cétones, car les conditions réactionnelles ne permettent pas de réaliser la réduction des cétones en présence des fonctions ester éthylique. C’est pourquoi les esters sont d’abord réduits par réaction avec de l’hydrure d’aluminium et de lithium. Le diacétal 4 obtenu est ensuite déprotégé en milieu acide pour libérer les deux fonctions cétones. Le dérivé dicarbonylé 5 est alors engagé dans une réaction de Wolf-Kishner pour obtenir le diol 6.

Une fois le diol 6 obtenu, les deux voies de synthèse se rejoignent. Le dérivé cible est ensuite obtenu par un enchainement de deux réactions : une oxydation de Swern pour conduire au dialdéhyde 7, suivie d’une réaction de Corey-Fuchs pour former les deux alcynes (cela passe par la formation d’un dérivé tétrabromé 8 par réaction avec de la triphénylphosphine et du tétrabromure de carbone puis l’élimination des bromes par action de n-butyllithium) (Schéma 2).

Ces deux méthodes de synthèse ne diffèrent donc que dans la méthode de réduction des cétones : soit une réaction de Wolfrom, soit de Wolf-Kishner. L’ensemble des projets décris dans ce manuscrit nécessitent l’utilisation du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9. Par conséquent, il est nécessaire de pouvoir le synthétiser en grande quantité, de la manière la plus efficace possible. La réaction de Wolfrom nécessite du Ni Raney, qui est un catalyseur dangereux et onéreux. La synthèse de quantités importantes de 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9 engendrerait la manipulation et la consommation d’une quantité conséquente de ce catalyseur. Le coût et la dangerosité de la manipulation d’un tel catalyseur dans une réaction à grande échelle ont convaincu d’opter pour la stratégie faisant intervenir la réduction de Wolff-Kishner, qui, bien que comportant un nombre plus important d’étapes, permet d’obtenir le 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9 dans des conditions moins dangereuses et moins onéreuses.

II – Synthèse adoptée au laboratoire

Cette voie de synthèse mise au point durant les travaux de thèse de Cyprien Lemouchi est réalisée suivant l’enchainement réactionnel décrit ci-dessous (Schéma 4). Bien que le schéma réactionnel n’ait pas été modifié, les conditions expérimentales ont été largement optimisées, ce qui a permis d’améliorer significativement les rendements tout en augmentant

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de manière importante les quantités traitées. Comme nous l’avons vu plus haut, cette synthèse consiste en une séquence de neuf étapes qui permet l'obtention de plusieurs grammes de produit.

Schéma 4 : Vue d'ensemble de la synthèse du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9 mise au point au laboratoire.

Concernant la première étape, il s'agit d'une condensation de Dieckmann (Schéma 5). A l'origine la procédure expérimentale utilisée faisait appel à du 1,2-diméthoxyéthane (DME) (solvant plus toxique que le DMSO). Ce protocole a été remplacé en faveur d’un autre, inspiré d'un article de 2007 dans lequel le DMSO est utilisé comme solvant de synthèse.39 La voie employée par Y. W. Zhang et J. Christoffers a néanmoins été optimisée (chauffage allongé à une durée de 12h contre 1h30 à l’origine) pour permettre le traitement de quantités plus importantes de succinate de diéthyle, tout en maximisant le rendement. Ainsi, nous obtenons

1 avec un rendement accru de 78 % à 98 % après recristallisation tout en éliminant le DME de la manipulation.

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Schéma 5 : Condensation de Dieckmann et greffage de la troisième pale menant à la formation du motif bicyclo[2.2.2]octane.

La seconde étape de cette synthèse consiste à former le motif bicyclo[2.2.2]octane en faisant réagir le composé 1 avec le 1,2-dibromoéthane (Schéma 5). Pour ce faire, le dérivé 1

réagit tout d'abord avec de l'hydrure de sodium pour former le di-anion qui réagira ensuite avec le dibromoéthane. Cette manipulation nécessite l’utilisation d’un large excès de 1,2-dibrométhane (30 équivalents) dans la mesure où les rendements diminuent lors de l’utilisation de quantités raisonnables du dérivé halogéné. Néanmoins, le 1,2-dibromoéthane en excès peut être recyclé / réutilisé lors d'une manipulation ultérieure. Il est à noter qu’aucune amélioration du rendement de cette étape n’a pas observé (de 85 % à 88 %), en revanche, la quantité traitée a été largement augmentée. En effet, la quantité engagée dans une réaction s’est vue multipliée par 3, passant de 32 g à 94 g mis en réaction, permettant d’obtenir presque 91 g de produit pur 2.

Les trois réactions suivantes font intervenir une stratégie de protection / déprotection des cétones par des acétals permettant la réduction sélective des deux esters éthyliques en leurs alcools correspondants (Schéma 6).

Schéma 6 : Stratégie de protection / déprotection des cétones par des acétals en vue de la réduction des deux esters éthyliques en leurs alcools méthyliques correspondants.

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Tout d'abord, les deux cétones sont protégées par des acétals grâce à une réaction avec de l'éthylène glycol en présence d'une quantité catalytique d'acide para-toluène sulfonique (Schéma 6). On obtient ainsi une huile jaune claire 3 qui cristallise après plusieurs jours sous pression réduite (vide primaire). Cette étape est relativement capricieuse et nécessite parfois d’être relancée afin de maximiser le rendement. L’équilibre de la réaction est favorisé dans le sens de la formation des acétals par l’utilisation d’un Dean Stark afin d’éliminer l’eau formée au cours de la réaction. Au bilan, la pratique répétée de cette réaction permet d’atteindre un rendement de 77 %. En traitant 55 g de produit 2 (contre 49 g initialement) on peut ainsi isoler 55 g de diacétal 3.

Le produit 3 est ensuite engagé dans une réaction de réduction en présence de LiAlH4

dans l'éther diéthylique anhydre (Schéma 6). L’hydrure d’aluminium et de lithium est particulièrement dangereux à manipuler et s’enflamme violement au contact de traces d’eau. Il est disponible sous forme de sachets de 25 g de fine poudre grise. Afin d’éviter le stockage de sachets entamés, la quantité de diester 3 a été adaptée pour consommer entièrement les 25 g de LiAlH4. Cela nécessite donc d’engager pas moins de 110 g de diester. Même si, la réaction fonctionne plutôt bien, le traitement du brut réactionnel s’avère plus difficile. En effet, la molécule obtenue présente une très bonne affinité avec l'eau, donc l'extraction n'est pas aisée. De plus, la formation d'hydroxyde de lithium et d'hydroxyde d'aluminium au cours de la réaction engendre la formation d'un précipité laiteux qui ne peut être éliminé que par ajout d'acide. Mais l'ajout d'acide chlorhydrique pose un autre problème : celui de la déprotection des cétones qui s'effectue elle aussi dans un milieu acide. A l'origine, pour récupérer le maximum de produit la phase aqueuse était intégralement évaporée sous pression réduite, et le diol restant dans le résidu solide obtenu était extrait à l'aide d'un soxlet. Le professeur Jérôme Lacour avait fait remarquer lors de la soutenance de thèse de Cyprien Lemouchi, qu’évaporer à sec cette phase aqueuse pouvait se révéler particulièrement dangereux, c’est pourquoi nous avons cherché une alternative à ce traitement. Dorénavant, la phase aqueuse est extraite environ 5 fois par de l'acétate d'éthyle. Le mélange hétérogène étant chauffé à reflux et agité à l’aide d’un moteur afin d'aider à l'extraction d'un maximum de produit. Le rendement de cette réaction, passant de 93 % à 85 % s’est donc vu légèrement diminué par rapport aux anciennes méthodes de traitement employée au profit d’un protocole garantissant plus de sécurité. Ainsi, les 110 g de diester 3 permettent l’obtention de 85 g de diol diacétal 4.

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L'étape suivante est la déprotection des deux cétones (Schéma 6). Elle s'effectue dans une solution aqueuse d'acide chlorhydrique à 0.1 mol.L-1 chauffée à reflux durant 3 jours. Réalisée à l’échelle de 10 g de diacétal 4, elle peut désormais l’être sur des quantités bien supérieures (jusqu’à une cinquantaine de grammes). Afin de s’assurer d’atteindre un rendement maximal, il est préférable de laisser le chauffage sur une durée plus longue pour que la totalité de produit soit déprotégé lors de cette manipulation. D’autant que le chauffage à reflux prolongé n’a pas donné de signe d’une dégradation du produit. Cela permet donc d’obtenir environ 40 g d’une huile jaune claire du diol déprotégé 5 avec un rendement quantitatif.

L'étape suivante est une réduction de Wolff-Kishner qui a pour but d'éliminer les deux cétones (Schéma 7). Elle est inspirée d’une procédure succinctement décrite en 1964.40

Schéma 7 : Réduction des deux cétones par une réaction de Wolf-Kishner.

Cette réaction ne fonctionne pas forcément très bien et peut être considérée comme la réaction limitante de la synthèse du 1,4-diéthynybicyclo[2.2.2]octane. La réaction demandant une grande énergie d’activation, du diéthylène glycol (Teb = 245°C) est utilisé comme solvant.41 Le milieu réactionnel est chauffé à reflux durant 48h. De plus, afin de maximiser le rendement, la moitié de la quantité initialement introduite d’hydrazine et d’hydroxyde de potassium est ajoutée au milieu réactionnel après les premières 24 heures de chauffage. La récupération du produit désiré lors du traitement est délicate. Le diol 6 obtenu étant particulièrement soluble dans l’eau, il faut donc veiller à ne pas en utiliser de trop grandes quantités lors de l’extraction et des lavages. Le produit 6 peut être purifié par deux méthodes différentes : soit une recristallisation dans l’eau (environ 50ml pour une vingtaine de grammes de diol à recristalliser), soit par chromatographie sur gel de silice (qui s’apparente ici plus à une filtration sur silice). Ici encore, les quantités engagées se sont vues particulièrement

40 H. D. Holtz, L. M. Stock, J Am Chem Soc 1964, 86, 5183-5188. 41 L. J. Durham, D. J. Mc Leod, J. Cason, Org. Synth., 1963, 4, p510.

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augmentées, passant de 6 g à 52 g de produit 5, sans porter préjudice au rendement, amélioré de 6 % pour atteindre les 47% de produit recristallisé 6. Cette légère augmentation du rendement peut s’expliquer notamment par l’ajout de réactifs après 24 heures de chauffage (ce qui n’était pas le cas auparavant) qui favorise la réaction.

Une fois le diol 6 obtenu, les deux réactions suivantes, à savoir l’oxydation de Swern et la première étape de la réaction de Corey-Fuchs, vont permettre l'obtention du dérivé tétrabromé 8 stable (Schéma 8). Ces deux étapes doivent être réalisées l’une après l’autre sans délai car le dialdéhyde intermédiaire 7 n'est pas stable à l’air et ne peut pas être conservé.

Schéma 8 : Oxydation de Swern et première partie de la réaction de Corey-Fuchs.

Tout d'abord, il est nécessaire d’oxyder le diol 6 en dialdéhyde 7 correspondant. Pour obtenir ce produit, on fait appel à une oxydation de Swern. En effet, cette réaction permet de conduire uniquement au dialdéhyde, ce qui la rend particulièrement intéressante dans notre cas. Néanmoins, ce n'est pas la seule technique qui permet d'oxyder un alcool jusqu'à l'aldéhyde. On peut aussi citer l'utilisation de différents dérivés à base de chrome comme le réactif de Collins (CrO3, Pyridine), le Chlorochromate de Pyridinium (CrO3, Pyridine, HCl), le Pyridinium de Dichromate (Cr2O72-, 2 Pyridine, 2H+). Cette oxydation consiste tout d’abord en l’activation du diméthylsulfoxyde par le chlorure d’oxalyle, puis en la mise en réaction du réactif formé sur le diol 6. Il est important de travailler dans des conditions anhydres car la moindre trace d’eau risque d’hydrolyser le chlorure d’oxalyle, le rendant par là-même inefficace (cela se traduit par la formation d’un précipité blanc d’acide oxalique lors de la mise en solution du chlorure d’oxalyle dans le dichlorométhane). Notre intérêt principal dans l'oxydation de Swern réside dans le fait qu'elle ne libère que du diméthylsulfure facilement éliminé car très volatil (Teb = 37.3°C), du dioxyde de carbone et du monoxyde de carbone. Cela permet donc de limiter le nombre de produits secondaires présents dans le brut réactionnel en fin de réaction. La purification minutieuse du dialdéhyde 7 obtenu n’étant pas

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possible à cause de sa grande instabilité, la réaction est considérée comme quantitative. Le produit se présente sous la forme d'une l'huile jaune claire après extractions au dichlorométhane et lavages et doit être engagé directement dans l’étape suivante de synthèse du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane. Les conditions expérimentales de cette oxydation de Swern ont elles aussi évoluées : la quantité de diol 6 engagée est multipliée par deux pour atteindre 6 g. Il est à noter qu’à l’échelle du laboratoire, les quantités mises en jeu ne peuvent être augmentées d’avantage, car le produit formé doit être directement consommé dans l’étape suivante qui nécessite des quantités importantes de matériel (aussi bien en termes de verrerie que de solvants).

La réaction suivante de Corey-Fuchs abordée maintenant nécessite la formation d'un intermédiaire tétrabromé par réaction d’un ylure de phosphore avec l'aldéhyde (Schéma 8). Tout d'abord, il est nécessaire de former l'ylure qui va réagir avec l'aldéhyde 7. Pour ce faire, ce sont 64 g de tétrabromure de carbone qui sont dissous dans environ 600 ml de dichlorométhane. Plusieurs qualités de tétrabromure de carbone étant disponibles commercialement, il est nécessaire d’en utiliser un de bonne qualité exempt d’eau. Lors de la préparation de l’ylure, cette eau peut engendrer une réaction exothermique violente. Ensuite, la triphénylphosphine finement broyée est ajoutée au milieu réactionnel. Il est important que l'ylure ne précipite pas et que le milieu réactionnel reste limpide car, dans le cas contraire, il a été observé que la réaction ne fonctionnait pas. C'est pour cela qu'une si grande quantité de dichlorométhane doit être employée.

En ce qui concerne les quantités de tétrabromure de carbone et de triphénylphosphine utilisées pour cette réaction, elles sont calculées en considérant l'oxydation de Swern comme totale. Néanmoins, il est quand même nécessaire d'utiliser 2.7 équivalents par aldéhyde de tétrabromure de carbone et 5.7 équivalents par aldéhyde de triphénylphosphine. Ces excès sont nécessaires afin d'augmenter la vitesse de la réaction qui peut ainsi être achevée en 1h et limiter la dégradation du dialdéhyde 7. Cet excès de réactif présente aussi un point négatif : la purification du dérivé tétrabromé 8. En effet, après avoir extrait le produit avec du dichlorométhane, il est nécessaire de chromatographier le résidu visqueux obtenu. Cette colonne doit être réalisée avec un fritté d'une vingtaine de centimètre de diamètre contenant une dizaine de centimètre de silice. Il n’est pas judicieux de vouloir utiliser une colonne « conventionnelle », car la triphénylphosphine précipite, ce qui bouche la colonne. Eluer la totalité du produit nécessite environ 10 L d'hexane pur. Il n'est pas possible d'utiliser un

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mélange plus polaire comme l'éluant car la triphénylphosphine restante migre avec le produit voulu.

Après cette journée de 15 heures, le produit 8 pur et stable peut être conservé au congélateur. Ce sont notamment les quantités de solvant, la durée de réaction et les méthodes de purification qui se sont vues optimisées dans cette étape permettant d’améliorer le rendement de 65 % à 77 % tout en augmentant la quantité de produit final.

La deuxième partie de la réaction de Corey-Fuchs (et dernière étape avant l'obtention du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9) consiste en l'élimination des bromes du produit 8 par action du n-butyllithium dans du tétrahydrofurane distillé et refroidi à -78°C (Schéma 9). Ici encore, les quantités engagées ont été augmentées passant de 6 g à 12 g tout en gardant un très bon rendement de 96%.

Schéma 9 : Dernière étape de la réaction de Corey-Fuchs menant au 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9.

Ces trois dernières réactions (l’oxydation de Swern et les deux réactions du Corey-Fuchs) présentent des rendements reproductibles. En règle générale, on peut faire l'approximation qu'en partant de 6 g de diol 6, il est alors possible d’obtenir environ 12 g de dérivé tétrabromé 8 qui fourniront à terme 3 à 4 g de 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane 9

propre.

Cette synthèse en neuf étapes aura évolué ces trois dernières années (Tableau 2) permettant l’obtention de quantités plus importantes de 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane afin d’en satisfaire la demande croissante. Au bilan, ces évolutions se traduisent notamment par une augmentation importante du rendement global de ces neuf étapes de synthèse qui passe ainsi de 11.1% à 19.4%. Il est important d’être conscient que ce dérivé clé est à la base de tous les projets.

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Le 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane n’est cependant pas le seul dérivé diacétylénique qu’il nous est apparu nécessaire de synthétiser. En effet pour aider à la compréhension du comportement physique de nos systèmes, la synthèse de dérivés à base de cyclohexane s’est révélée cruciale.

60 E tap e 9 3 .8 g ( 9 6 %) 1 .9 g ( 9 5 %) E tap e 8 1 3 g ( 7 7 %) 9 .3 g ( 6 5 %) 1 2 g 6 g E tap e 7 (Qu an titativ e) (Qu an titativ e) E tap e 6 2 1 g ( 4 7 %) 2 .1 g ( 4 1 %) 6 g 3 g E tap e 5 4 1 g ( Qu an titativ e) 8 .5 g ( Qu an titativ e) 5 2 g 6 g E tap e 4 7 2 .3 g ( 8 5 %) 2 8 g ( 9 3 %) 52 g 1 0 g E tap e 3 5 5 g ( 7 6 %) 8 4 g ( 7 1 %) 1 1 0 g 3 9 g R ende ment Globa l sur le s 9 é tape s : 19.4 % 11.1 % E tap e 2 9 0 .8 g ( 8 8 %) 2 9 g ( 8 5 %) 5 5 g 9 0 g E tap e 1 1 4 3 .9 g ( 9 8 %) 2 0 0 g ( 7 8 %) 9 4 g 3 2 g 2 0 0 g 3 5 0 g

Tableau 2 : Récapitulatif des modifications dans la synthèse du 1,4-diéthynylbicyclo[2.2.2]octane (en rouge les travaux antérieurs, en vert les dernières évolutions).

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III – Les analogues à base de cyclohexane

1 – Pourquoi faire des systèmes à base de cyclohexane ?

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