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2. Les limites à la coopération :

2.2. Un sujet peu médiatisé et peu connu du grand public

La fragile coopération entre pouvoirs publics et secteur associatif pourrait également provenir d’un manque de médiatisation du sujet. En effet, les limites exposées ci-dessus pourraient avoir comme problématique de fond commune le fait que la traite ne soit pas un sujet qui intéresse l’opinion publique et donc qui ne soit pas forcément une priorité politique malgré l’activité de plaidoyer des associations. De plus, on peut également noter le peu

d’associations travaillant sur l’exploitation par le travail ou même la mendicité forcée, du fait notamment de la faible connaissance du sujet.

Comme le soulignait Pascal Quesque de l’association SPRENE, lors de l’entretien mené137: “lorsque je discute autour de la traite, beaucoup sont étonnés que ça se passe en

2018, à leur porte, sur leur territoire géographique”. Il existe véritablement une

méconnaissance du phénomène de la traite des êtres humains sur le territoire français. De la même manière, dans l’entretien accordé à France Culture138, Sylvie O’Dy, la présidente du

Comité contre l’Esclavage Moderne (CCEM), raconte les difficultés qu’a connu l’association à ses débuts, en 1998, quand elle voulait accompagner des victimes de servitude domestique devant les tribunaux, car personne ne croyait à ces situations et que les textes de loi et les articles du code pénal n’étaient pas adaptés à ces faits. Pour elle, “la prise de conscience a été

lente et l'est encore actuellement”.

A cet effet, nous avons souhaité effectuer une petite étude de terrain concernant la connaissance du grand public du phénomène de la traite des êtres humains. Pour ce faire, nous avons élaboré un sondage sur internet avec 12 questions. Les objectifs détaillés et les résultats de ce sondage sont disponibles en annexe139. Même si les résultats ne sont pas représentatifs

au regard du profil des personnes ayant répondu au sondage, certaines tendances peuvent néanmoins être dégagées, notamment le fait que la plupart des personnes interrogées avaient déjà entendu parler de traite des êtres humains (93,1% des sondés) mais que seulement 66,1% d’entre elles savaient exactement ce que ce phénomène signifie. De plus, d’après le sondage, la majorité des personnes interrogées ne savaient pas exactement à quel point la France est concernée par le phénomène de traite des êtres humains. Enfin, une autre tendance très intéressante, dégagée par ce sondage, est que la plupart des personnes interrogées (86,1%) estiment que le sujet de la traite des êtres humains n’est pas assez abordé dans les médias français.

137 En annexe n°2

138 “Esclavage moderne en France : l’indifférence des gens est absolument terrible” 09.05.2018, par Lise

Verbeke - également en annexe n°6. Disponible sur :

https://www.franceculture.fr/societe/esclavage-moderne-en-france-l-indifference-des-gens-est-absolument- terrible?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#link_time=1525894484

Pourtant une plus grande sensibilisation au phénomène de la traite des êtres humains est fondamentale car aurait des conséquences bénéfiques en termes de repérage d’une victime. En effet, il est admis que les dénonciations des médias peuvent parfois avoir des effets directs ou indirects sur des décisions politiques140. Comme l’indique Sylvie O’Dy, du CCEM, “C’est

difficile de détecter une personne en situation d’esclavage. Mais quand un voisin voit une personne, extrêmement maigre, descendant les poubelles et mangeant dedans, nous pouvons quand même nous poser des questions. Quand on voit une jeune fille qui accompagne des enfants en plein hiver, sans manteau, avec des tongs aux pieds, on peut quand même s’inquiéter141.”

Cependant, la question de la médiatisation du sujet de la TEH est de plus en plus prise en compte aussi bien par le secteur associatif que par les pouvoirs publics. A ce titre, plusieurs campagnes d’information ont été menées en coopération entre différents acteurs comme par exemple la campagne lancée par le Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes et l’association le Mouvement du Nid, pendant la compétition sportive de l’Euro 2016 sur la prévention de l’achat d’actes sexuels, intitulée « Le prix d’une passe n’est pas celui que tu crois »142. S’il est possible de saluer de telles initiatives, il s’agit tout de même d’actions ponctuelles ne relevant pas d’une véritable campagne d’information nationale comme il en existe par exemple concernant la sécurité routière.

Il existe donc de nombreuses limites à la coopération et à la mise en place de partenariats entre le secteur associatif et les pouvoirs publics, telles que des limites budgétaires, le problème de connaissance des pratiques professionnelles des autres acteurs de la lutte contre la TEH, ...etc. Selon nous, le manque de médiatisation du sujet et de connaissance du grand public constitue également une limite importante et non négligeable car une plus grande médiatisation permettrait, entre autres, de prioriser la lutte contre la TEH dans l’agenda politique. Les actions de coopération et les partenariats entre pouvoirs publics et secteur associatif sont pourtant plus d’une fois préconisés par les instances internationales et nationales, qui à ce titre émettent de nombreuses recommandations.

140 Yves Schemeil - Introduction à la science politique - Objets, méthodes, résultats - Presse de Sciences Po et

Dalloz - Édition 2012 -p 472

141 Entretien en annexe n°6

142 Plus d’informations sur la campagne :

3. Les recommandations en matière de coopération

De nombreuses recommandations existent et ont été émises par différents acteurs. Il ne s’agit pas de faire la présentation de toutes celles existantes mais de détailler certaines d’entre elles. Même si des actions sont prises pour travailler en coopération, cela n’est pas systématique, c’est pourquoi il est préconisé de renforcer la coopération et les partenariats entre les pouvoirs publics et le secteur associatif. Ces recommandations proviennent d’instances internationales qui émettent des propositions générales (3.1), mais peuvent également provenir d’instances nationales avec des propositions encore plus adaptées au contexte national français (3.2).