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Synthèse : apports et limites de l’approche économique

Dans nombre de pays, les systèmes d’approvisionnement pharmaceutique ont un fonctionnement quelque peu chaotique : changements dans la demande, approvisionnements irréguliers en quantités, liste des médicaments distribués variant incessamment, flambées des prix, développement de trafics illégaux. Le fonction-nement de ces systèmes doit être régulé. Un fonctionfonction-nement régulé ne peut provenir seulement de la nomination de gestionnaires com-pétents et motivés, car le comportement des gestionnaires est en grande partie fonction du système de règles dans lequel ils travail-lent. Il revient aux décideurs des politiques pharmaceutiques d’or-ganiser les systèmes d’approvisionnement pharmaceutique pour que ces systèmes soient régulés.

L’organisation de l’approvisionnement pharmaceutique est forte-ment influencée par le système financier du pays considéré. Des facteurs tels que la solidité du système bancaire, les possibilités de crédits bancaires, le montant des taux d’intérêt dans le pays, le niveau et la stabilité des taux de change, l’appartenance à une zone monétaire, le système d’accès aux devises, l’existence de crédits liés à l’importation, jouent tous un rôle. Dans de nombreux cas, une adaptation du système financier doit être réalisée pour les besoins de l’approvisionnement pharmaceutique (par exemple, l’accès aux devises) dans la mesure où celui-ci doit être considéré comme prioritaire.

La régulation a pour objectif d’adapter en qualité et en quantité les médicaments utilisés aux besoins. Elle se fait par l’application de règles, souvent établies par l’Etat, qui s’appliquent à tous les agents du système pharmaceutique. Les concepts et les instruments économiques peuvent aider à organiser les systèmes d’approvision-nement pharmaceutique pour que le circuit des médicaments rem-plisse sa fonction. Le circuit du médicament peut être décomposé en quatre étapes :

sélection — choix des médicaments à acquérir et à distribuer;

acquisition — achat des médicaments aux fabricants;

distribution — acheminement des médicaments dans le système pharmaceutique;

utilisation — prescription et emploi des médicaments pour satisfaire les besoins.

Il faut analyser les effets du circuit du financement (les paiements) et des circuits d’information (informations sur les besoins en médicaments en qualité et en quantité) sur les performances du circuit des médicaments. Ces trois phases ont des relations très étroites entre elles et la performance de chacune est fonction de ce qui se passe dans les autres phases. Il faut donc veiller à la cohérence entre les différentes phases. Comme les objectifs et les contraintes spécifiques à chaque phase ne sont pas identiques, rechercher une cohérence totale entre les phases est impossible.

Quels critères de cohérence ou d’homogénéité faut-il donc re-tenir ? D’un point de vue économique, on retiendra tant les critères de décision que les modes d’organisation de l’activité pour lesquels l’apport de l’économie est essentiel. Les problèmes posés sont de nature différente selon l’étape considérée. D’une part, la sélection et l’utilisation sont de nature semblable en tant que phases de déci-sion : ces étapes définissent quels sont les médicaments à utiliser.

Les questions posées portent sur les critères de décision. D’autre part, l’acquisition et la distribution sont de nature semblable en tant que phases de transfert des médicaments des producteurs aux con-sommateurs. D’un point de vue économique, les modes d’organisa-tion des activités les plus connus sont la hiérarchie et le marché : la hiérarchie organise les relations dans une entreprise ou dans un pays en s’appuyant sur l’autorité; le marché organise les relations entre unités autonomes. Dans quelle mesure ces modes d’organisa-tion permettent-ils de réguler les systèmes d’approvisionnement pharmaceutique ?

Le critère de l’efficience économique pour la sélection et l’utilisation des médicaments

L’objectif commun de la sélection et de l’utilisation est de choisir les médicaments qui permettent d’obtenir le maximum d’effets thérapeutiques pour un coût minimal. Il y a bien accord sur cet objectif entre les décideurs de la politique pharmaceutique et les prescripteurs, mais les contraintes auxquelles les uns et les autres sont soumis, leurs priorités et les informations dont ils disposent, ne sont pas les mêmes. Pour les premiers, l’efficacité est conçue de façon statistique, impersonnelle; elle inclut l’objectif d’équité et tient compte des contraintes globales sur les ressources. Pour les seconds, l’efficacité est conçue du point de vue de chaque malade nommément désigné. Il résulte de ces différences de points de vue

qu’une sélection considérée comme rationnelle au plan national n’entraîne pas pour autant une utilisation rationnelle des médica-ments par les prescripteurs et, réciproquement, des prescriptions rationnelles pour chacun des patients considérés peuvent être irra-tionnelles au niveau global.

C’est pour cette raison que les deux phases de sélection et d’utili-sation doivent être organisées de façon à ce que s’instaure une coopération entre les décideurs de la sélection et les décideurs de l’usage des médicaments. La sélection doit tenir compte des points de vue des prescripteurs et des informations qu’ils détiennent; de même, l’utilisation doit tenir compte des points de vue des respon-sables de la politique pharmaceutique et des informations qu’ils détiennent. La sélection et l’utilisation doivent donc être satis-faisantes ou acceptables par les différents acteurs, plutôt que de rechercher une sélection et une utilisation optimales qui n’auraient pas de sens, car elles ne pourraient pas rendre efficient l’ensemble du circuit du médicament.

L’organisation de l’acquisition et de la distribution

L’objectif commun de ces phases est de fournir au moindre coût et de façon continue les médicaments choisis. Certains coûts parti-culiers ont une forte incidence sur la recherche d’un mode d’organi-sation : les coûts de transaction (coûts liés aux opérations de vente ou d’achat) ou les coûts de stockage.

D’une part, le recours systématique aux mécanismes de marché permet des prix d’acquisition très bas, mais peut entraîner des coûts de transaction très importants : recherche du fournisseur offrant le meilleur prix, contrôle systématique de la qualité. Le recours aux mécanismes de marché est plus efficace s’il se fait à travers une stratégie de confiance et de coopération plutôt qu’avec des attitudes de défiance. D’autre part, dans une organisation autoritaire, il est très difficile de réunir les renseignements nécessaires pour quantifier les besoins de façon très fine. L’existence de paiements dans le proces-sus d’acquisition-distribution permet de quantifier de façon plus rigoureuse les besoins au niveau périphérique, en faisant porter la contrainte des ressources sur l’aval qui peut disposer plus facile-ment des informations sur les besoins. Les paiefacile-ments génèrent des renseignements qui permettent de réguler les quantités dans le circuit physique des médicaments.

La coopération et la confiance entre les agents chargés des différentes phases du circuit du médicament sont tout à fait indis-pensables pour rendre efficient l’ensemble du circuit d’approvi-sionnement. On est alors en présence de systèmes hybrides,

GUIDE D’ANALYSE ÉCONOMIQUE DU CIRCUIT DU MÉDICAMENT

combinant marché et hiérarchie, par exemple sous forme de réseau (25) qui ont été étudiés jusque là surtout en relation avec la pro-duction. L’objectif est alors de construire des réseaux équilibrés où les relations bilatérales entre les différents agents sont avantageuses pour tous et où la coopération et la confiance s’exercent au profit de l’intérêt général des consommateurs.

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