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C V C Ø C Ø C V

t a t t r a

Figure I.6 : Représentation de deux types de syllabes (CVC et CCV) selon le formalisme proposé en phonologie du gouvernement.

L’utilisation des catégories vides apporte une vision différente des possibilités de représentations syllabiques. Mais le problème des groupes consonantiques super-lourd (VCCC), comme il en existe dans des langues telles que le tachelhit (langue berbère de la famille afro-asiatique), semble nécessiter une nouvelle évolution de la théorie.

I.1.4. La syllabe réinterprétée

En 1997, Angoujard constate que si une théorie phonologique de la syllabe n’a pas encore été élaborée, « ce n’est peut-être pas parce que nous n’avons pas compris ce qu’est la syllabe, mais tout simplement parce que cet objet n’existe pas, qu’il n’est, au mieux, que l’effet variable des interactions entre plusieurs éléments élémentaires » (Angoujard, 1997, p. 24). Ainsi, il propose de remplacer la notion de syllabe par la rythmicité en considérant que toute unité lexicale est décomposable selon un modèle « composé d’un creux initial, d’un sommet (noté par la présence d’un X de niveau 2) et d’une troisième position (de type « creux ») facultative (cf. figure 7). La conformité des séquences de positions à ce modèle rythmique impliquera donc :

- l’obligation, pour toute séquence, de commencer par un creux ;

- l’impossibilité de voir se succéder deux sommets (la position suivant un sommet sera soit une position 3 soit une position de type 1) ;

- l’impossibilité de voir se succéder plus de deux creux rythmiques » (Angoujard, 1997, p. 80).

X X

X (X)

1 2 3

Figure I.7 : Modèle rythmique proposé par Angoujard.

Cependant, si le nombre de positions est supérieur à quatre, le recours à l’échelle de sonorité et à l’association segments/position est nécessaire afin de choisir la bonne grille rythmique parmi les différentes possibilités offertes par le modèle. Les principes de l’échelle de sonorité définie par Angoujard sont tirées des caractéristiques phonétiques des segments (cf. partie 1.1.2.).

Chapitre I : La syllabe : illusion ou réalité ?

Afin de permettre la représentation de tous les types de « syllabes », Angoujard précise que des positions vides peuvent apparaître (cf. figures I.8 et I.9), même dans des positions de sommet. Mais que dans ce cas, une voyelle facultative telles [] ou [] disparaîtra. Le modèle rythmique ne permet cependant pas à lui seul de prédire quelles positions pourront rester vides ou devront être remplies par [] ou [] pour les sommets et [] pour les creux. La théorie suggère que, pour chaque langue, l’étude des courbes prosodiques permet de définir les structures privilégiées et de prédire le remplissage des positions vides.

X X X X X X X X X X X a m i k a o

Figure I.8 : Grille rythmique du terme « ami » (à gauche) et « chaos » (à droite) (Angoujard, 1997). X X X X X X X X X X f a k t œ r

Figure I.9 : Grille rythmique du terme « facteur » (Angoujard, 1997).

Ces courbes sont vues comme des objets discontinus qui comprennent une position initiale, un sommet et une position finale facultative, avec la possibilité d’apparition de positions intermédiaires. Les positions initiales et finales sont associées aux positions rythmiques 1 et 2 s’il n’y a pas de positions rythmiques vides. L’affectation des segments aux positions rythmiques se fait alors en fonction de la courbe prosodique : « un segment ne peut être associé qu’à une position rythmique elle même associée à une position de courbe (nous dirons, à une position rythmique liée) » (Angoujard, 1997, p. 112). Cette condition permet de rendre compte des possibilités pour une langue de posséder des positions 3 non-vides. L’association de la courbe prosodique et du modèle rythmique permet, selon Angoujard, d’expliquer certains problèmes phonologiques connus comme la gémination ou les quadrilitères du sémitique.

Pour Angoujard, « l’abandon de [l’objet syllabe], ou, plus exactement, sa réinterprétation au travers de l’interaction de trois objets élémentaires (la grille rythmique, le segment et la courbe prosodique), ouvre la voie à une analyse univoque et basée sur des contraintes » (Angoujard, 1997, p. 197). Cette approche apporte une nouvelle vision des possibilités d’analyse de l’objet syllabique au travers d’éléments qui ne sont plus uniquement les segments. Elle ne permet en revanche pas de comprendre pourquoi, outre par la hiérarchisation des segments, les langues favorisent certaines séquences par rapport à

Chapitre I : La syllabe : illusion ou réalité ?

d’autres, avec des caractéristiques semblables, que ce soit dans la sonorité des segments, au niveau rythmique comme au niveau prosodique.

Les approches multilinéaires ont permis de mettre en évidence des relations particulières entre les différents constituants de la syllabe, par exemple en illustrant par la création du nœud rime le fait que les liens entre le noyau et la coda semblent plus étroits que ceux entre l’attaque et le noyau. Pourtant, si les syllabes d’un grand nombre de langues sont de mieux en mieux décrites et comprises, il ne semble pas encore possible de définir des lois universelles s’appliquant à l’organisation syllabique quelle que soit la langue étudiée.

La théorie de l’Optimalité (« Optimality Theory », OT), avec la possibilité de violer les contraintes et de les faire évoluer, se donne les capacités de rendre compte à la fois de l’universalité de certains phénomènes linguistiques, et de la variation qui existe entre les langues du monde. Évolution des plus récente de la phonologie générative, OT (Prince et Smolensky, 1995) propose de remplacer les notions de dérivation et d’opération pour ne retenir qu’un ensemble de contraintes hiérarchisées entre elles selon un ordre spécifique à chaque langue et appartenant directement à la grammaire universelle et permettant de mettre en évidence les représentations. Le choix de règlement des conflits apparaissant lors de l’application de contraintes contradictoires permet d’expliquer les différences qui existent entre les langues.

Les contraintes proposées sont de deux sortes : contrainte de fidélité et contrainte de marque. La syllabe y est interprétée comme le résultat :

1)de contraintes de marque qui vont permettre de définir les conditions de bonne formation des éléments, ainsi que l’information sur sa valeur marquée ou non. Ainsi, quatre contraintes permettent de « poser CV comme la syllabe canonique : une syllabe doit posséder une attaque et un noyau mais pas de coda, et aucun de ses constituants ne peut être complexe. » (Durand et Lyche, 2001, p. 131).

2)de contraintes de fidélité qui seront du type suivant :

« MAXIO Chaque élément de base a un correspondant dans la représentation de surface (l’élision est interdite).

DEPIO Chaque élément de la représentation de surface a un correspondant dans la base (l’épenthèse est interdite). » (Durand et Lyche, 2001 , p. 130). La possibilité de tenir compte de propriétés phonétiques des éléments dans le choix des contraintes pourrait être une voie de développement prometteuse pour expliquer la phonologie de la syllabe. Cependant, la plupart des théories phonologiques privilégient les faits observés sans explications recherchées dans la substance, même si certaines des avancées obtenues en phonétique s’intègrent aujourd’hui plus largement dans la recherche d’explications des contraintes et des règles mises en évidence dans l’organisation syllabique des langues (cf. chapitre III).

Chapitre I : La syllabe : illusion ou réalité ?

I.1.5. Syllabe et connexionnisme : modélisation de processus de

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