• Aucun résultat trouvé

Les synthèses décrites au cours de ce chapitre ont été réalisées exclusivement avec un alcoxyde (ASB) comme précurseur d’aluminium. Nous avons choisi de travailler essentiellement avec ce composé car les dispersions obtenues sont moins turbides (Figure 4.21 les photos en insert) que celles obtenues à partir d’un sel d’aluminium à concentration équivalente (Figure 3.40). D’autant plus que pour les synthèses à base d’un sel d’aluminium, les nanotubes sont dans la phase sous-nageante blanche. Un des objectifs de cette thèse étant d’explorer les propriétés d’encapsulation de polluants par l’imogolite-méthylée et l’étude des propriétés optiques de ce piégeage, l’utilisation de dispersions les moins absorbantes et les moins turbides possibles est donc un prérequis.

Concernant ces propriétés, il est intéressant de s’interroger sur l’effet de la géométrie de la matrice sur les capacités de piégeage i.e. de comparer l’imogolite-méthylée à l’allophane-méthylée. Toutefois, à notre connaissance, la synthèse d’allophane avec une cavité interne hydrophobe couverte de groupes méthyles n’a pas encore été décrite. Nous avons vu précédemment que, dans le cas de synthèses avec l’ASB comme précurseur d’aluminium, les différents paramètres testés changent les proportions entre les nanotubes, les hydroxydes d’aluminium et les allophanes/proto-imogolites. Cependant, les imogolites restent la phase majoritaire (en masse). L’étude menée par Laurence Denaix et les résultats obtenus au chapitre précédemment (Figure 3.41 et Figure 3.42) montrent qu’il est possible de synthétiser de l’allophane-hydroxyle en travaillant en condition centimolaire avec un sel d’aluminium. Cependant, dans ces mêmes conditions et avec comme précurseur de silicium le TEMS à

la place du TEOS, c’est la forme tubulaire qui est produite. Ainsi, à partir des synthèses « classiques » il n’est pas possible d’obtenir de l’allophane-méthylé.

Récemment, Arancibia-Miranda et coll. ont étudié les effets des cations Na+ et K+ sur la synthèse

d’imogolite (utilisation de TEOS (2,5 mM) et de chlorure d’aluminium (5 mM)).47 En jouant sur le ratio

molaire NaOH/KOH, ils montrent que la présence de l’ion potassium défavorise la formation d’imogolite au profit de l’allophane, réduit la longueur moyenne des nanotubes et augmente le diamètre de ceux-ci. Celui-ci, mesuré par analyse d’image MET en haute résolution, évolue de 2,01 nm pour une synthèse pure NaOH jusqu’à 2,38 nm pour une pure KOH. Dans le cas où un mélange est utilisé, deux familles de nanotubes avec des diamètres différents sont mesurés. En revanche, aucun nanotube avec un diamètre variable n’est obtenu suggérant que les intermédiaires formés à partir des deux cations n’interagissent pas entre eux. Cette transition observée à partir des images TEM est également visible en IR. Le doublet caractéristique de l’imogolite à 990/930 cm-1 s’atténue avec le ratio

NaOH/KOH qui diminue et disparait complétement au profit d’un pic large vers 980 cm-1 pour une

synthèse pure KOH. La zone associée aux vibrations des liaisons Al–O (750 – 400 cm-1) est également

impactée par le cation. Les différents pics de cette région (690, 565, 510 et 420 cm-1) facilement

identifiables, lorsque le KOH est absent, s’estompent progressivement avec le ratio NaOH/KOH qui diminue.

Nous avons ainsi reproduit les expériences Arancibia-Miranda et coll. afin d’étudier l’effet du cation K+

sur la synthèse de l’imogolite-méthylée. Le protocole de synthèse utilisé s’inspire de celui décrit par Arancibia-Miranda et coll. Brièvement, du TMMS est ajouté à 100 mL d’une solution d’aluminium perchlorate à 0,1 M jusqu’à ce que le ratio molaire Si/Al atteigne 0,5. L’hydrolyse du précurseur de silicium est obtenue en ajoutant, sous agitation, 250 mL d’une solution de KOH à 80 mM à un débit lent i.e. 0,5 mL∙min-1. Après cet ajout, la dispersion est laissée à agiter durant une nuit à température

ambiante puis mise à l’étuve pendant 5 jours à 90°C. Elle est ensuite dialysée avec des membranes 10 kDa contre de l’eau déionisée jusqu’à ce que la conductivité de la phase externe soit inférieure à 3 µS∙cm-1.

La Figure 4.23 présente le spectre IR normalisé de la dispersion synthétisée (vert). A titre de comparaison, les spectres IR d’une dispersion d’imogolite-méthylée (correspondant à la courbe verte 90°C de la Figure 4.14), d’une dispersion de proto-imogolite-méthylée (correspondant à la courbe cyan 5 H de la Figure 4.16) et d’une dispersion d’allophane-hydroxyle (correspondant à la courbe violette cinétique 4 de la Figure 3.41) ont été ajoutés et sont respectivement de couleur cyan, rouge et violet. Le triplet vers 1100 cm-1 de la courbe violette est liée à la présence d’ions perchlorates qui n’ont pas

été totalement éliminés durant la dialyse.

Tout d’abord nous pouvons remarquer que les pics caractéristiques des groupes méthyles (2970/2910 cm-1 élongations antisymétrique et symétrique des liaisons C–H ; 1270 cm-1 déformation

des groupes méthyles ; 780 cm-1 élongation de la liaison Si–C et rocking des groupes méthyles) sont

présents pour la courbe verte. Ensuite, si nous intéressons aux pics de structures dans la zone 1000 – 400 cm-1, nous pouvons observer, en premier lieu, que cette courbe a une bande simple à

950 cm-1. Un singulet dans cette zone est typique de la forme sphérique (la courbe violette, associée

aux allophanes-hydroxyles, a un seul pic centré à 966 cm-1) alors qu’un doublet est caractéristique de

la forme tubulaire (la courbe cyan, associée aux imogolites-méthylées, a deux pics à 960/910 cm-1).

Nous pouvons également noter que ce pic présente un épaulement vers 910 cm-1 comme la courbe

rouge associée à des proto-imogolites. Cependant, celui-ci est moins marqué pour la synthèse à base de KOH avec un temps de croissance de 120 H par rapport à celle qui est restée à l’étuve 5 heures.

Figure 4.23 – Spectres IR d’une dispersion d’imogolite-méthylée (cyan), de proto-imogolite-méthylée (rouge) d’allophane- méthylée (vert) et d’allophane-hydroxyle (violet). Les courbes en cyan, rouge et violet correspondent respectivement à la

courbe verte 90°C de la Figure 4.14, à la courbe cyan 5 H de la Figure 4.16 et à la courbe violette cinétique 4 de la Figure 3.41.La droite en tiret correspond à la position du maximum d’absorbance de la courbe verte à 950 cm-1. Concernant la zone 750 – 400 cm-1, les différents pics à 720, 675, 570, 495 et 420 cm-1 de la courbe

verte sont situés à la même position que ceux des courbes en cyan et rouge. Cependant, contrairement à la courbe en cyan, ceux-ci ne sont pas dédoublés. Enfin, nous pouvons remarquer que l’aire relative des pics à 2970/2910/1270 cm-1 évolue faiblement entre les courbes cyan, rouge et verte alors que

celle du pic 780 cm-1 diminue fortement lorsque la géométrie des objets est sphérique. Ces résultats,

suggèrent que la dispersion préparée avec un sel d’aluminium et du KOH est constituée d’allophane- méthylée ou de proto-imogolite à géométrie sphérique. La présence de l’épaulement vers 910 cm-1

indique néanmoins que des nanotubes ou des proto-imogolites à géométrie cylindrique sont également présents. La dispersion correspondant à la courbe verte est ainsi nommée allophane- méthylé (allophane-CH3 dans les figures). Par analogie avec le décalage du doublet observé entre les

imogolites-hydroxyles (990/930 cm-1) et les imogolites-méthylées (960/910 cm-1), le décalage du

singulet entre les allophanes-hydroxyles (966 cm-1) et les allophanes-méthylés (950 cm-1) suggère que

ces derniers sont plus gros que leurs analogues hydrophiles internes.

La Figure 4.24 présente les courbes de diffusion des dispersions décrites à la Figure 4.23 i.e. en cyan l’imogolite-méthylée (correspondent à la courbe de verte de la Figure 4.13), en rouge la proto- imogolite-méthylée (correspondent à la courbe cyan de la Figure 4.15), en vert l’allophane-méthylé et en violet l’allophane-hydroxyle (correspondent à la courbe violette de la Figure 3.42. Les courbes associées à la diffusion de l’allophane du modèle de Benoit Creton (courbe en tiret) et à la diffusion du modèle de sphère creuse (courbe en pointillé) ont été ajoutées. Pour ce dernier, la cavité interne est

supposée vide et les rayons externe et interne sont respectivement de 2,1 et 1,5 nm. La photo en insert correspond à la dispersion d’allophane-méthylée. Nous pouvons remarquer qu’elle ne présente pas la turbidité des dispersions d’imogolite-méthylée obtenue avec le NaOH (Figure 3.40).

Figure 4.24 – Courbes de diffusion des dispersions présentées à la Figure 4.23 i.e. en cyan imogolite-méthylée, en rouge proto-imogolite-méthylée, en vert d’allophane-méthylé et en violet d’allophane-hydroxyle. Les courbes en cyan, rouge et violet correspondent respectivement à la courbe de verte de la Figure 4.13, à la courbe cyan de la Figure 4.15 et à la courbe violette de la Figure 3.42. Les courbes en tiret et en pointillé correspondent à la courbe de diffusion d’un allophane suivant le

modèle de Creton et à celle du modèle de sphère creuse dont les paramètres sont une cavité interne vide et des rayons externe et interne de 2,1 et 1,5 nm. La photo en insert correspond à la dispersion d’allophane-méthylé.

Nous pouvons observer que la courbe verte ne présente pas les oscillations caractéristiques associées aux imogolites. En revanche, nous pouvons noter que cette courbe est comparable à celles associées aux proto-imogolites et à l’allophane-hydroxyle. Bien que la position du premier minimum d’intensité ne soit pas facilement indentifiable, nous pouvons noter que celui-ci est situé vers 0,2 Å-1 pour

l’allophane-hydroxyle et vers 0,15 Å-1 pour l’allophane-méthylé. Comme pour les nanotubes, ce

décalage vers des nombres d’onde plus faible peut être lié à la fois à la baisse de la DEI et/ou à des objets plus gros. Nous pouvons remarquer que la courbe de diffusion associée au modèle d’allophane

ne permet pas de représenter correctement celle de la dispersion synthétisée i.e. la position des minimums d’intensité ne correspond pas notamment. Concernant la courbe associée au modèle de sphère creuse avec une cavité interne vide, la position du deuxième et troisième minimums d’intensité coïncident avec ceux de la dispersion. Celle du premier minimum est décalée à plus grand vecteur d’onde. Enfin, aucun des deux modèles ne parvient à ajuster l’allure que la courbe pour 𝑞 < 0,1 Å-1.

Ceci laisse à supposer que les objets peuvent être agrégés.

Ainsi, l’analyse de ces courbes de diffusion suggèrent que les objets synthétisés pourraient correspondre à des objets globalement sphériques agrégés dont le rayon externe serait compris entre 2,1 et 2,5 nm.

4.7 Conclusion sur les paramètres influençant la qualité des dispersions