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6.   Synthèse et résultats

6.2.   Synthèse des données

6.2.1. Les femmes

Pour certaines femmes oser franchir la porte de la consultation est aussi difficile que d’aborder le sujet de « l’excision», sujet si intime qu’il peut faire remémorer des souvenirs parfois douloureux. D’autre part, pour qu’une femme formule une demande concrète d’un soin ou d’une intervention (physique ou psychologique), il est nécessaire qu’elle soit informée de l’aide dont elle peut bénéficier. De même, il faut qu’elle ait un certain niveau de connaissances et d’intégration (connaissance du système de soins) pour formuler une telle demande ou pour parler des MGF.

Enfin, leur migration permet la prise de conscience et l’augmentation des connaissances chez la plupart des femmes. D’autre part, la modification et l’application des lois, permet d’observer l’évolution concernant les MSF.

Les mutilations sexuelles féminines n’ont pas la même signification pour toutes les femmes concernées. Il existe ainsi, plusieurs types de réactions concernant « l’excision» vécue : une partie d’elles sont révoltées, certaines souhaitent comprendre ce qui leur est arrivé, d’autres vont demander des soins, une autre partie pense être née comme cela ou que c’est normal, certaines découvrent leur « excision » au cours d’un examen de santé (gynécologique), une partie des femmes concernées ne fait pas de lien entre ses problèmes de santé et l’excision et d’autres se sentent « normales » et pas

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différentes des autres femmes et enfin, une bonne partie vont bien et n’ont pas de problème.

En ce qui concerne le vécu de la question de « l’excision », certaines femmes sont soulagées de ne pas être interrogées à ce sujet, d’autres acceptent de parler pour demander un soin ou pour privilégier leur santé face aux valeurs culturelles. En bref, bien que « victimes de la mutilation », les femmes peuvent être combatives, savent défendre leurs désirs, revendiquer leurs droits. En définitif, l’excision ne change rien, la femme « existera » comme une femme et aura des relations sexuelles et des enfants (Franjou & Gillette, 1995, p.41).

6.2.2. Les soignants

Pour les soignants comme pour les patientes, il est difficile d’aborder ce sujet non seulement à cause de la barrière linguistique et culturelle, mais aussi suite à l’image de « violence » que cette pratique renvoie. De plus, ce thème reste tabou car il concerne une partie du corps que nous pouvons voir.

Enfin, d’après nos lectures et entretiens, nous constatons qu’il est difficile de parler des MSF, si le soignant n’a pas conscience de la problématique des MSF ou s’il manque de connaissances. De ce fait, sans ou avec peu de connaissances des professionnels de la santé sont confrontés à des questions culturelles, éthiques, morales et émotionnelles en lien avec la mutilation génitale de leurs patientes. En résumé, le manque de connaissances produit chez le soignant non seulement des réactions de surprise, de choc mais aussi de l’insécurité et de l’incompréhension. Comme le soulignent tous les articles consultés et les soignantes interrogées, la formation est primordiale. Avec le respect et le non jugement des valeurs culturelles qui se rattachent à « l’excision », la formation serait donc une garantie de soins de qualité.

6.2.3. La communication

En vue de favoriser la communication sur ce sujet, d’après les données consultées, il est important de créer des liens de confiance, d’avoir un espace d’écoute, de fournir des informations nécessaires et de savoir où orienter la femme. En ce qui concerne les termes utilisés pour discuter avec les femmes, il est indispensable de les adapter ou de les faire traduire. Avec l’accord des femmes, des schémas peuvent être utilisés non seulement pour

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faciliter la compréhension, mais pour apporter des informations de base aux femmes qui ont très peu de connaissances sur leur corps.

D’autre part, même si le sujet ne peut être abordé avec les membres de la famille qui sont parfois garants de la culture, il n’est pas « interdit » aux femmes de parler avec leur médecin, de même pour les médecins de parler avec leurs patientes. En vue d’approfondir l’anamnèse de la patiente, le soignant peut formuler la question. D’après les entretiens menés, la majorité des femmes vivent la question normalement et certaines sont à l’aise, car elles savent que leurs réponses vont non seulement compléter leurs anamnèses mais améliorer leur prise en charge. Ainsi, les MGF sortent du cadre « tabou », si la question est posée médicalement (Entretien 1, 2013, p.2). De même, poser la question permet non seulement de faire comprendre à la femme qu’on s’intéresse à elle et à son bien-être mais, la question permet aussi de lui donner la possibilité de répondre et de formuler ses demandes. Par ailleurs, la femme doit se sentir « libre de parler ou pas» ou de dire qu’il est difficile pour elle de parler de ce sujet.

En résumé, le meilleur moyen de parler de « l’excision » avec les femmes est de ne pas manifester son propre ressenti, c'est-à-dire mettre ses idées, ses représentations de côté et de partir de la signification de « l’excision » pour elles. A cela s’ajoutent, les connaissances des soignants. Ainsi, il faut non seulement des connaissances, mais avoir de l’empathie, être à l’aise avec le sujet et aller en douceur, ne pas « agresser ». De même ne pas être frustré si la femme coupe court à la discussion. Nous pouvons la laisser reprendre d’une autre façon après (Mme M. Kabore, 2008, p.63).

6.2.4. Prise en charge

La rencontre des patientes qui ont vécu une mutilation peut susciter des questionnements voire un sentiment d’impuissance chez le soignants et chez les patientes. De ce fait, au cours de la prise en charge le manque de compréhension de la pratique des MGF peut mener les soignants à détester la pratique (Leval et al., 2004, traduction libre). En plus des connaissances médicales sur le sujet et celles sur la culture, pour une prise en charge adaptée, le professionnel de la santé doit être disponible, empathique, donner confiance, savoir s’adapter, savoir rediriger et passer l’information et ne pas stigmatiser. De même, il doit aborder les notions du secret professionnel et médical. Pour finir, le soignant doit veiller à contrôler ses sentiments et à avoir un positionnement neutre face à cette pratique. Etre horrifié, révolté, se sentir blessé sont des réactions normales, mais, il est plus

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judicieux que ces réactions soient contrôlées pour que la femme ne se sente pas « victimisée » ou « stigmatisée» (Entretien 1, 2013, p.2).

Des guidelines d’informations sont mis à disposition des professionnels de la santé depuis 2005. Ils sont très utiles pour les professionnels de la santé qui se trouvent en première ligne. Hormis ces recommandations et des fiches d’attitudes (HUG), il n’existe pas de protocole spécifique pour la prise en charge des femmes ayant vécu une mutilation génitale. Malgré cela, la question devrait être posée à titre médical et toutes les femmes excisées devraient bénéficier des examens et des soins (Abdulcadir et al., 2011, traduction libre.).