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Survive The Peace & Divided We Stand de Cyprian Ekwensi

Survive The Peace & Divided We Stand de Cyprian Ekwensi

Ekwensi a été directeur des services fédéraux de l’information après l’Indépendance du Nigeria. Il a été le premier Nigérian à occuper ce poste. Pendant le conflit, il a aussi dirigé The Voice of Biafra et Radio Biafra. Dans Survive The Peace, publié en 1976, et Divided We Stand, sorti en 1980, il donne deux témoignages de la guerre du Biafra sur deux périodes différentes du conflit. Dans Survive The Peace, publié avant Divided We Stand, Ekwensi montre les dégâts causés par la guerre dans le tissu social et les difficultés d’une période de fin de guerre pleine d’incertitudes. Dans Divided We Stand, il revient sur le déroulement des évènements et les grandes phases du conflit. Bien que les ouvrages soient publiés dans cet ordre, je vais les étudier dans le sens inverse parce que le deuxième fait la genèse et l’historique de la guerre : le mal-être des Igbos dans la fédération, la sécession et la guerre. Ensuite, Survive The Peace montre la fin officielle de la guerre, le retour dans la fédération, son cortège et lot de confusion et de morts dans les rangs igbos mais aussi les abus dans les rangs des forces fédérales. Survive The Peace est intéressant en ce sens que l’ouvrage montre que si la guerre est difficile avec ses morts et atrocités, la période après la signature de la paix reste tout aussi incertaine et dangereuse. Ekwensi est un des rares écrivains à aller au-delà de la fuite d’Ojukwu et de la reddition des forces biafraises à Dodan Barracks avec la signature par le lieutenant Effiong des documents du retour des Biafrais dans la fédération nigériane.

Survive The Peace apporte un témoignage sur cette période d’après-guerre.

I – Divided We Stand

En dédicace à cet ouvrage, Ekwensi écrit :

« To the memory of those who lost their lives in the futile struggle, and to those who have survived to rule, hoping that they may never allow history to repeat itself, for then, there may be no Nigeria, not even a divided one. »

Tout en rendant hommage à ceux qui ont perdu la vie, l’auteur souligne la futilité du conflit. L’auteur exhorte ceux qui ont survécu et qui dirigent le Nigeria à tout faire pour que pareil conflit ne se répète pas de peur de voir la fédération nigériane disparaître. Autant rester dans

la fédération même si on est « divisé », allusion faite aux trois grandes entités (les Haoussa au nord, les Yorubas à l’ouest et les Igbos à l’est) qui ne s’entendent pas entre elles mais qui, ensemble, forment la fédération du Nigeria.

À la suite d’Ike et d’Amadi, les grandes phases des évènements qui en escaladant ont amené au conflit et, ensuite, les grandes phases du conflit lui-même jusqu’à la fuite d’Ojukwu restent les mêmes mais ce sont les différents aspects soulignés par les auteurs qui sont intéressants. Ike dans Sunset at Dawn montre l’espoir d’une nouvelle république pour les Igbos mais qui n’a pas pu survivre pour combler les attentes de la communauté. Amadi dans Sunset in Biafra

soulève le problème des minorités brimées par les Igbos pendant le conflit, un aspect du conflit souvent occulté. Avec Ekwensi, les différentes phases connues sont reprises : les pogroms, l’exode des Igbos vers leur région d’origine, majoritairement à l’est, la sécession et la création de la République du Biafra. La guerre et ses vicissitudes sont reprises pendant les quatre premiers « books » sous l’œil inquisiteur d’Isaac Chika, journaliste au West African Sensation à Lagos. Avec la sécession et la création de la République du Biafra, il travaille en tant que reporter pour le service de presse biafrais (The Biafran Foreign Press Service), le parcours même d’Ekwensi qui a travaillé d’abord pour l’État fédéral et ensuite pour le Biafra. Le « book » 5 « Africhaos » est très intéressant parce que les réunions de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) sur la crise au Nigeria sont rappelées par les auteurs mais pas de manière aussi détaillée. Ici, à travers les yeux de journaliste d’Isaac Chika qui accompagne la délégation biafraise à Addis Abeba, une description détaillée est faite sur le déroulement de la session relative au conflit opposant les Nigérians aux Biafrais. L’empereur Haile Selassie préside la séance.

« The Nigerian’s speech was abrupt, Then HIM (His Imperial Majesty) nodded. Biafra! I’ll give the floor to Biafra.

Your Imperial Majesty… came the deliberate voice of the Biafran Leader. Excellencies, Distinguished Visitors, Highnesses, Ladies, Gentlemen… The clock on the wall near the pictures of the Heads of State was registering six p.m. and the long hand was slowly ticking in visible one minute leaps.

To treat a disease you have to diagnose the cause, not treat the symptoms. The cause of the suffering was the war. The cause of the war was the chaos. The cause of the chaos was faithlessness and a total disregard of the Constitution, of fundamental human rights. The cause of the exodus was the pogrom. The cause of Biafra’s resistance was Nigeria’s refusal ‘to leave us alone.’ […]

At nine-thirty p.m. the speech ended. The ovation began and died down and began again and died down, and faded to nothingness. »

(pp. 208-209).

Chika se demande à raison si l’OUA a un réel pouvoir : « What is there for the OAU to do? […]. They simply must bow to the will of the powerful manipulators, visible and invisible » (p. 204). Ekwensi, alias Isaac, veut que le lecteur comprenne bien sa frustration sur l’impuissance de l’OUA face au conflit du Biafra. La réflexion qui suit est mise en italique par l’auteur :

« This is what we have come to Addis to correct, and look how the whole thing has got bogged down by big power politics! Nigerians fly to London to obtain more arms ; their leaders refuse to show up. The Conference talks ceaselessly of relief food for Biafra, talks… mark you, but arms continue to flow to Nigeria and Africa keeps silent. There is no talk about arms. So what am I doing here in Addis? » (pp. 211-212).

L’impuissance des leaders africains est bien visible. Elle ne peut susciter que colère et ensuite résignation. Le « book six », le dernier, est comme une prolongation du plaidoyer biafrais à la face du monde : les correspondants étrangers, « Isaac Chika sat at the back of the room, listening. Near him were other foreign press agency correspondents and the Independent TV Network of Britain » (p. 221), la Grande Bretagne et la Russie et, à travers elles, les autres grandes puissances :

« Biafrans, we have with us this morning four foreign visitors from Britain and Russia. Mr Johnne Smythe and Mrs Barbara Trueworde both British Parlementarians of the Labour Party. Messrs Kokhlov and Malakhov are

Russians from the Foreign Office in Moscow. They are experts on African affairs. » (ibid).

Nnaji Obi, secrétaire du Eastern league for Justice, rappelle les malheurs de la communauté igbo depuis les pogroms jusqu’au conflit avec deux camps opposés aux capacités inégales. Mais, une fois encore, il semble que pas grand-chose ne sortirait de cette rencontre :

« Chika did not know whether to be angry or sad. The two British Parliamentarians had got themselves entangled with one group of Biafrans and were promising to review their Government’s stand before the next elections, some time soon. « Government policies are not that easy to change, you know, » said John Smythe. » (p. 225).

Obi est tué le même jour, quand la manifestation qui a suivi la rencontre a été bombardée par les forces fédérales. Ekwensi finit par un épilogue où la futilité de ce conflit est reprise, cette futilité même dont parlait l’auteur dans la dédicace au début de l’ouvrage.

Isaac is « a dejected man, angry at the interminable and senseless war between Nigeria and Biafra and wishing it would somehow end. » (p. 233).

Après avoir mentionné la fuite d’Ojukwu vers la Côte d’Ivoire et la reddition du Biafra avec la signature du général Phillip Effiong à Dodan Barracks, Ekwensi finit avec le souhait que plus jamais il n’y ait ce genre de conflit, espérant que celui-ci servirait de leçon.

« It was now time to see whether Nigeria and indeed the rest of Africa would learn anything at all from the blunders which had become a peculiarity of all African Governments. » (p. 235).

II – Survive The Peace

Avec Survive the Peace, Ekwensi nous rappelle que la fin de la guerre reste une période floue et hautement incertaine. Généralement, les auteurs retracent les débuts de l’instabilité politique au Nigeria autour de la période de l’indépendance (1960). Ils évoluent à travers les différentes crises jusqu’à la guerre et s’arrêtent à la fuite d’Ojukwu et la signature des documents de reddition par le lieutenant-colonel Effiong. La notion de survie pendant la guerre semble évidente vu les affrontements militaires entre les camps adverses, chaque camp utilisant ses capacités militaires à leur maximum pour faire le plus de victimes dans le camp

adverse et ainsi gagner la guerre. En revanche, survivre à la paix est une notion souvent occultée. La guerre apporte dans son sillage la destruction des villes et des villages et jette les populations sur les routes et dans les camps de réfugiés. Les familles éclatent, les liens sociaux qui unissaient les populations éclatent également et laissent place à des relations circonstancielles de survie. La paix, lorsqu’elle est déclarée et signée par les officiels, doit encore faire son chemin, atteindre les belligérants sur tous les fronts de la guerre. Cette paix doit aussi atteindre les cœurs des populations meurtries : elles doivent accepter que les frères d’hier devenus ennemis soient redevenus frères.

La période de la fin de la guerre avec la signature officielle de la paix et le retour à la normale reste tout aussi dangereuse. Il faut aussi pouvoir survivre à cette période. Ekwensi, ici, à travers les aventures de James Odugo, un radio journaliste, nous montre les dangers et les incertitudes de cette période de fin de guerre pendant laquelle il faut aussi survivre à la paix qui vient d’être signée par les officiels. La dédicace de l’ouvrage part sur un ton bien triste :

« To the memory of NKIRUKA

who tried so hard to survive. »

Au-delà de la disparition de Nkiruka, la tristesse est bien ressentie par le fait qu’Ekwensi souligne des efforts vains réalisés pour survivre. Cette personne à qui l’ouvrage est dédié est, de façon évidente, chère à l’auteur. L’ouvrage prend un ton un peu autobiographique. La fille née de la relation de James Odugo et de Gladys Nwibe s’appelle Nkiruka. Pa Odugo – James Odugo meurt avant la naissance de sa fille – explique la signification du nom : « The war which lies ahead, to live or to die, that is a greater war. That is why we call our youngest daughter Nkiruka – that which lies ahead is greater. » Malheureusement, il semble que Nkiruka n’a pas pu survivre.

La structure du livre est simple. Ekwensi divise l’ouvrage en trois livres et chaque livre a un titre et un-sous titre sous la forme d’un proverbe ou d’une citation. Le livre 1 est intitulé « No More River to Cross » et le sous-titre est une citation d’Aristote : « We make war that we may live in peace. » (p. 1). « No more River to Cross » présente la fin de la guerre. Cet après-midi de janvier 1970 (p. 4), James Odugo est témoin de la débâcle des soldats biafrais dans la ville

d’Umunevo. Ekwensi, entre citations bibliques (p. 3) et écriture en italique de lignes du prophète Daniel annonçant les temps sombres à venir, « When the end of this war will come, it will be like the abomination of desolation » (p. 5) annonce la gravité du moment. Odugo voit les soldats biafrais se débarrasser de leurs uniformes et de leurs armes. Le dialogue qui suit justifie le titre du livre 1 et montre la fin de la guerre pour l’armée biafriaise :

« « They crossed Awomama bridge this afternoon, » said one soldier. « That’s the last Biafran bridge. After that, no more river to cross » […] «Make we go home, war done finish! » » (p. 9).

À la vue de cette débâcle, Odugo ne peut que prier tellement tout lui semble surréaliste. La prière qu’il fait donne le ton de tout l’ouvrage. La première ligne qu’Ekwensi met en italique justifie le titre du livre :

« « O Lord,’he prayed, ‘ I have survived thirty months of war, let me now survive the peace. Show me what to do, how to gather my scattered family, how to save my friends, where to hide, how to disappear from sight before the killings start. Some soldiers will be intoxicated with victory, others will be downcast with despair at being defeated, most of them will break away from control to grab what they can find and surely many people will suffer… » » (p. 11).

En fait, cette prière est le contexte dans lequel tout l’ouvrage va se dérouler jusqu’à la mort d’Odugo pour ainsi justifier le titre du livre. Après la débâcle dont Odugo a été témoin, Ekwensi apporte l’information officielle par la radio :

« Lt Col Effiong, leading Ibo delegation, officially surrendered. Nigeria has come of age (Gowon). Reconciliation and reconstruction must now begin. Amnesty in force. Appeal for volunteers to carry food and medical supplies to war areas. Emergency remains in force. 12-state structure retained. Ojukwu now in hiding. » (p. 35).

Dans ce contexte, la bataille du pont d’Umunevo illustre bien l’absurdité de cette fin de guerre. À la tête de vaillants soldats biafrais, Samson Ukoha se bat jusqu’à la mort alors que la guerre avait cessé depuis. Il meurt en héros mais inutilement. Il est intéressant de noter

qu’Ekwensi fait une allusion à Mammy Water pendant la bataille du pont d’Umunevo. La présence de la déesse est évidente car elle est représentée par le python, son symbole en cosmologie igbo.

« One boy who was foreign to Umunevo leapt aside when he saw a huge python glide slowly down towards the stream, its small head and beaded eyes leading a fat body beautifully tattooed. The strange boy aimed his rifle at it, and Ukoha seized him at the elbows. « Don’t shoot! Pythons are sacred here. Do you want to bring us bad luck ? » The boy was trembling when he lowered the gun. » (p. 47).

Ekwensi reconnaît le côté sacré de la déesse, mais il ne lui prête aucun pouvoir de protection pour les Biafrais. Il ne lui fera faire aucun miracle. Après que les balles des fédérés ont décimé tout le groupe de Samson Ukoha, la rivière retrouve son calme comme si la déesse, représentée par le python, était mécontente d’avoir été perturbée par les frères ennemis en guerre. La déesse adopte une attitude d’indifférence qui devrait servir de leçon. Telle une mère, elle se tait, les laisse se faire la guerre. Ensuite, elle les laisse définir un terrain d’entente eux-mêmes et retrouver les liens de fratrie qui les unissaient.

« Then every living thing became quiet in the Umunevo River basin except for the Umunevo python that coiled round a thick tree whose roots dipped into the river. There the python remained silent, licking its lips with a forked tongue and listening to the thunderstorm without rain. » (p. 49).

Ceci est une leçon « à l’africaine » souvent donnée aux enfants d’une même famille lorsqu’ils se battent.

Le sous-titre du livre 1 est une citation d’Aristote : « We make war that we may live in peace » (p. 1). Cette référence à Aristote rappelle la justification de la guerre par la partie biafraise. Ojukwu, son leader, avoue à Peter Cunliffe dans My Nigeria (2010) :

« Nobody wanted war, […] But the Igbos had no choice. It was a fight for the survival of the Igbo people against plans to wipe out a generation. » (p. 101). Le livre 2 a pour titre « Count Them Among the Dead » et le sous-titre est le proverbe igbo « Agaracha Must Come Back ». Visiblement, le livre 2 est à l’heure des bilans. Le titre

« Count Them Among The Dead » (p. 91/p. 120) est une phrase qui revient lorsque les familles retournent à leur base. « Agaracha Must Come Back » insiste sur le fait que chaque personne se doit de revenir à sa base. Toute personne absente après un certain délai est considérée morte. La norme sociale d’avant-guerre n’existe plus. Malheureusement pour Odugo, Agaracha ne revient toujours pas. La guerre et la lutte pour la survie ont créé de nouvelles normes sociales. Odugo et son épouse en sont victimes. Lui, de son côté avec ses multiples aventures, et elle, portant l’enfant d’un homme de l’armée fédérale.

Le titre du livre 3 est « War Changes Everything » et le sous-titre est une citation de Thomas Paine : « War involves in its progress such a train of unforeseen and unsupposed circumstance that no human wisdom can calculate the end. » Thomas Paine, écrivain anglo-américain du 18e siècle, a participé à la guerre d’indépendance des États-Unis contre l’Angleterre en tant qu’aide au général Nathanael Greene. Cela l’a amené à vivre la guerre de très près. Cette citation très connue est utilisée ici par Ekwensi pour « préparer » le lecteur au tour que prennent les évènements. Odugo retourne à Lagos où il est accueilli avec beaucoup de faste par ses collègues. Il peut se réinsérer dans le « one Nigeria » ambiant sans trop de souci. Mais le syndrome d'« Agaracha Must Come Home » le pousse à retourner en pays igbo et il rejette l’offre qui lui est faite par ses collègues à Lagos. Il revient et meurt attaqué par des bandits armés qui rôdent depuis la débandade de l’armée biafraise qui a laissé uniformes, armes et munitions dans sa fuite. Ekwensi tente malgré la mort d’Odugo, le personnage principal, de finir le livre sur un ton d’espoir avec les enfants, en tant qu’espoir de la nation : « No nation can survive on deaths. It is the new generation that must make for continuity. Let the baby come. This is the time most of our women are running away from us because they believe we will not survive. Now Gladys is coming forward to me, with a child in her arms. Bless her ! » (p. 111). Et aussi, Ekwensi veut finir avec une image d’espoir pour la fédération nigériane elle-même.

« So the war had given Ogene market a new importance. People were haggling aloud in Hausa, Ibo, Yoruba, and Ika-Ibo. This development in his home village was strange to Odugo’s ears and rather satisfying.

« One Nigeria! » Odugo cried and Gladys looked at him in surprise. « Don’t you see ? All Nigeria is here. If there is anything to make Nigeria one it is food – not bullets. Bullets will make us one, in death. Food will make us one – in life ! » » (p. 107).

L’espoir affiché par l’auteur semble souvent contraint, mais c’est une option qui lui semble sans autre alternative.

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