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Intérêt des mesures de déformations réparties par fibre optique

I.3.1. Suivi d’un ouvrage de génie civil

Plusieurs méthodologies sont disponibles pour aider le Maître d’Ouvrage à établir la stratégie de surveillance d’une structure. Elle découle, pour un ouvrage particulier, d’une analyse de risques qui prend en compte les exigences fonctionnelles et réglementaires, la sûreté, les conditions d’exploitation et environnementales, la connaissance du comportement et des pathologies des matériaux et de la structure, les coûts de perte d’exploitation et la durée de vie de l’ouvrage. Il en résulte la définition des grandeurs physiques à caractériser, le type de surveillance, l’instrumentation éventuelle, la fréquence et le traitement des mesures, ainsi que les dispositions à prendre (mesures de sécurité, travaux de réparation) en fonction des résultats obtenus par rapport à des seuils issus de calculs.

La méthode itérative utilisée pour le suivi des ouvrages de génie civil du parc EDF, présentée dans [23] et illustrée sur la Figure 12, est applicable à tout type d’ouvrage et est en accord avec les guides de l’Association Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) [24] et de l’American Concrete Institute (ACI) [25], en ayant l’avantage de présenter les étapes techniques à réaliser. Elle est également en adéquation avec le guide ITSEOA [26]. Ce dernier indique que la politique de gestion du patrimoine s’appuie sur deux types d’actions sur le plan technique à savoir la surveillance et l’évaluation de l’état de la structure d’une part (zone A de la Figure 12) et l’entretien et la réparation d’autre part (zone B de la Figure 12).

La surveillance de l’ouvrage (zone C de la Figure 12) correspond à l’ensemble des contrôles et des examens permettant de suivre son état afin de réaliser, en temps utile, les opérations d’entretien et, le cas échéant, de déclencher des mesures de sécurité nécessaires (ex pour un pont : limitation de la circulation voire fermeture totale de l’ouvrage). L’évaluation d’un ouvrage (zone D de la Figure 12) consiste à apprécier, de façon quantifiée, l’état de l’ouvrage (évaluation de l’état) et éventuellement de sa capacité portante (évaluation structurelle) ou d’autres performances (étanchéité par exemple), sur les bases des actions de surveillance, complétées, si nécessaire, par des études et investigations spécifiques.

Selon l’ITSEOA, la surveillance d’un ouvrage repose sur l’inspection visuelle périodique de la structure. Elle est menée suivant la méthodologie de l’Image Qualité des Ouvrages d’Art (IQOA) qui consiste à relever les désordres apparents de l’ouvrage et à leur attribuer une note suivant leur gravité et leur étendue. En cas de désordres soupçonnés ou avérés, d’une possible défaillance à court terme de la structure, ou dans le cas d’ouvrage à caractère exceptionnel ou de structure innovante dont on veut connaître le comportement en service, des investigations ponctuelles sont menées. Tout d’abord, l’ouvrage est inspecté visuellement de manière détaillée. Pour faire suite à cela, s’il subsiste encore des doutes sur les désordres observés et leurs causes, une auscultation et/ou une étude par le calcul sont programmées (zone E de la Figure 12). L’auscultation est un ensemble d’examens et de mesures spécifiques, faisant le plus souvent appel à des techniques élaborées, destinée à approfondir la connaissance réelle d’un ouvrage, en termes de propriétés des matériaux et de fonctionnement de la structure, à partir des résultats de l’inspection détaillée. Elle nécessite l’intervention d’une équipe compétente et l’utilisation de moyens spécialisés. Les moyens permettant d’estimer les propriétés des matériaux reposent, soit sur des méthodes destructives pratiquées sur des échantillons prélevés sur la structure et analysés en laboratoire, soit sur des méthodes non destructives mises en œuvre directement sur la structure et qui peuvent être calibrées sur les échantillons prélevés. Pour ces dernières, les méthodes utilisées peuvent reposer sur différents principes : propagations d’ondes mécaniques ou électromagnétiques, méthodes thermiques, électriques, électrochimiques, radiographiques ou optiques. Les guides de l’AFGC [27], CIRIA [28] et AIEA [29] dressent un état de l’art de ces techniques d’Essais Non Destructifs (END).

L’évaluation de l’ouvrage conclut au diagnostic de l’état de la structure. Un pronostic de l’évolution de l’état de la structure est également posé.

Dans le cas d’une possible défaillance à moyen – long terme de la structure, il peut être décidé de la surveiller, de manière renforcée, pendant une durée déterminée (un an minimum), en augmentant la périodicité des inspections visuelles, voire en installant de l’instrumentation sur la structure. Les mesures couramment pratiquées sont d’ordre fissurométrique, topométrique ou géométrique, dont des mesures de déplacement et de déformations globales et locales de la structure.

En cas de possible défaillance à court terme de la structure, remettant en cause la sécurité des personnes, l’ouvrage est mis sous haute-surveillance. Dans ce cas, des paramètres de mesures sont sélectionnés en lien avec le mécanisme de dégradation supposée. L’instrumentation correspondante est installée. Des seuils d’alerte sont définis en fonction des performances de l’instrumentation, de la pathologie de l’ouvrage et de l’évaluation de l’ELU de la structure. Un plan d’intervention est fixé en cas de dépassement de seuil aboutissant à la mise en place de mesures de sécurité et de sauvegarde.

Ainsi, dans la plupart des cas, l’instrumentation est installée sur des ouvrages existants, donc en parement de la structure. A contrario, dans le cas d’ouvrages à caractère exceptionnel, l’instrumentation peut être installée dès la construction de la structure et peut donc être noyée dans le béton. C’est le cas des enceintes de confinement des centrales nucléaires d’EDF. Ces structures en béton armé précontraint sont équipées de systèmes de mesure de déplacement et de déformation locaux (extensomètres à cordes vibrantes) et globaux (pots de nivellements, fils invar et LVDT) afin de contrôler le tassement et déplacement différentiel de la structure et la déformation du béton. Ce dernier point est notamment motivé par le fait que les gaines de précontraintes sont injectées au coulis et les câbles ne sont donc ni inspectables, ni retendables, ni remplaçables. Les mesures sont réalisées périodiquement en exploitation (tous les 15 jours à 3 mois) et également pendant les épreuves, tous les dix ans, où la pression interne de l’enceinte est augmentée (5 bars) afin d’estimer le taux de fuite. Les différentes valeurs mesurées en exploitation et en épreuve sont comparées aux seuils prévus à la conception pour assurer la tenue mécanique et l’étanchéité de la structure.

Une difficulté majeure de la surveillance de structures de génie civil est la représentativité des mesures réalisées sur l’ouvrage qui présente, en général, une grande surface et un grand volume. Ainsi, une étape primordiale dans l’élaboration du plan d’instrumentation consiste à définir le nombre, la localisation (zones courantes, zones singulières) et la base de mesure des capteurs à déployer sur l’ouvrage, tout en rationalisant la quantité de ces capteurs [30]. L’utilisation de plusieurs techniques de mesures, pour l’estimation d’un même paramètre, est souvent mise en œuvre, permettant d’assurer la redondance et la continuité des séries de mesures, notamment en cas de détérioration du matériel. La méthode de contrôle de santé structurelle, plus connue sous la dénomination anglaise de Structural Health Monitoring (SHM), a principalement été développée pour

l’aéronautique vers 1990 et plus récemment pour le génie civil [30]. Le SHM consiste à instrumenter massivement la structure à l’aide de différents types de capteurs afin d’obtenir une image représentative de l’état de santé de la structure. Le SHM a été appliquée à un très grand nombre de structures [31]. Trois étapes principales sont à prévoir, à savoir la préparation, l’installation et l’utilisation de l’instrumentation. Pour ce dernier point, la gestion des données (localisation, tri, stockage, affichage, interprétation) ne doit pas être négligée d’autant que le nombre de points de mesure et la fréquence des acquisitions seront importants, sous peine de rendre les acquisitions inutilisables.