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Synthèse des modèles de la compréhension en lecture

Chapitre 2. La compréhension en lecture

2.6. Synthèse des modèles de la compréhension en lecture

Les modèles que nous avons présentés sont de trois types : certains, comme celui de Deschênes (1988) et celui de la vision simple de la lecture (Gough et Tunmer, 1986), expliquent quels facteurs influencent la compréhension en lecture, sans toutefois définir clairement ce qu’est la compréhension d’un texte ni, dans le cas de Gough et Tunmer, les processus mobilisés lors de cette compréhension; d’autres, comme celui de Irwin (1986), identifient les processus mobilisés lors de la compréhension d’un texte, mais sans préciser les relations et les interactions entre ces processus; d’autres enfin, comme celui de Fayol (1992a) et celui de van Dijk et Kintsch (Kintsch, 1988; Van Dijk et Kintsch, 1983), proposent un critère afin de déterminer si un texte a été compris ou non (la construction d’une représentation mentale adéquate de ce texte, appelée « modèle de situation »), et expliquent comment cette représentation est construite, sans toutefois tenir compte des processus métacognitifs qui pourraient être impliqués ni de la variable « contexte », qui influence sans contredit le processus de compréhension, ni rendre mesurable la compréhension, puisqu’elle est définie en fonction d’une représentation mentale forcément inaccessible à une personne extérieure.

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On remarque cependant une absence presque totale de contradiction irréconciliable entre ces modèles. En effet, ils adoptent des points de vue différents, considérant une même question sous différents angles, mais ces points de vue se complètent. Il existe toutefois une exception : le modèle de la vision simple de la lecture (Gough et Tunmer, 1986). Si on l’applique à un lecteur expert pour lequel la reconnaissance de mots ne pose pas de difficultés, ce modèle affirme que la compréhension en lecture peut être assimilée à la compréhension orale de la langue, alors que tous les autres modèles proposent un mode de traitement spécifique de l’écrit. En effet, la lecture d’un texte permet des retours en arrière et un temps d’interprétation que le discours oral ne permet pas, ce qui fait en sorte que des processus différents sont utilisés pour la compréhension (Kintsch, 1988; Smith, 2012). Gough, Hoover et Peterson (1996) jugent cependant ces différences mineures; en suivant leur point de vue, il serait possible de considérer que les différentes étapes et processus de compréhension d’un texte écrit proposé par les autres chercheurs pourraient également s’appliquer à la compréhension d’un discours oral et, par conséquent, à ce que Gough et Tunmer (1986) appellent « compréhension linguistique ». Le modèle synthèse que nous proposons (Figure 2) tente donc de combiner les différentes approches décrites ci-dessus, à l’exception de celui de la vision simple de la lecture. Ce modèle synthèse sera repris à la section 4.2.7 pour y intégrer les éléments relatifs à la compréhension d’un problème mathématique que nous aurons dégagés.

Dans cette figure, tout ce qui suit le diagramme de Venn placé au haut de l’image est en fait intégré dans l’intersection des trois disques composant ce diagramme; il faut le voir comme un agrandissement de la partie grisée au centre du premier cercle. Nous représentons ainsi le fait que le processus de compréhension a lieu lors de la rencontre entre le texte et le lecteur dans un contexte donné (Deschênes, 1988). La colonne centrale est constituée des trois types de représentations mentales construites par le lecteur pendant le processus de compréhension du texte : le verbatim, la base de texte et le modèle de situation (Fayol, 1992a; Van Dijk et Kintsch, 1983). La flèche semi-circulaire sur la gauche indique que le passage entre ces représentations n’est pas linéaire, mais qu’il s’agit d’un processus itératif, d’où la circularité. Les différents processus identifiés par Irwin (1986) sont reliés aux étapes où ils interviennent principalement, à l’exception des processus métacognitifs, qui sont mobilisés

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tout au long de la démarche. Parmi ceux-ci, les processus inférentiels (élaboration et intégration) sont indiqués par un astérisque. Dans la bulle du lecteur se retrouvent, entre autres, ses connaissances, notamment celles en lien avec le texte, qui sont successivement activées et désactivées selon les besoins des différents types de représentation (Fayol, 1992a), ce qui est représenté par l’interrupteur.

Figure 2.Modèle synthèse de la compréhension en lecture * Les astérisques indiquent les processus inférentiels

Nous avons présenté plusieurs modèles qui tentent d’expliquer comment on passe d’un texte lu à un texte compris. Cela nécessite de recourir à une panoplie de processus plus ou moins bien identifiés, plus ou moins conscients, qui échappent pour la plupart aux observations empiriques directes. Dans le cadre de notre recherche, nous nous intéresserons de façon particulière aux processus inférentiels à cause de leur rôle central dans la compréhension, comme le montre le modèle ci-dessus. Ils interviennent en effet à plusieurs étapes de la compréhension et jouent un rôle essentiel dans la construction du modèle de situation. Le prochain chapitre sera donc entièrement consacré aux inférences, telles que comprises dans le domaine de la compréhension en lecture, dans un premier temps, et telles que comprises dans le domaine des mathématiques, et en particulier de la résolution de

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problèmes, dans un deuxième temps. Nous pourrons ainsi mieux faire ressortir la richesse de ce concept, de même que les possibles implications des processus inférentiels dans la compréhension d’un genre particulier de texte, l’énoncé de problème mathématique.

45 Chapitre 3. Inférences

Le chapitre précédent a présenté un portrait des principaux facteurs et processus impliqués dans la compréhension d’un texte lu, de même que, dans la mesure des connaissances actuelles, de l’articulation entre ces processus et les différentes représentations mentales menant à la construction d’un modèle de situation. Parmi ces processus, les inférences jouent un rôle primordial, puisqu’elles sont utilisées pour arriver à une représentation cohérente du texte. Or, la définition de ce qu’est une inférence et la description de son rôle exact ne ressortent pas clairement des écrits des auteurs présentés ci-dessus. Il convient donc de nous attarder plus en détail sur ce concept.

Dans ce chapitre, nous définirons d’abord le concept d’inférence dans le cadre de la compréhension en lecture pour ensuite présenter les différentes typologies proposées par les chercheurs s’étant intéressés à cette question. Cela nous permettra de préciser leurs rôles dans la compréhension en lecture, avant de faire ressortir les données empiriques les concernant. Nous poursuivrons en nous intéressant au concept d’inférence dans un cadre précis, celui des mathématiques, et tout particulièrement de la résolution de problèmes mathématiques. Cela nous conduira à formuler une définition s’appliquant aux inférences à la fois en compréhension en lecture et en résolution de problèmes mathématiques, définition qui servira de base pour la suite de cette étude.

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