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Chapitre 4 : Discussion générale

1) Synthèse des résultats

Revue systématique

La revue systématique effectuée au début de ce travail doctoral a montré un manque de connaissances évident concernant les caractéristiques EMG chez les enfants et adolescents souffrant de NSCLBP. En effet, une seule étude (Astfalck et al. 2010b) a évalué l’activité EMG des muscles lombaires et abdominaux d’adolescents avec (âge : 15.7+/-0.5 ans) et sans (âge : 15.4+/-0.5 ans) NSCLBP en position assise. Contrairement aux résultats documentés dans la population adulte avec NSCLBP, ces auteurs n’ont pas observé d’absence de phénomène de flexion-relaxation en position assise relâchée aux niveaux des muscles lombaires chez les adolescents souffrant de NSCLBP (Callaghan and Dunk 2002; Dankaerts et al. 2006b; O’Sullivan et al. 2006; Mak et al. 2010; Nairn et al. 2013; Schinkel-Ivy et al. 2014; Ang et al. 2016). Les auteurs avaient, de plus, montré que l’activité EMG permet de différencier les adolescents avec et sans NSCLBP seulement quand ceux souffrant de NSCLBP sont répartis selon la classification de O’Sullivan (O’Sullivan 2000). Ces résultats confirment l’intérêt de classifier les patients souffrant de NSCLBP, comme documenté dans la population adulte (Dankaerts et al. 2009).

Dans la mesure où cette revue systématique a été effectuée avec une date limite d’inclusion des articles fixée en octobre 2015, une mise à jour a été effectuée sur les études scientifiques publiées depuis cette date (Décembre 2017). Avec les mêmes combinaisons booléennes de mots clés, en 26 mois, le nombre de publications scientifiques est passé de 68 à 84 dans PubMed (+ 24%) et de 16 à 22 sur Embase (+35%). Parmi les nouvelles études identifiées, une seule (Mueller et al. 2017) a évalué l’activité EMG des muscles lombaires et abdominaux d’adolescents athlètes avec et sans LBP (âge=15.9+/-1.3 ans). Même s’il s’agit d’une population spécifique d’adolescents, on peut noter que cette étude n’a rapporté aucune différence significative entre l‘activité EMG mesurée durant l’exécution d’une tâche de saut au niveau des muscles lombaires. Aussi, une activité musculaire supérieure a été observée au niveau des muscles abdominaux chez les participants avec LBP.

146 Compte tenu des résultats existants, il n’était pas possible à la suite de cette revue de littérature de conclure si les caractéristiques EMG qui discriminaient les enfants et adolescents avec et sans NSCLBP étaient les mêmes que celles qui discriminaient les adultes avec et sans NSCLBP rapportées dans la littérature. C’est dans ce contexte que le protocole expérimental de ce travail doctoral a été conçu afin d’évaluer spécifiquement sur une même cohorte d’enfants et d’adolescents avec et sans NSCLBP les caractéristiques EMG des muscles lombaires lors de l’exécution de plusieurs tâches fonctionnelles.

Normalisation EMG basée sur le MMT3

La méthode de normalisation EMG la plus utilisée, basée sur une tâche de contraction maximale volontaire (MVIC), n’est pas recommandée sur une population souffrant de douleurs chroniques. En effet, à cause de la peur d’avoir leurs douleurs augmentées, les sujets lombalgiques ont tendance à se retenir et à ne pas atteindre la contraction maximale (Allison et al. 1998; Dankaerts et al. 2004). Une étude méthodologique a donc été effectuée pour évaluer la fiabilité à une semaine d’une méthode de normalisation EMG basée sur les tâches isométriques inspirées du testing musculaire de grade 3 (isoMMT3). Cette méthode mesurant la capacité d’un muscle à tenir contre la gravité ne nécessite pas d’équipement spécifique, est rapide à effectuer et semble a priori plus adaptée aux populations pathologiques que la méthode MVIC car il s’agit d’une contraction ne provoquant pas de douleur.

Les résultats ont montré que cette méthode isoMMT3 est fiable pour normaliser l’amplitude EMG des muscles des membres inférieurs sur une cohorte d’adultes asymptomatiques. L’application de cette méthode aux muscles lombaires sur une population d’enfants et d’adolescents avec et sans NSCLBP a montré une répétabilité intra-opérateur le même jour excellente (ICC>0.95) dans les deux groupes. Ces résultats suggèrent que cette méthode peut être utilisée pour améliorer l’interprétation de l’amplitude EMG des muscles lombaires. Néanmoins la répétabilité inter-session et inter-opérateur devra être évaluée sur cette population pour valider l’utilisation de cette méthode.

Phénomène de flexion-relaxation

L'objectif de cette étude (étude observationnelle I) était d’étudier le phénomène de flexion-relaxation (FRP) en positions assise et debout sur une population d’enfants et d’adolescents avec et sans NSCLBP. Le FRP permet de discriminer les adultes avec et sans NSCLBP par une absence ou diminution du FRP en position debout ou assise sur les participants souffrant de NSCLBP. Cependant, si le FRP a été évalué à de nombreuses reprises chez les adultes (Watson et al. 1997; Colloca and Hinrichs 2005; Geisser et al. 2005; Dankaerts et al. 2006a; Alschuler et al. 2009), seulement une étude, identifiée par la revue systématique de la littérature de ce travail doctoral (Tabard-Fougère et al. 2016), a évalué le FRP en position assise sur un groupe d’adolescents avec et sans NSCLBP (Astfalck et al. 2010b).

Il a été observé pendant les tâches assises et debout: (1) une faible sensibilité du FRP pour discriminer les enfants et adolescents avec et sans NSCLBP avec une prévalence du FRP majoritaire dans les deux groupes ; (2) un angle de flexion du tronc similaire dans les deux groupes ; et (3) un angle d’apparition du FRP similaire dans les deux groupes.

Ces résultats ne sont pas en accord avec les résultats documentés sur la population adulte avec NSCLBP en position assise relâchée (Callaghan and Dunk 2002; Dankaerts et al. 2006b;

147 2016). Astfalck et al. (Astfalck et al. 2010b) n’ont pas observé d’absence de FRP dans le groupe d’adolescents souffrant de NSCLBP aux niveaux des muscles lombaires.

Nos résultats étaient en accord avec cette étude (Astfalck et al. 2010b) et amènent à réfléchir sur la prise en charge clinique des enfants et adolescents souffrant de NSCLBP qui actuellement est calquée sur celle des adultes. De plus, les enfants et adolescents NSCLBP ont une amplitude de flexion antérieure du tronc similaire aux participants asymptomatiques en contradiction à la littérature montrant une flexion limitée sur des patients adultes souffrant de NSCLBP par rapport à des participants asymptomatiques. On pourrait faire l’hypothèse que ce résultat soit dû à une souplesse globalement plus importante dans la population pédiatrique (Dutil 1978). Il a en effet été documenté que la souplesse augmente pendant l’adolescence pour atteindre chez les filles un plateau autour de 14 à 15 ans et diminue progressivement chez les garçons à mi-adolescence (Kreipe 1994; Smoll and Smith 1996; Patel et al. 1998). Ensuite, autour des 30 ans, la souplesse diminue progressivement et continuellement (Tanz 1953; Hilton et al. 1979; Hilton 1980; Talyor and Twomey 1980). Il serait donc intéressant de mettre en lien la souplesse avec la disparition du FRP sur la population adulte souffrant de NSCBLP.

Endurance isométrique des muscles extenseurs et fléchisseurs du tronc

L'objectif de cette étude (étude observationnelle II) était double : (1) comparer le temps de maintien, l’évolution de la fatigue musculaire (fréquence médiane (MF) du signal EMG) ainsi que de l’effort perçu (RPE) durant l’exécution des tests d’endurance des muscles extenseurs (EXT) et fléchisseurs (FLEX) du tronc chez les enfants et adolescents avec et sans NSCLBP ; (2) évaluer si la combinaison de résultats de questionnaires relatifs à la douleur avec la MF et la RPE peut expliquer le temps de performance des tests EXT et FLEX chez les enfants et adolescents souffrant de NSCLBP.

Aucune différence significative entre les deux groupes pendant l’exécution du test FLEX n’a été trouvée. En revanche, durant l’exécution du test EXT, un temps de maintien significativement réduit a été observé chez le groupe souffrant de NSCBP avec (1) une MF et une RPE significativement plus rapides, mais similaires après la normalisation temporelle ; et (2) une association forte entre le temps de performance et la MF et la RPE dans le groupe NSCLBP.

L’observation d’un temps de maintien réduit chez les enfants et adolescents souffrant de NSCLBP pendant le test EXT est en accord avec la littérature existante chez l’enfant et l’adolescent (Salminen et al. 1992, 1995; McKeon et al. 2006; Bandpei et al. 2014; Abdelraouf and Abdel-Aziem 2016), tout comme chez l’adulte (Mayer et al. 1989; Roy et al. 1989; Kankaanpaa et al. 1998; Suter and Lindsay 2001; Paasuke et al. 2002).

Concernant la fatigue musculaire pendant le test EXT, la diminution plus rapide de la fréquence médiane EMG observée chez les enfants et adolescents souffrant de NSCLBP est en accord avec les résultats rapportés dans la littérature sur des adultes (Kolur et al. 2011). Cependant, les résultats de l’évolution de la fatigue musculaire normalisée en temps tout comme un pourcentage de diminution de la fréquence médiane similaire (p=0.385) entre le groupe d’enfants et d’adolescents avec (26%) et sans (29%) NSCBLP ne sont pas en accord avec une étude chez l’adulte (McKeon et al. 2006). En effet, McKeon et al. (McKeon et al.

148 2006) ont rapporté une fréquence médiane significativement réduite à 90% et 100% du temps de maintien dans le groupe souffrant de NSCLBP avec un pourcentage de diminution de la fréquence médiane réduit (NSCLBP : 22%, CTRL : 42%, p<0.05), ce qui n’était pas le cas dans notre cohorte d’enfants et d’adolescents.

On peut donc conclure que les enfants et adolescents souffrant de NSCLBP se fatiguent plus vite certes, mais avec une capacité de fatigue musculaire similaire à celle des sujets asymptomatiques, ce qui n’est pas le cas dans la population adulte qui présente une capacité réduite de fatigue musculaire au niveau des muscles lombaires en fin de test (McKeon et al. 2006).

Marche à différentes vitesses

L'objectif de cette étude (étude observationnelle III) était d’évaluer si, et dans quelle mesure, l’hypothèse de précaution était présente chez les enfants et adolescents souffrant de LBP en comparaison à des sujets asymptomatiques avec: (1) une diminution des paramètres spatio-temporels, de la coordination du bassin et du thorax ainsi qu’une augmentation de l’activité des muscles lombaires pendant la marche à vitesse spontanée; (2) une capacité d’adaptation au changement de vitesse de marche diminuée au niveau de la coordination du thorax et du bassin ainsi que l’activité des muscles lombaires.

En comparaison au groupe contrôle, le groupe souffrant de LBP présente : (1) des paramètres spatio-temporels, cinématiques et EMG similaires pendant la marche à vitesse spontanée; (2) une adaptation au changement de vitesse de marche similaire au niveau des paramètres EMG et cinématiques malgré une diminution des paramètres spatio-temporels pendant la marche rapide.

L’observation d’une marche chez les enfants et adolescents souffrant de LBP similaire à celle de sujets pédiatriques asymptomatiques, ne supportent pas l’hypothèse de précaution (van der Hulst et al. 2010b) mise en avant dans la population adulte souffrant de LBP (Ghamkhar and Kahlaee 2015).

L'explication de l'augmentation de NEMG_LE en tant que stratégie de protection pour compenser l'instabilité spinale chez les adultes avec LBP (Ghamkhar and Kahlaee 2015) ne semble pas être observée chez les enfants et les adolescents. L'activité prolongée des muscles lombaires ESL interprétée comme une adaptation fonctionnelle du système neuromusculaire pour améliorer la stabilité observée chez les adultes souffrant de LBP n’est pas retrouvée chez les enfants et les adolescents atteints de NSCLBP de notre étude. Ces différences pourraient s'expliquer par le fait que les fibres musculaires n'ont pas encore été endommagées chez la population plus jeune alors que le déconditionnement physique a été rapporté chez les adultes souffrant de NSCLBP (Verbunt et al. 2003).

Il pourrait être intéressant d'étudier si une augmentation de l'activation musculaire pendant la marche documentée chez les adultes souffrant de lombalgie chronique (Ghamkhar and Kahlaee 2015) apparaît progressivement avec la chronicité de la maladie.

149 L'objectif de cette étude (étude observationnelle IV) était d’identifier et de caractériser les possibles sous-groupes de participants souffrant de NSCLBP à partir de la combinaison des données psychosociales avec des données biomécaniques et physiques mesurées pendant l’exécution de tâches fonctionnelles des études observationnelles I, II et III. Il a été montré qu’il était possible d’identifier trois sous-groupes.

Le 1er sous-groupe (n=11, 29% du groupe NSCLBP) présentait un âge plus faible (âge

moyen=12 ans) en comparaison aux deux autres sous-groupes de participants NSCLBP (14.5 ans en moyenne) et que le groupe CTRL. De plus, en comparaison au groupe CTRL, il présentait un temps de maintien réduit avec une fatigue musculaire et perçue accélérée pendant le test d’endurance. Enfin, il présentait une vitesse de marche spontanée diminuée.

Le 2ème sous-groupe, le plus grand (n=18, 47% du groupe NSCLBP), était similaire au groupe

CTRL au niveau des paramètres biomécaniques et EMG avec comme seule différence significative un temps de maintien réduit pendant le test d’endurance du tronc.

Le 3ème sous-groupe (n=9, 24% du groupe NSCLBP) présentait, en comparaison au groupe

CTRL, un temps de maintien plus faible et fatigue musculaire et un effort perçu accélérés pendant l’endurance du tronc. Il présentait aussi une amplitude EMG augmentée pendant la marche à vitesse confortable et une capacité d’adaptation diminuée suite une augmentation de la vitesse de marche.

Il semble important de noter que l’absence du phénomène de flexion-relaxation, largement documenté dans la littérature pour discriminer les adultes avec et sans NSCBLP, n’était pas pertinente pour discriminer le groupe CTRL d’aucun des trois sous-groupes identifiés. Ces résultats préliminaires devront être validés sur une cohorte plus importante.

En complément, une analyse discriminante a été effectuée (Figure 40). Il a été montré que les variables évaluées pendant la tâche d’endurance des muscles extenseurs du tronc (A) discriminent les enfants et adolescents avec et sans NSCBLP avec la meilleure spécificité (83.9%) mais une sensibilité modérée (52.6%) (Figure 40), où la sensibilité est la capacité d’un test à donner un résultat positif lorsqu’une hypothèse est vérifiée (ici présence lombalgie) et la spécificité est la capacité d’un test à donner un résultat négatif lorsque l’hypothèse n’est pas vérifiée (ici absence de lombalgie). Les variables évaluées pendant la tâche de flexion du tronc (B) discriminent très mal les deux groupes avec une sensibilité de 0.0% associée à une spécificité de 100.0%. Enfin, les variables évaluées pendant la marche (C) discriminent les deux groupes avec une meilleure sensibilité que la tâche d’endurance du tronc (63.2%), mais une spécificité réduite (80.6%). En combinant ces deux dernières tâches (D), la sensibilité est améliorée (68.4%) avec une spécificité restant à 80.6%. La combinaison de la tâche de flexion du tronc avec chacune des deux autres tâches (E et F) ne modifie pas les valeurs de sensibilité (E : 52.5%, F : 63.2%) et spécificité (E : 83.9%, F : 80.6%). Finalement, la combinaison des trois tâches discrimine les deux groupes avec une sensibilité modérée (57.9%) et une bonne spécificité (83.9%).

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Figure 40 : Illustration des analyses discriminantes pour les trois tâches et leurs combinaisons respectives.

Ces résultats indiquent que les paramètres EMG et cinématiques enregistrés pendant les tâches d’endurance, de flexion et de marche, ainsi que leurs combinaisons discriminent les enfants et adolescents avec de ceux sans NSCBLP avec beaucoup de faux négatifs et peu de faux positifs. Ces résultats sont en accord avec les conclusions des études observationnelles de ce travail doctoral indiquant que les enfants et adolescents avec NSCLBP ont des caractéristiques EMG et cinématiques similaires à celles des sujets asymptomatiques.

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