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4.2 Procédure expérimentale d’analyse des mécanismes d’endommagement

4.2.2 Suivi de l’endommagement par une analyse optique in situe : utilisation

d’une caméra

Il s’agit de détecter et de suivre les défauts qui se créent au cours d’un essai de traction. Un dispositif de visualisation est ajouté au montage d’essai de traction. Ce dispositif est constitué d’une caméra de type KAYENCE munie d’un zoom optique pouvant permettre un agrandis- sement de 12 fois la cible à observer. Cette caméra est montée sur une colonne que l’on peut ajuster suivant les trois directions pour la positionner sur la cible de l’éprouvette à analyser. Au préalable, l’éprouvette subit un polissage de l’une de ses faces, la face qui est placée devant la caméra. Deux types d’éprouvettes sont testés : ce sont les éprouvettes découpées à 0° et à 45°. Le processus de rupture des éprouvettes à 0° est assez lent par rapport aux autres types d’éprouvettes. Leur utilisation permet d’observer plus facilement l’ensemble des potentiels modes de dégradation. Quant aux éprouvettes à 45°, elles sont plus propices au développement des fis- surations transversales à cause du fait que les torons hors axes, initialement orientés à -45°, se retrouvent perpendiculaires à l’axe de sollicitation. Ce choix est fait par analogie aux composites unidirectionnels où les éprouvettes à 90° sont utilisées pour observer les fissures transverses [59]. L’essai de suivi de l’endommagement comporte deux phases : une première phase de charge- décharge où l’éprouvette est sollicitée mécaniquement en vue de créer des défauts et une seconde phase d’observation où la caméra balaie toute la zone polie pour la prise d’images.

Pour la phase d’observation, une nouvelle mise en charge inférieure à celle de la première phase est appliquée pour réouvrir les défauts précédemment créés. Il faut noter qu’il est pos- sible de prendre des photos en cours d’essai ou d’enregistrer une vidéo pour suivre l’évolution de l’endommagement sur une zone choisie. Les paliers de chargement sont choisis de manière progressive afin d’enregistrer l’évolution du nombre et des types de défauts. On peut changer d’éprouvette après chaque essai comme on peut également continuer avec la même éprouvette. Cette dernière option permet de pouvoir constater la création de nouveaux défauts ainsi que l’évolution des défauts existants.

(a)

(b)

Figure 4.9 – Dispositif avec système de visualisation : (a) schéma explicatif [59] et (b) position- nement de la caméra

La méthode d’observation in situe par caméra a donc permis de suivre la création et l’évolution des défauts au cours du chargement comme l’illustrent les figures (FIG. 4.11) pour les éprouvettes à 45° et (FIG. 4.12) pour les éprouvettes à 0°.

(a) (b) (c) (d) (e) (f) (g) (h) Figure 4.11 – Eprouvettes à 45° : (a) éprouvette saine, (b) éprouvette soumise à une contrainte de 45MPa, (c) éprouvette soumise à une contrainte de 73MPa, (d) éprouvette soumise à une contrainte de 91MPa, (e) éprouvette soumise à une contrainte de 109MPa, (f) éprouvette soumise à une contrainte de 128MPa, (g) éprouvette soumise à une contrainte de 146MPa et (h) éprouvette soumise à une contrainte de 164MPa

(a) (b) (c) (d) (e) (f)

Figure 4.12 – Eprouvettes à 0° : (a) éprouvette saine, (b) éprouvette soumise à une contrainte de 161,5MPa, (c) éprouvette soumise à une contrainte de 202MPa, (d) éprouvette soumise à une contrainte de 242MPa, (e) éprouvette soumise à une contrainte de 283MPa et (f) éprouvette soumise à une contrainte de 323MPa

Tout d’abord, on remarque que les défauts se créent essentiellement à l’intérieur des torons hors axe de sollicitation pour l’éprouvette à 45° alors que, pour l’éprouvette à 0°, on remarque une concentration de phénomènes mécaniques au niveau des torons axiaux parallèlement aux défauts qui se créent au niveau des torons hors axe. On en déduit une éventuelle différence dans le processus d’endommagement des deux types d’éprouvettes.

Pour obtenir plus de détails sur les mécanismes d’endommagement identifiés à l’aide de la caméra KAYENNE et dresser la chronologie d’apparition des différents mécanismes, cette analyse in situe est couplée à des observations microscopiques. En effet, l’éprouvette est démontée après chaque palier de chargement et est analysée à l’aide d’un microscope optique. Ce dernier permet d’avoir un agrandissement plus important des défauts.

Ces analyses optiques ont d’abord révélé que l’endommagement des éprouvettes à 45° est majoritairement gouverné par les fissurations transversales et les décohésions d’interfaces. Le processus d’endommagement s’initie par la création de décollements fibre/matrice à l’intérieur des torons hors axe (FIG. 4.13).

Figure4.13 – Décollements fibre/matrice

Ces micro-défauts se propagent à partir de 73MPa pour donner naissance à des fissurations transversales (FIG. 4.14.a). Ces dernières se développent jusqu’à l’interface avec d’autres torons pour activer l’initiation des décohésions (FIG. 4.14.b).

(a) (b)

Figure4.14 – (a) Fissuration transversale (b) Fissuration transversale couplée à une décohésion d’interface inter-torons

Ce scénario de création des fissurations transversales suivies de décohésions d’interface se multiplie à une vitesse croissante au delà de 109MPa (FIG. 4.15). Il est suivi par l’initiation de fissurations longitudinales et de ruptures de fibres entre 146MPa et 164MPa (FIG. 4.16) avant que le processus de rupture ne s’enclenche avec les ruptures de torons.

Figure4.15 – Multiplication des fissurations transversales couplées à des décohésions d’interfaces inter-torons

Figure 4.16 – Fissurations longitudinales couplées à des ruptures de fibres

Quant aux éprouvettes à 0°, les observations au microscope optique mettent en exergue la présence de deux types de scénarios d’endommagement.

Le premier qui semble plus dominant est identique à celui observé pour les éprouvettes à 45° où le processus d’endommagement est caractérisé, dans l’ordre, par les décollements fibre/matrice, les fissurations transversales, les décohésions d’interfaces, les fissurations longitudinales et les ruptures de fibres.

Le deuxième scénario d’endommagement pour les éprouvettes à 0° est gouverné par l’initiation de décohésions à l’interface entre les torons, notamment au niveau des ondulations des torons axiaux. C’est à partir de ces décohésions que prennent source les fissurations transversales pour se développer, par la suite, dans les torons hors axe. Il s’en suit les fissurations longitudinales et les ruptures de fibres au délà de 283MPa.

(a) (b) Figure 4.17 – Développement de l’endommagement à partir des décohésions suivies des fissu- rations transversales

Par ailleurs, l’état d’endommagement en fonction du chargement mécanique peut être carac- térisé par le relevé du nombre de fissures sur une longueur donnée (densité de fissures). Pour chaque niveau de chargement, on peut alors calculer la densité de fissures d en divisant le nombre de fissures comptabilisées sur la longueur considérée. Cette grandeur a pour unité mm−1.

d = nombre de fissures

longueur donnée (4.1)

Le tracé sur une courbe de la densité de fissures en fonction de la contrainte donne une indication sur l’évolution de l’endommagement du composite tout au long du chargement. Les courbes ci-dessous résument l’évolution des densités de fissures calculées sur un pli donné pour les éprouvettes à 45° et 0°.

(a) (b)

Figure 4.18 – Densité de fissures en fonction de la contrainte : (a) Eprouvette à 45° (b) Eprou- vette à 0°

On constate une tendance à la saturation des défauts à partir de 146MPa de chargement pour l’éprouvette à 45°. Ce phénomène est très connu chez les composites unidirectionnels [59] [24].