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CHAPITRE 2 : LA DEFINITION DU MOT « CALME » DANS LES DICTIONNAIRES

4. LES SYNONYMES DU CALME

Généralement, dans la définition d’un dictionnaire, en plus de l’explication du ou des sens d’un mot, on trouve quelques uns de ces synonymes. Dans les différentes définitions du mot calme, nous avons observé, selon le sens qui lui était donné, une liste de synonymes. Dans le TLFi par exemple, lorsque calme définit un lieu quelconque « Le calme d'une pièce,

d'une église » le synonyme donné est : « Silence » [Imbs et Quemada 1994]. La liste des synonymes du calme est relativement importante, on y trouve également les mots : tranquillité, paix, accalmie, sang froid, rassis, posé, coi, bonace, benoit … Néanmoins, un synonyme en tant que tel (c’est-à-dire : de forme différente et de même sens qu'un autre mot) n’existe pas. En effet entre chaque mot, il existe une différence, plus ou moins importante, qui modifie le sens de l’emploi. De ce fait, l’étude des synonymes du mot calme

va permettre de mieux cerner sa définition propre.

4.1. Le calme, la tranquillité : une dimension temporelle

Une première approche des synonymes a été réalisée dans le Nouveau dictionnaire universel des synonymes de Guizot [Guizot 1809]. Dans ce dictionnaire, l’auteur réalise une comparaison de calme avec les adjectifs : tranquille, posé et rassis. La première définition donnée est la suivante :

« Etre tranquille, c’est n’avoir point d’inquiétude ; être calme, c’est n’avoir point de passion ; être posé, c’est n’avoir point de hâte ; être rassis, c’est n’avoir plus d’agitation. » [Guizot 1809]

On remarquera ici la définition du calme par l’absence de passion, celle-ci étant perçue comme un état négatif, d’excitation, définition que nous avons déjà développée dans l’utilisation du calme vis-à-vis de l’esprit.

Guizot, dans son dictionnaire, déclare également :

« Beaucoup de gens, dans le calme, regrettent l’agitation qui l’a précédé» [Guizot 1809].

Cette phrase confirme l’idée développée dans le paragraphe précédent. Le calme est comparé à une situation précédente prise en référence. Ces deux situations se différencient par le contraste ressenti. Remarquons cependant que dans cette citation, l’agitation est montrée en regret par rapport au calme. Cette manière d’appréhender le calme par la négative, nous amène à nous demander si celui-ci dans sa définition ne doit pas être modérée. Un calme trop excessif peut ne pas être bien perçu.

Le calme en tant que nom est comparé à la tranquillité et à la paix. Ces mots expriment tous les trois une situation « exempt de trouble et d’agitation » [Guizot 1809]. La différence qui existe entre ces trois mots se trouve au niveau temporel. La tranquillité ne définit une situation qu’en elle-même, et dans le temps présent, indépendamment de toutes situations. Le mot paix est utilisé par rapport à une situation extérieure et par rapport aux troubles qui pourraient l’altérer. Le calme, quant à lui, est utilisé en regard des événements passés ou futurs. Le calme en effet fait suite ou précède toujours une situation plus agitée. Cette distinction apportée au mot calme lui donne une dimension supplémentaire par rapport au deux autres. Le calme intègre un espace temporel et doit être défini en fonction de celui-ci. Cette différence étant relevée, nous sommes davantage aptes à comprendre le sens des expressions couramment utilisées telles que : une nuit calme, dans le calme de la soirée, le calme de l’aurore … Elles ont toutes un rapport au temps et sont toutes associées indirectement à un autre moment de la journée beaucoup plus agité.

64 Chapitre 2 : La définition du mot « calme » dans les dictionnaires

4.2. Le calme, le silence : un juste équilibre

Dans le premier Petit Larousse Illustrée (millésime 1906), par exemple, le silence est défini au sens figuré comme synonyme du calme [Larousse et al. 1905]. Le calme est associé au silence par opposition au bruit. Néanmoins le calme, est-il réellement synonyme de silence ? Littéralement, quand il n’y a pas de bruit, le silence règne. Le silence qui est défini dans le Dictionnaire de la langue Française d’Emile Littré par « Calme, absence de bruit » [Littré 1863]. Suivant cette logique, il est aisé de définir une zone calme par le silence qui y règne. Cependant, le calme ne se définit pas uniquement par l’absence de bruit mais aussi par l’absence d’agitation. L’agitation physique est très souvent corrélée avec la présence de bruit mais l’agitation morale et le calme de l’esprit beaucoup moins.

Une zone calme doit être perçue comme une zone de bien être, où il fait bon se reposer. Or le silence pour la tranquillité de l’esprit n’est pas le plus approprié. Dans de nombreuses citations, le silence n’est pas associé au bien être et au repos de l’esprit, dans le Littré (1863), nous trouvons :

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie, PASC. Pens. XXV, 17 bis » [Littré 1863].

« Un silence absolu porte à la tristesse ; il offre une image de la mort ; alors le secours d'une imagination riante est nécessaire (J. J. ROUSS. 5e prom) ». [Littré 1863]

Le silence est même dans certains cas craint et fuit, comme nous le montre cette citation extraite du Trésor de la Langue Française informatisé :

« Pour fuir l'envoûtement des vieilles choses, cette pénombre et ce silence insalubres des salles du Louvre, je suis entré à la Samaritaine (ARNOUX, Paris, 1939, p. 24). » [Imbs et Quemada 1994]

La Samaritaine, grand magasin parisien du 1er arrondissement, n’était pas réputé pour être une zone calme mais plutôt un espace de bruit et d’agitation où les gens se pressaient en tout sens. On remarquera donc que les citations accompagnant la définition du calme par le silence ne le recommandent pas et que cette sorte de calme n’est pas souhaité. Le silence ne doit pas être subi. On recherche le silence comme on recherche le calme à un moment ou dans un lieu où l’on en exprime le besoin. Le silence, tout comme le calme, ne doit pas être un état permanent ; on a besoin du bruit précédent ou à venir pour apprécier toute la dimension du silence. La citation de Pierre Loti, trouvée dans le TLFi (1994) résume bien la notion de silence et de calme :

« ... à la fin, cet excès de calme dans les entours est pénible, il cadre mal, il déroute et il oppresse; on aimerait mieux de l'agitation, des cris, des fusillades (LOTI, Quelques aspects du vertige mondial, 1917, p. 35). » [Imbs et Quemada 1994]

Le silence n’est pas forcement bien perçu si celui-ci paraît trop important. Le silence correspond donc à une notion de calme négatif qu’il n’est pas bon de conserver. Tout comme le calme de la mer, propice aux galères, il renvoi à nos peurs : peur de la solitude, peur de l’inerte, de la mort ... et à notre instinct de survie. Dans le silence absolu, nous sommes la seule source de perturbation et « le poids de [notre] être » peut être difficile à gérer.

Si l’on reprend cette idée avec celles développées précédemment, le calme doit être en rupture avec un environnement extérieur néanmoins il ne doit pas être totalement dépourvu de bruit ou plus largement d’activité. Il doit offrir une nouvelle ambiance qui est différente des autres. La présence de la nature en milieu urbain, très souvent associée au calme, offre tout à fait ce cadre. Elle est en rupture avec la vie extérieure mais elle apporte une atmosphère qui rend l’endroit agréable. Une zone calme est donc une zone « d’absence » de bruit mais ce n’est pas une zone complètement silencieuse.

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