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Synthèse : datation et distinction des faciès par leur distribution

LES CALCAIRES LUTÉTIENS

6.10.4 Synthèse : datation et distinction des faciès par leur distribution

Le poudingue normand est utilisé dès la Protohistoire près de ses gîtes primaires pour la fabrication de meules va-et-vient342. C’est à La Tène moyenne/inale avec l’apparition du moulin rotatif, et encore à l’époque romaine, qu’il s’impose massivement en Haute-Normandie et qu’il connaît une difusion lointaine, atteignant plusieurs sites de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais au nord-est, et une bonne partie de la Basse-Normandie au sud-ouest343.

Il est également présent de l’autre côté de la Manche, dans le sud et le sud-est de l’Angleterre344, mais l’on peut se demander si les variétés de poudingues anglais et normands ne peuvent être confondus. D’après C. Green, la teinte ocre des galets du Hertfordshire Puddingstone empêche la confusion avec le poudingue normand dont les galets sont gris à gris sombre, très rarement ocre ou rouges. La typologie des meules diférenciera aussi les productions des deux gisements, puisque les meules normandes sont percées d’un trou d’emmanchement traversant voire dépourvues de perforation latérale, alors que les meules anglaises sont dotées d’aménagements horizontaux aveugles non perfo-rants. D’autre part, si les premières sont prédominantes en Normandie et ont traversé la Manche de l’Âge du Fer à l’époque romaine, les secondes ne sont distribuées qu’au nord du bassin de la Tamise dans la première moitié du Ier siècle de notre ère et ne se retrouvent pas côté français345.

De même la teneur en fer de la matrice rouge du Worms Heath Puddingstone écarte la possibilité de confusion avec le poudingue normand, non ferrugineux. Ce poudingue rouge est également distribué au cours de la première moitié du Ier siècle dans un rayon d’une centaine de kilomètres sur le versant sud du bassin de la Tamise346 et n’a pas non plus été reconnu dans le nord de la France ni en Belgique.

Enin, la brèche d’Avrilly connaît probablement une difusion plus restreinte encore. L’atelier augus-téen d’Avrilly (Eure) est en efet de faible étendue et ses productions n’ont pas été identiiées au nord de la Seine. Il répondait probablement à une demande locale intervenue au cours d’une période limitée pendant laquelle d’autres ateliers ou les infrastructures de distribution qui les desservent étaient peut-être défaillants347. Cette brèche s’apparenterait à ce titre aux roches mineures que l’on observe ponctuellement à l’époque augustéenne à diférents endroits de notre zone d’investigation. La roche qui nous intéresse ici correspond donc au conglomérat de Seine-Maritime à galets de silex zonés et matrice quartzitique grise dont plusieurs carrières d’extraction sont connues. Cette roche prendra l’appellation générique de « poudingue normand » au cours du développement.

342 Meule de Harleur (76) « les Coteaux du Calvaire » (fouille J. Boisson) ; molette de Saint-Ouen-du-Breuil (76) « Les Terres du Bois du Pendu » (fouille V. Gonzales)

343 chaussat 2009, p.87 344 Green 2016a, p. 350

345 Green 2016a, p. 352 ; Picavet (à paraître)

346 Green 2016b, p. 169

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Pour inir, il convient d’estimer la datation de la production et de la distribution des meules en poudingue. En établissant leur carte de répartition, il est possible de placer la phase principale de leur fabrication entre La Tène moyenne/inale et le Haut-Empire, avec quelques exemplaires encore répertoriés jusqu’à la in de l’époque romaine348. Quelques meules va-et-vient antérieures et meules rotatives postérieures (médiévales/modernes) sont connues, mais le caractère ponctuel et presque anecdotique de leur fabrication ne suit pas à expliquer l’ampleur des traces d’extraction observées dans la forêt de La Londe-Rouvray, à Vaucottes et sur les hauteurs de Saint-Saëns.

De même l’emploi du poudingue comme matériau de construction est extrêmement limité et n’a pu occasionner de si profondes excavations. Il ne fait qu’accompagner occasionnellement les ro-gnons de silex dans les murs qui jouxtent immédiatement les secteurs de carrières (observation près du lieu-dit la Houssaie à Saint-Saëns – ig. 79).

Dans l’attente de preuves indiscutables, comme l’identiication stricte d’ébauches de meules, l’as-sociation des carrières parcourues et de l’importante difusion des meules rotatives en poudingue à la in de l’Âge du Fer et à l’époque romaine demeure hypothétique, mais reste l’hypothèse la plus crédible. La découverte d’ébauches de meules sur des sites ruraux périphériques à ces carrières sug-gère en efet le transport de blocs bruts des sites d’extraction vers ces établissements spécialisés où les meules sont taillées avant d’être commercialisées.

348 Les meules du « hameau » tardo-romain de Saint-Ouen-du-Breuil (Seine-Maritime) « les Terres du Bois du Pendu » sont datées du IVe siècle : meules n° 1814 à 1822

Figure 79 Mur du village de Saint-Saëns aux abords des carrières de poudingue. Quelques blocs de poudingue sont dispersés dans une maçonnerie de silex.

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Figure 82 Grès calcaire à nombreux grains infra-millimé-triques de glauconie verdâtre. Meule de Marck-en-Calaisis (Pas-de-Calais). Photo macro taille réelle.

Figure 83 Grès calcaire à nombreux grains infra-millimé-triques de glauconie verdâtre. Meule de Marck-en-Calaisis (Pas-de-Calais). Photo macro gross. x 2.

Figure 86 Calcaire gréseux à nombreux grains de glauconie infra-millimétriques et rares bivalves fossiles. Meule alto-mé-diévale de Harleur (Seine-Maritime). Photo macro taille réelle.

Figure 87 Calcaire gréseux à nombreux grains de glauconie infra-millimétriques et rares empreintes de bivalves fossiles. Meule alto-médiévale de Harleur (Seine-Maritime). Photo macro taille réelle.

Figure 84 Grains de quartz (Qz) et de glauconie (Gl) roulés et liés dans une matrice calcaire. Meule de Marck-en-Calaisis (Pas-de-Calais). Lame mince observée au microscope optique en lumière polarisée non analysée, gross. x 40 (Fronteau G., étude PCR Groupe Meule).

Figure 85 Grains de quartz (Qz) et de glauconie (Gl) roulés et liés dans une matrice calcaire. Meule de Marck-en-Calaisis (Pas-de-Calais). Lame mince observée au microscope optique en lumière polarisée analysée, gross. x 40 (Fronteau G., étude PCR Groupe Meule).

103 infra- à pluri-millimétriques et une grande quantité de grains millimétriques de glauconie noire à verdâtre (ig. 88 à 91). Quelques éléments grossiers sont parfois présents, ainsi que des empreintes d’oursins, de mollusques et de vers fossiles352. La matrice calcaire est parfois si peu abondante que le grès adopte une texture presque compacte.

6.11.2 Stratigraphie