sociales d'une personne ou d'une communauté. Les facteurs politiques sont essentiels à prendre en compte pour mesurer le degré de vulnérabilité, d'un pays, d'une région, d'une ville. A partir des années 1980, des chercheurs américains et anglais mettent en évidence l'impor-tance du contexte institutionnel et politique dans le quel s'inscrit la gestion du risque (Mitchell et al., 1989 ; Tobin, Montz, 1997 ; Penning-Rowsell, 1987). Ces travaux montrent que le risque, construction sociale, est une construction politique, qui renvoie à la sphère des poli-tiques publiques (figure 1.43). Tandis que la sphère sociale est l'expression de la somme des 1 En effet, le passage du paradigme de l’aléa à celui de vulnérabilité ne signifie pas la fin de la nature. « Nous n’en aurons jamais fini avec la nature, et s’il en est ainsi, c’est que nous n’aurons jamais qu’un contrôle partiel, local et temporaire sur le monde dans lequel nous vivons. L’État des sciences invite moins à croire en une maîtrise totale qu’il ne montre la complexité des processus dans lesquels s’inscrivent les activités humaines » (C. Larrère et R. Larrère, 1997). attitudes individuelles, le politique traite d'une entité qui représente l'intérêt général. Or, il y a une différence de nature entre ce qui se passe à l'échelle individuelle et ce qui se produit au niveau institutionnel (Mitchell et al., 1989). Le politique cherche à gérer le groupe en tant que tout. Étant donné la multiplicité des représentations individuelles, il est difficile de déterminer quel peut être l'intérêt collectif en matière de risque. La prise en compte du cadre ou du contexte institutionnel des politiques de gestion des risques est nécessaire pour comprendre les processus de décision. La gestion des risques passe avant tout par la définition des niveaux de responsabilité des différents acteurs et des mécanismes de coordination appropriés entre les autorités concernées. ment les géographes, à prendre en considération la nature des lieux, afin de comprendre pour-quoi certains lieux sont plus à risque que d’autres (Hewitt, 1971, 1997 ; Blaikie et al., 1994 ; Wisner et al., 2003 ; Cutter, 1996, 2000). Les études de vulnérabilité permettent de mieux appréhender la complexité des paramètres sociaux déterminant tel ou tel lieu à risque. Le risque constitue souvent une clé de lecture des modes d'organisation complexes des sociétés humaines. Hewitt (1997) note d’ailleurs que l’on se souvient d’une catastrophe par le nom du lieu où elle s’est produite. Si la vulnérabilité des populations renvoie à leurs caractéristiques sociales, celles-ci sont intrinsèquement liées au lieu de vie de ces sociétés. Les catastrophes intéressent les géographes en ce qu’elles entraînent une désorganisation à la fois sociale et spatiale (Hewitt, 1997). A partir de la fin des années 1990, le lieu (place) devient un concept central des analyses géographiques de risque. Pour Hewitt (1997), l’internationalisation des questions d’environnement et en particulier celle des risques, a conduit à les traiter comme des questions globales affectant les sociétés humaines et a fait oublier que la nature du risque dépendait avant tout du lieu où se produisait ce risque, même si ce lieu peut-être considéré dans une perspective multiscalaire. Dans son acception la plus simple, le lieu à risque est le lieu où l’aléa est reconnu comme fort. Les sociétés qui sont en lien avec ce lieu peuvent être vulnérables car elles sont susceptibles d’être exposées à l’aléa s’il survient à un moment où elles se trouvent dans ce lieu1. Mais considérer les lieux à risque, c’est plus largement considérer l’organisation poli-tique, sociale et culturelle de ces lieux. Pour Hewitt (op.cit.), les formes de développement de l’urbanisation, les types d’occupation du sol, la catégorie sociale à laquelle appartiennent les populations qui vivent dans les lits majeurs, la nature des plans de secours prévus par les acteurs institutionnels en cas de crise sont des questions essentielles pour analyser de manière pertinente le risque d’inondation. Surtout le lieu permet de replacer le risque dans toute sa dimension géographique et de situer l'espace à risque pour mieux comprendre les dynamiques qui l’animent. En définitive, le recours à la notion de lieu permet de prendre en compte à la fois la dimension biophysique et la dimension sociale de la vulnérabilité2, l’exposition à l’aléa, ainsi que les facteurs sociaux, économiques et politiques. S. Cutter (2000, 2006) montre que la manière dont l'ensemble de ces éléments interagissent et se distribuent dans l’espace permet de définir un paysage du risque (traduction difficile de l’anglais « riskscapes », « hazardscapes ») pour des lieux donnés, et ce à toutes les échelles. S’en suit une nouvelle conception de la vulnérabilité qui ne dépend plus de l’aléa, ni de la société mais 1 Hewitt (1997) parle de « high hazard locations » ou de « harsh lands », les lits majeurs par exemple. Les sociétés qui habitent ces lieux sont vulnérables parce qu’elles sont exposées à l’aléa, se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. 2 « While the notion of vulnerability as potential exposure or social resilience is most prevalent in the literature, the integration of the two is occuring with a more pronounced focus on specific places or locations. The concepts of vulnerability and multiple hazards in a place (hazard of place) encompass both biophysical and social vulner-ability, and are applied to many geographic domains from the local to the global. » (Cutter, 2006, p. 86). du lieu considéré. Dès lors, il s’agit de d'envisager l’ensemble des critères géographiques qui permettent de définir la vulnérabilité d’un lieu. Cela permet en outre d’adopter une approche multirisque et de réduire l’ensemble des risques qui touchent un lieu donné1. S. Cutter montre à travers plusieurs exemples comment la définition de la vulnérabilité du lieu permet de renouveler l’approche cartographique du risque et, grâce à un système d’information géogra-phique, d’établir une classification des espaces à risque selon leur degré de vulnérabilité, en tenant tout particulièrement compte de la manière dont les espaces sont structurés par les réseaux de communication afin de faciliter les secours. Les analyses effectuées par son équipe à l'échelle du comté de Georgetown en Caroline du Sud lui ont permis de définir l' hazardous-ness of a specific place. Le risque est une spécificité du lieu, la singularité de celui-ci ne peut être comprise sans voir comment le risque s'entremêle avec les autres composantes spatiales. L'enjeu est de définir le degré de risque d'un lieu, comme l'on pourrait définir son accessibi-lité, son attractivité, etc. Parallèlement, des travaux (Buckle et al., 2000 ; Handmer, 2000) éclairent le concept de Dans le document Risque d'inondation et dynamiques territoriales des espaces de renouvellement urbain : les cas de Seine-Amont et de l'Est londonien (Page 86-89)