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i. Contexte dans l’étude

Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS), tout comme l’AGS peut parfois se chevaucher avec le LES. Dans notre étude, les familles de patients observées présentent toutes un phénotype semblable avec LES ou présence d’auto-anticorps, phénomène de Raynaud ainsi que SGS. Notre étude étant basée sur l’étude de formes monogéniques du LES, la présence

récurrente du SGS dans les familles étudiées suggèrent que nos mutations d’intérêt touchent des voies communes dans la pathophysiologie de ces deux maladies. Les exemples de cas monogéniques de maladie auto-immunes présentant des chevauchements entre l’AGS, le SPENCD et le LES soutiennent également l’idée selon laquelle le LES et le SGS pourraient partager une voie de développement commune. La dernière partie de notre chapitre abordera donc la pathophysiologie du SGS afin d’apporter quelques éclaircissements sur les mécanismes pouvant expliquer l’apparition récurrente de cas de SGS chez les familles étudiées.

ii. Pathophysiologie du syndrome de Gougerot-Sjögren

Le SGS est une maladie auto-immune caractérisée par des infiltrats lymphocytaires touchant les glandes salivaires et lacrymales, provoquant des sécheresses buccales et oculaires (xérostomie et kéroconjonctivite sèche respectivement) ; le SGS provoque également des lymphomes comme principale complication. Cette maladie est estimée comme la seconde plus courante maladie auto-immune systémique derrière l’arthrite rhumatoïde (AR) et devant le LES. La pathophysiologie du SGS est centrée sur l’activation chronique des LB caractérisée par la production soutenue d’auto-anticorps anti-Ro/SSA et La/SSB ainsi que par le développement de structures semblables à des centres germinatifs (CG-like) dans les glandes touchées par la maladie.

Le SGS est une maladie qui se déclare par l’action combinée de l’immunité innée et acquise. A l’image du LES, un fond de susceptibilité aux maladies auto-immune rend les individus plus ou moins sensibles à son développement face à l’intervention d’un déclencheur. Les infections virales font partie des premiers suspects en tant que déclencheur du SGS. En effet, les organes principalement touchés étant les glandes lacrymales et salivaires, des zones de contact avec les pathogènes, et la pathogénèse de la maladie étant fortement liée à l’expression des IFN/I et II, les infections virales des cellules épithéliales apparaissent comme un excellent candidat pour expliquer le déclenchement du SGS. En effet, une infection virale va provoquer à la fois l’activation mais également la mort cellulaire parmi les cellules épithéliales touchées. Ces deux facteurs vont promouvoir la libération dans l’espace extracellulaire de chemokines attirant principalement les pDC ainsi que de complexes ribonucléoprotéiques Ro/SSA et La/SSB dont les auto-anticorps sont régulièrement observés dans le SGS. Les DC une fois arrivés dans les glandes vont s’activer et produire des IFN/I, IL6

et IL12 qui auront pour effet de faire migrer les lymphocytes dans la zone active ainsi que de provoquer la sécrétion de BAFF par les cellules épithéliales et les pDC eux-mêmes. In situ, les LB capables de reconnaitre Ro/SSA et La/SSB induiront une production d’auto-anticorps qui formeront des complexes immuns capables d’induire à leur tour, la sécrétion d’IFN/I, provoquant une inflammation chronique.130

Parmi les indices soutenant ce modèle d’induction par infection virale et production d’IFN on retrouve principalement :

§ La capacité du virus Epstein-Barr (EBV) à induire une réponse IFN en activant la signalisation TLR3 chez les DC par production d’ARNdb ; ainsi qu’à provoquer la sécrétion de ces même ARNdb couplés à la protéine La, un antigène du soi central dans le SGS.131

§ L’activation de TLR3 dans un modèle lupique de souris NZB/W F1 par un agoniste provoque l’activation du système immunitaire ainsi inflammation accélérée des glandes salivaires.132

§ La présence de cellules produisant de l’IFNa dans les infiltrats lymphocytaires observés dans des biopsies de glandes salivaires chez des patients atteints de SGS.133

§ La capacité du sérum de ces mêmes patients à induire l’expression d’IFNa par des cellules mononucléaires périphériques sanguines (PBMC) ; par l’action des complexes immuns formés après mise en contact de cellules apoptotiques ou nécrotiques avec le sérum des patients.133

§ Une expression augmentée d’ISG après stimulation in vitro de cellules épithéliales de glandes salivaires ainsi qu’une présence confirmée de pDC dans les glandes salivaires des patients.134

Toutefois, malgré les résultats concordant avec cette hypothèse, aucune n’est parvenue à présenter une association reproductible entre une infection virale et le développement du SGS. Cette absence d’association peut provenir du fait que le stimulus viral ne soit plus détectable au moment de l’apparition des symptômes de la maladie. Une étude a par exemple put montrer dans un modèle de souris lupiques qu’une infection par un cytomégalovirus murin visant les glandes salivaires provoque dans un délai de trois mois des infiltrats leucocytaires sans aucune détection virale du CMV et cela, alors que les souris non infectées ne développement jamais de

complications des glandes salivaires malgré leur fond auto-immun.135

Une autre explication pourrait être trouvée dans la surexpression de séquences rétrovirales endogènes qui induiraient la maladie.

Si cette réaction immunitaire innée à la présence de pathogènes viraux des cellules épithéliales semble expliquer l’origine de la production d’IFN/I et donc de l’inflammation chronique, elle n’est qu’un point de départ potentiel pour le développement du SGS. L’activation de l’inflammation va provoquer le recrutement des lymphocytes au niveau du tissu touché grâce à l’expression par les cellules épithéliales de CXCR5 et CXCL13. Ces protéines vont provoquer le recrutement des LTFH et des LB pour créer des structures CG-like observées

dans les glandes salivaires de patients SGS.136

L’action conjointe de la production de BAFF par les cellules monocytes, macrophages, pDC et cellules épithéliales ainsi que l’aide apportée par les LTFH dans les structures CG-like vont permettre de favoriser la survie, la division et la

maturation des LB qui pourront se différencier en plasmocytes et LB mémoires afin d’induire la production d’auto-anticorps anti Ro/SSA et La/SSB.137

La production de BAFF dans les cellules immunitaires citées quant à elle est principalement induite par les IFN/I et II138,139

, tandis qu’elle est stimulée dans les cellules épithéliales salivaires par les infections virales présentant des ARNdb.140

On retrouve donc bien cette notion dans le SGS selon laquelle l’immunité innée va induire un terrain propice au développement de l’immunité acquise qui finira par provoquer une auto-immunité.

La pathophysiologie du SGS et du LES présentent donc quelques points communs. Bien que le phénomène central qui dirige l’évolution de la maladie et l’apparition des symptômes soit différent, les deux maladies partagent certains traits comme l’induction de l’inflammation par induction des TLR et sécrétion par les pDCs ainsi que par la stimulation des LB pour induire une perte de la tolérance et la production d’anticorps anti-nucléaires.