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3.4 Application : enlacement des géodésiques sur le tore T 3

4.1.2 Les surfaces de translations

Définition 4.1.5. Une surface de translation est une surface topologique Σ, épointée d’un sous ensemble fini S ⊂ Σ dont les éléments sont appelés singularités, et d’un atlas A = (Ui, ϕi)i∈I sur Σ \ S tel que :

— les changements de cartes sont des restrictions des translations du plan, {z 7→ z + b | b ∈R2} ;

— tout point de S a un voisinage isométrique à la structure euclidienne d’un cône d’angle multiple de 2π.

Un premier exemple d’une telle surface est le tore platT2 :=R2/Z2. En tant que quotient

deR2 par un groupe discret de translations, cette surface vient naturellement avec un atlas de translation et ne possède pas de singularités.

Remarque 4.1.6. Une structure de translation sur une surface Σ induit une métrique plate sur Σ \ S. Le théorème de Gauss-Bonnet garantit que si la surface est compacte et n’a pas de singularité, alors c’est un tore.

Avec une structure de translation sur Σ est associée une famille de feuilletages orientés me- surés indexés par le cercle : les feuilletages directionnels. Considérons les feuilletages du plan par droites, que l’on peut paramétrer par l’angle θ entre les droites qui le composent et un axe de référence, par exemple l’axe des abscisses. Notons les Dθ. Ces feuilletages peuvent être vus comme le noyau d’une forme fermée du plan, sin(θ)dx − cos(θ)dy, et sont donc à ce titre automatiquement mesurés. Remarquons également que le feuilletage Dθ est invariant par translations (ainsi que la forme fermée), donc, du point du vue de la structure de translation, ils sont invariants par changement de carte. Chaque Dθ définit

alors globalement un feuilletage orienté mesuré sur Σ : les feuilletages directionnels, que l’on notera (Fθ)θ∈S1.

Dans le cas du tore, dès lors que θ 6= 0, la courbe γ (voir figure 4.2) définit une section globale de Fθ. De plus, l’application de premier retour Φθ sur cette section est une rotation

rt, t vérifiant :

1

4.1. INTRODUCTION. 119

γ

θ t

Figure 4.2 – En rouge, un morceau de feuille du feuilletage Fθ sur le tore T2. En vert,

la section globale γ dont l’application de premier retour est donnée par une rotation de paramètre t.

Remarque 4.1.7. Cette propriété est plus générale. Étant donné un feuilletage orienté et mesuré, les applications de premier retour sur une transversale au feuilletage sont toujours données par des translations par morceau, relativement à la mesure transverse.

Toutes les directions θ telles que tan(θ)−1 ∈Z donnent les mêmes applications de premier retour. En particulier, les feuilletages correspondant à ces directions partagent une grande partie de leurs propriétés dynamiques, comme la minimalité ou la périodicité.

Ce changement de point de vue, passer de l’étude des rotations du cercle à celle des feuille- tages directionnelles, a l’avantage d’encoder le tout dans un même objet : une structure de translation. Les symétries d’une surface de translation vont alors conjuguer certains de ces feuilletages directionnels, pour lesquels les applications de premier retour auront alors des comportements similaires.

Définition 4.1.8. Soit Σ une surface de translation. On appellera un difféo-morphisme Φ de cette surface un automorphisme de Σ si sa restriction aux cartes de l’atlas de translation est une application affine deR2 :

x y ! 7→ A x y ! + B

où A ∈ GL+2(R) et B est un vecteur de R2.

Les changements de cartes étant des translations, le morphisme ρ qui à un automorphisme associe sa partie linéaire, c’est-à-dire la matrice A, est bien défini. Remarquons qu’une l’application affine deR2 envoie le feuilletage Dθ sur le feuilletage DA[θ], ou A[θ] est la di- rection image de θ par l’action projective associée à l’application linéaire A. La matrice A

ne dépendant pas des cartes, la remarque précédente s’étend globalement sur la surface Σ : un automorphisme φ conjugue les deux feuilletages directionnels Fθ et Fρ(φ)[θ], où ρ(φ)[θ]

est la direction image par la matrice ρ(φ) de la direction θ, ou, pour le dire autrement, l’image de θ par l’action projective de ρ(φ) sur le cercle. Illustrons, encore une fois dans le cas du toreT2, la discussion précédente.

On peut en effet dans ce cas donner des constructions explicites d’automorphismes. Toute matrice A ∈ SL2(Z) envoie le réseau Z2 sur lui même et induit donc, en tant qu’application

linéaire, un automorphisme ˜A du tore T2. Examinons alors à travers la figure 4.3 l’image du feuilletage vertical par l’automorphisme ˜Γ, où

Γ := 1 1 0 1

! .

γ

Figure 4.3 – En bleu l’une des feuilles du feuilletage vertical, en rouge une feuille de son image par ˜Γ : une feuille du feuilletage de direction θ = π4.

L’automorphisme ˜Γ conjugue bien les feuilletages directionnels correspondant aux direc- tions θ = π2 et θ = π4, dont les applications de premier retour relativement à la section globale γ étaient identiques, en particulier toutes deux sont complètement périodiques. Remarque 4.1.9.

— On peut montrer que les automorphismes ˜A, A ∈ SL2(Z) sont exactement les auto-

morphismes du tore T2.

— En tant qu’élément du mapping class group, l’automorphisme ˜Γ correspond au twist de Dehn le long de la courbe γ.

On retrouve ainsi la première partie du théorème 4.1.2. En effet, l’orbite de la direction π2 sous l’action projective du groupe SL2(Z) correspond bien aux directions dont les applica- tions de premier retour sur γ des feuilletages associés sont les rotations rationnelles.

4.1. INTRODUCTION. 121

Voyons, toujours dans le cas particulier du tore, comment traiter géométriquement une partie des comportements dynamiques restants.

Donnons nous une matrice A de SL2(Z) dont les valeurs propres λ et λ−1 sont des réels positifs distincts, que l’on dira alors hyperbolique. L’automorphisme induit par A sur le tore T2 laisse invariant les deux feuilletages correspondant aux directions propres de la matrice A, l’un est contracté alors que l’autre est dilaté. En tant que difféomorphisme du toreT2c’est donc un difféomorphisme pseudo-Anosov, pour lequel on a le théorème général suivant :

Théorème 4.1.10 ([10], voir aussi [20] page 253). Soit Σ une surface compacte. Les feuilletages stables et instables d’un difféomorphisme pseudo-Anosov sont uniquement er- godiques, c’est-à-dire qu’il n’existe qu’une unique mesure transverse invariante.

Dans le cas particulier du tore, ce théorème prouve que tous les feuilletages correspondants aux directions propres des matrices hyperboliques de SL2(Z) sont des feuilletages unique- ment ergodiques. En particulier, les applications de premier retour sur la transversale γ de ces feuilletages, des rotations du cercle, le sont également.

Remarquons qu’on est encore loin d’avoir prouvé le théorème 4.1.2, après tout il n’a été traité qu’un nombre dénombrable de feuilletages : ceux correspondant aux directions propres des matrices hyperboliques de SL2(Z) et ceux dans la SL2(Z)-orbite de la direction

verticale.