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Chapitre 1 : Complexes carbéniques de métaux du groupe 4

II. Synthèse de carbènes de titane

La réaction d’un équivalent de 2.Li2 avec un équivalent de [TiCl4(THF)2]5 dans le toluène

conduit en 24h à la disparition du produit de départ dans le spectre RMN 31P (

P = 23 ppm) et à

l’apparition d’un singulet fin à 9 ppm. La réaction de deux équivalents de 2.Li2 avec un équivalent de [TiCl4(THF)2] conduit après 12h au même spectre RMN 31P. Ce déplacement unique pour les

atomes de phosphore indique l’obtention d’un complexe hautement symétrique. De même dans le spectre RMN 1H, seuls deux massifs larges de 0,1 ppm à

H = 7,77 ppm et H = 6,88 ppm sont

observés pour les protons aromatiques. De plus, aucun signal caractéristique de la présence d’un proton sur le pont P-C-P n’a été détecté. Dans le spectre RMN 13C, des signaux caractéristiques

de carbones aromatiques sont observés, le signal correspondant au carbone central n’a pas été détecté. Compte tenu de la stœchiométrie de la réaction et des données RMN, le produit correspondant au singulet à 9 ppm est certainement le bis-carbène de titane(IV) I.7 (schéma 2) possédant une symétrie D2. Des monocristaux analysables par diffraction des rayons X ont été

4 M. Spichty, K. J. Kulicke, M. Neuburger, S. Schaffner, J. F. K. Mueller, Eur. J. Inorg. Chem. 2008, 5024-5028. 5

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obtenus par diffusion lente de pentane dans une solution concentrée de I.7 dans le toluène. Une représentation de I.7 est donnée figure 1.

Schéma 2 : Synthèse du bis-carbène de titane I.7.

Comme supposé, I.7 est un bis-carbène de titane(IV) dans lequel les deux fragments carbéniques sont orthogonaux. Les distances Ti-C de 2,108(2) Å et 2,069(2) Å sont légèrement plus longues que celles mesurées dans le complexe I.2 de Cavell (2,008(4) Å). Ces deux distances sont également plus courtes que les distances M=C mesurées dans les complexes I.4, I.5, et I.6 (2,251 Å, 2,180 Å et 2,172 Å respectivement). La somme des angles à chaque carbone est respectivement de 351,4° (C1) et 344,3° (C26). Les carbones centraux sont presque pyramidaux et se trouvent légèrement hors des plans P-Ti-P des ligands indiquant la présence d’une densité électronique importante. Les distances P-C sont de longueurs comparables à celles mesurées dans les complexes analogues, il en est de même pour les liaisons P-S. Une autre structure a été déterminée pour I.7, (I.7b). Les monocristaux ont été obtenus par diffusion lente de pentane dans une solution concentrée dans le dichlorométhane. Une vue de cette deuxième structure de I.7 est donnée figure 2.

Figure 1 : Vue ORTEP de I.7 (ellipsoïdes à 50% de probabilité). Les atomes d’hydrogène ont été omis par souci de

clarté. Distances (Å) et angles(°) significatifs : Ti(1)-C(1) 2,108(2) ; Ti(1)-C(26) 2,069(2) ; C(1)-P(1) 1,678(2) ; C(1)- P(2) 1,674(2) ; P(1)-S(1) 2,0390(8) ; P(2)-S(2) 2,0367(8) ; C(26)-P(3) 1,683(2) ; C(26)-P(4) 1,683(2) ; P(3)-S(3) 2,0250(8) ; P(4)-S(4) 2,0230(8) ; P(1)-C(1)-P(2) 144,9(2) ; P(3)-C(26)-P(4) 145,8(1) ; C(1)-Ti(1)-C(26) 158,1(1).

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Figure 2 : Vue ORTEP de I.7b (ellipsoïdes à 50% de probabilité). Les atomes d’hydrogène ont été omis par souci de

clarté. Distances (Å) et angles(°) significatifs : Ti(1)-C(1) 2,073(2) ; Ti(1)-C(26) 2,088(2) ; C(1)-P(1) 1,667(2) ; C(1)- P(2) 1,676(2) ; P(1)-S(1) 2,0324(6) ; P(2)-S(2) 2,0176(6) ; C(26)-P(3) 1,672(2) ; C(26)-P(4) 1,679(2) ; P(3)-S(3) 2,0330(6) ; P(4)-S(4) 2,0251(6) ; P(1)-C(1)-P(2) 155,5(1) ; P(3)-C(26)-P(4) 158,1(1) ; C(1)-Ti(1)-C(26) 172,22(7).

Dans cette structure de I.7, les distances et angles sont comparables à la structure précédente. La principale différence réside dans la géométrie des carbones centraux. En effet dans I.7, ces carbones sont plutôt pyramidaux alors que dans I.7b, la somme des angles aux deux carbones est de 359,3° pour C1 et 359,0° pour C26. Ici, les deux carbones sont presque plans. Ceci indique que l’écart d’énergie entre une structure dans laquelle les carbones sont dans les plans P-Ti-P et une où ils en sont légèrement en-dehors est faible. Un phénomène semblable a été observé dans le cas d’un bis-carbène de thulium incorporant le ligand 26.

Nous nous sommes donc intéressés à la possibilité d’obtenir le mono-carbène de titane. La réaction d’un équivalent de 2.Li2 avec un équivalent de [TiCl4(THF)2] a été étudiée en détail (schéma 3). Après 15 minutes de réaction, le spectre RMN 31P montre la quasi-disparition du

produit de départ et l’apparition du signal correspondant à I.7 qui est le produit cinétique de la réaction. De plus, un nouveau produit caractérisé par un singulet à 19 ppm en RMN 31P a été

observé.Le mélange réactionnel a ensuite été porté à 60°C pendant 3h. Après ce temps, le spectre RMN 31P montre la conversion totale du bis-carbène en un nouveau produit qui correspond au

singulet à 19 ppm en plus de deux pics d’intensités égales à 15 et 43 ppm indicatifs de deux atomes de phosphore aux environnements différents (20 % en tout par rapport au pic à 19 ppm). Après évaporation des solvants, un spectre RMN 1H révèle qu’aucune protonation du carbone

central n’a eu lieu. Des monocristaux analysables par diffraction des RX ont été obtenus par

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diffusion lente d’hexane dans une solution du mélange réactionnel dans le THF. A notre grande surprise, la structure obtenue n’est pas celle du mono-carbène de titane I.8 mais celle d’un produit de décomposition du mono-carbène correspondant à l’hydrolyse d’une liaison Ti-Cl, le complexe I.9 (schéma 3). Une représentation du complexe I.9 est donnée figure 3.

Schéma 3 : Synthèse du mono-carbène I.8 et décomposition de I.8 en I.9.

Le complexe I.9 est toujours un carbène de titane. C’est un complexe dinucléaire possédant un cycle à 6 chaînons Ti-O-Ti-C-P-S. Deux unités carbéniques [(S-C-S)TiCl] sont pontées par un atome d’oxygène. Ce complexe n’a été caractérisé que par RMN 31P. L’hydrolyse d’une liaison Ti-

Cl doit générer une molécule d’HCl qui devrait reprotoner le ligand. Etonnamment, ce n’est pas le cas ici. Cette absence de protonation indique un transfert électronique très fort du carbone vers le métal (en témoigne la longueur de la liaison Ti-C de 1,997(2) Å) et une baisse de la basicité du carbone central. Cette description est totalement inattendue pour ce type de carbène. Cette réaction a été retentée plusieurs fois mais la présence de I.9 à environ 20% est toujours remarquée. Une caractérisation RMN de I.8 a ainsi été tentée sans que des informations pertinentes en soient retirées si ce n’est l’absence de proton sur le carbone du pont P-C-P et l’absence de solvant coordiné au centre métallique. Une structure RX qui confirme l’existence du mono-carbène I.8 a toutefois été obtenue mais les données sont insuffisantes pour permettre une résolution satisfaisante.

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Figure 3 : Vue ORTEP de I.9 (ellipsoïdes à 50% de probabilité). Les atomes d’hydrogène et les substituants

phényles sur les atomes de phosphore (sauf les carbones ipso) ont été omis par souci de clarté. Distances (Å) et angles(°) significatifs : Ti(1)-C(1) 1,997(2) ; C(1)-P(1) 1,718(2) ; C(1)-P(2) 1,737(2) ; P(1)-S(1) 2,0216(7) ; P(2)-S(2) 2,0168(7) ; Ti(1)-S(1) 2,5407(6) ; Ti(1)-Cl(1) 2,3743(6) ; Ti(1)-O(1) 1,8005(6) ; P(1)-C(1)-P(2) 131,0(1) ; Ti(1)-O(1)- Ti(1’) 153,6(1).

De façon intéressante, le complexe I.7 peut être converti en I.8 par réaction avec un équivalent de [TiCl4(THF)2](schéma 3). La redistribution des fragments carbéniques aboutit au complexe le plus stable thermodynamiquement, c’est-à-dire le complexe I.8. Ce type de réarrangement est très rare et sera étudié plus en détail dans la suite de ce chapitre.